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NIETZSCHE ou La philosophie à coups de marteau par Roger Laporte

Publié le 17/06/2020

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« Nous faisons une expérience sur la vérité! Peut-être l'humanité en périra-t-elle ! Eh bien soit ! Nietzsche. La vérité ou la vie Tous les ouvrages de philosophie portent en surtitre — il va tellement de soi qu'il n'est nul besoin de l'imprimer — « Recherche de la vérité » : telle est du moins la vénérable tradition de la « philosophia perennis » qui toujours fait écho à la formule de Platon : « Philosopher c'est chercher la vérité avec toute son âme ». Cette tradition, jamais remise en question, offre aux penseurs la sécurité d'une certitude majeure, car, même s'ils sont en désaccord sur tout, ils proclament d'une seule voix : philosopher, c'est chercher la vérité. — « Qu'est-ce, en nous, qui veut la vérité ?... Nous nous sommes interrogés sur la valeur de ce vouloir. En admettant que nous voulions le vrai, pourquoi pas plutôt le non-vrai ? Ou l'incertitude ?... Il nous semble que le problème n'avait jamais été posé jusqu'à présent, que nous sommes le premier à le voir, à l'envisager, à l'oser » : voilà ce que Nietzsche écrit dans le premier paragraphe de Par-delà le Bien et le Mal. Lisons encore une fois cette phrase « scandaleuse » qui fait vaciller notre belle certitude : « Pourquoi pas plutôt le non-vrai ? » (c'est Nietzsche qui souligne). Par cette interrogation violente Nietzsche ne risque-t-il pas de briser la philosophie, ou plutôt ne cherche-t-il pas à la briser ? A coup sûr. En finir avec la philosophie traditionnelle, tel est le projet — l'un des projets — de celui qui lui-même se désigne comme « le dernier philosophe ». Pourquoi le non-vrai plutôt que le vrai ? Parce que, contrairement à ce que nous enseigne la tradition, la vérité ne serait pas la valeur suprême. Toute la philosophie de Nietzsche — si tant est que cette formule ait un sens — consiste à effectuer, à faire effectuer au lecteur, toujours interpellé en tant que disciple en puissance, un déplacement radical : ce qui compte ce n'est pas l'autre monde, le ciel intelligible de Platon, la Vérité, Dieu, mais ce monde — il n'en est pas d'autre — cette terre et les choses terrestres. Notre devoir d'homme, notre mission et notre chance, c'est, nous est-il dit dans Le Gai Savoir, de « changer constamment en lumière et en flamme tout ce que nous sommes ». La vie plutôt que la vérité, soit, mais pourquoi donc la vérité, loin d'être seulement détrônée, est-elle tenue pour dangereuse, c'est-à-dire dangereuse pour la vie ? — « Qu'un jugement soit faux n'est pas une objection contre ce jugement » : peut-on vraiment prendre à la lettre une telle affirmation même s'il nous est précisé que « le tout est de savoir dans quelle mesure ce jugement est propre à promouvoir la vie » ? Sommes-nous contraints de choisir — si oui, pourquoi ? — entre la vérité et la vie ? Au fait Nietzsche lui-même a-t-il choisi ? « Dernier philosophe », du moins le prétend-il, n'est-il pas précisément encore un philosophe ? Ces pages ne cherchent pas à récupérer Nietzsche, à aplatir sa pensée en en faisant un philosophe de plus, mais à poser la question suivante : contrairement à la première apparence, Nietzsche n'est-il pas à la fois l'ennemi de la philosophie et son ami, l'ami d'une philosophie encore moins dogmatique que celle de Montaigne ? Nietzsche lui-même ne cesse d'appeler de ses vœux un « philosophe nouveau » qui, comme tout philosophe, serait un ami de la vérité, mais qui, soucieux d'une pensée toujours vivante, jamais figée en un système, oserait aller au-delà de toute certitude. Cette tentative, cette tentation (le jeu de mots est de Nietzsche) n'est-elle pas trop grande pour l'homme ? A s'engager dans cette voie, ne risque-t-on pas la folie ? A cette question, et à quelques autres, nous tenterons de répondre, mais autant en prévenir tout de suite notre lecteur : toute réponse simple serait une réponse fausse, car la pensée de Nietzsche, loin de se présenter selon l'unité d'un système, c'est-à-dire d'une philosophie, se donne à lire sous la forme de fragments qui parfois se complètent ou s'éclairent, mais tout aussi bien s'opposent, voire se contredisent. Lire Nietzsche est difficile, le commenter ne l'est pas moins dans la mesure où, comme l'a bien montré Jaspers, est fautive toute interprétation qui gommerait les différences, les différends qui font la vie même, vie sans aucun repos, de la pensée de Nietzsche. Vivre intensément. — Nietzsche ou l'« Antéchrist » La vie, mais quelle vie ? Seule une vie en perpétuelle croissance, en constant devenir, peut offrir à Nietzsche ce qu'il cherche avant tout : la plénitude d'une vie « chargée d'électricité ». Pour parvenir à cette surexistence que plus tard chercha Antonin Artaud, grand lecteur de Nietzsche, il ne s'agit pas de conserver petitement la vie, mais il faut la mettre en jeu, au risque de là perdre, tout en comptant bien gagner ainsi un surplus de jouissance, c'est-à-dire un surplus de vie. Replacée dans son contexte, non tronquée, une célèbre formule de Nietzsche prend alors toute sa portée : « Le secret de la plus grande jouissance de l'existence consiste à vivre dangereusement. » Célébrer. Célébrer la vie : tel est, selon Rilke, le rôle du poète, mais quels philosophes partagent un tel souci ? Les noms ne se pressent pas sous notre plume, mais nul philosophe, et peut-être nul poète, n'a autant aimé la vie que l'auteur du Gai Savoir, qui n'est pas moins grand écrivain que penseur d'exception et dont Valéry disait : « Nietzsche n'est pas une nourriture — c'est un excitant ». Il convenait de le rappeler, et il faudra nous en souvenir chaque fois que nous lirons une page de Nietzsche excessive, injuste, et même révoltante. Ne doutons pas de la sincérité de Nietzsche, de sa bonne conscience, lorsque, apostrophant avec véhémence les chrétiens, il s'écrie : « O butors, butors présomptueux... comment vous y êtes-vous pris pour galvauder et profaner mon marbre le plus beau ? » Pourquoi cette violence ? Parce que le christianisme (mais nulle religion n'est épargnée) serait responsable de la « détérioration de la race européenne » et aurait réduit l'homme au rang minable d'« avorton sublime ». Les critiques de Nietzsche sont-elles fondées ? Nous n'avons pas à répondre à cette question, car dans cette étude seul compte, non pas le christianisme « lui-même » (si tant est que cette expression soit justifiable), mais ce que le christianisme représente pour Nietzsche. L'humilité, la douceur, la paix, l'oubli de soi : telles sont les valeurs chrétiennes, valeurs qui sont aux antipodes de celles prônées par Nietzsche : « tous les sentiments d'orgueil, de virilité, de conquête, de domination, tous les instincts propres au type humain le plus accompli ». Accusation fondamentale, et qui résume toutes les autres, la religion aurait mis « les valeurs sens dessus dessous ». La volonté de puissance. — Le nazisme et Nietzsche Angoissé par« la dégénérescence globale de l'humanité », Nietzsche, en toute logique, se propose de renverser toutes les valeurs, ou plutôt de les inverser, non pas pour èn proposer de nouvelles, mais tout au contraire, par un mouvement strictement réactionnaire, pour en revenir aux anciennes. La démocratie, « principe de dissolution et de décadence », accusée d'avoir tout nivelé par le bas, est donc condamnée, ainsi que la Révolution française dont elle est issue, au profit d'une société où la caste aristocratique s'opposerait à la plèbe. L'homme bon serait le guerrier, l'homme dont le vouloir-vivre s'intensifie jusqu'à devenir volonté de puissance. Allant par rigueur jusqu'au bout de sa pensée, Nietzsche en vient à affirmer : « Vivre c'est essentiellement dépouiller, blesser, violenter le faible et l'étranger, l'opprimer, lui imposer durement ses formes propres, l'assimiler, ou tout au moins (c'est la solution la plus douce) l'exploiter. » Nietzsche précise qu'en un tel domaine « il faut s'interdire toute faiblesse sentimentale ». Ce texte cynique n'est pas isolé, car maints textes vont dans le même sens. « La bonne et véritable aristocratie » affirme Nietzsche, doit accepter « de sacrifier d'un cœur léger une foule de gens qui devront être dans son intérêt humiliés et ravalés à l'état d'êtres mutilés, d'esclaves, d'instruments. » Cette division de l'humanité en deux castes : l'une supérieure et rare, celle des maîtres ; l'autre inférieure, l'immense masse du « troupeau », se redouble d'une autre division : les hommes sont les seigneurs, et les femmes des êtres à jamais subordonnés auxquelles il est seulement concédé qu'elles peuvent « atteindre à la perfection dans une situation subalterne » ! Comment la femme, qui n'est pas l'égale de l'homme, pourrait-elle avoir les mêmes droits ! La femme n'a pas la permission de parler, même pas d'elle-même : qu'elle se taise : « Taceat mulier de muliere ! » Il est inutile de se voiler la face : c'est bien Nietzsche, dont le génie est une sorte d'évidence sensible pour tout lecteur, qui écrit : « L'esclavage est la condition de toute civilisation supérieure, de tout progrès en civilisation. » Dans la majorité des études sur Nietzsche, on ne cite jamais, ou peu souvent, ces textes qui pourtant abondent. On ne peut même pas dire que règne parmi les commentateurs un silence gêné, on fait comme si ces textes n'existaient pas ! Il convient pourtant de ne pas prendre à la légère un programme comme Par-delà le Bien et le Mal, titre d'un ouvrage dont l'enjeu est précisément de « dépasser la morale » dans la mesure où « les passions de haine, de jalousie, de cupidité, de domination sont essentielles à la vie ». Pourquoi dissimuler ces pages de Nietzsche qui à la fois inquiètent et suscitent l'indignation ? Parce qu'il faudrait se poser avec le plus grand sérieux la question suivante : Nietzsche est-il responsable, du moins en partie, de l'utilisation que le nazisme a fait de sa pensée ? ...»

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