HOBBES et Dieu
Publié le 15/05/2020
Extrait du document
«
« Comme le Dieu tout-puissant est incompréhensible, il s'ensuit quenous ne pouvons avoir de conception ou d'image de la Divinité ;conséquemment tous ses attributs n'annoncent que l'impossibilité deconcevoir quelque chose touchant sa nature dont nous n'avons d'autreconception, sinon que Dieu existe.
Nous reconnaissons naturellementque les effets annoncent un pouvoir de les produire avant qu'ils aientété produits, et ce pouvoir suppose l'existence antérieure de quelqueÊtre revêtu de ce pouvoir.
L'Être existant avec ce pouvoir de produire,s'il n'était point éternel, devrait avoir été produit par quelque Êtreantérieur à lui, et celui-ci par un autre Être qui l'aurait précédé.
Voilàcomment en remontant de causes en causes nous arrivons à unpouvoir éternel, c'est-à-dire antérieur à tout, qui est le pouvoir detous les pouvoirs et la cause de toutes les causes.
C'est là ce que tousles hommes conçoivent par le nom de Dieu, qui renferme éternité,incompréhensibilité, toute-puissance.
» HOBBES
Ce texte de Hobbes est exemplaire de l'emploi de la notion de Dieu dansun sens non religieux.
Il ne s'agit pas ici d'évoquer un Dieu de croyance,mais de savoir ce à quoi renvoie le nom de Dieu.
L'entreprise est donc ici celle d'un philosophe mécaniste rigoureux, qui va induire des effets naturels une cause surnaturelle.
Dans unpremier temps (jusqu'à « Dieu existe »), Hobbes exprime l'incompréhensibilité de Dieu.
Ce mot doit être pris icidans son sens logique plutôt que dans son sens courant, et désigne le fait que les qualités ou caractères quis'attachent au concept ne nous sont pas accessibles.
Faute donc de pouvoir éclairer l'essence de Dieu, il fautse contenter de son existence, dont il est au moins possible de rendre raison.
C'est un raisonnement parl'absurde qui le permet, dans un second temps du texte (jusqu'à « qui l'aurait précédé »).
Hobbes y faitapparaître l'épreuve à laquelle la pensée aurait à faire face si elle n'admettait pas de premier moteur : larégression à l'infini de la série des causes.
La causalité en effet ne fait sens qu'à condition d'admettrel'antériorité de la cause sur l'effet.
En cela, ce texte annonce la célèbre analyse de Kant, dans la preuve de lathèse de la troisième antinomie (« si l'on admet qu'il n'y a pas d'autre causalité que celle qui repose sur leslois de la nature, tout ce qui arrive suppose un état antérieur auquel il succède infailliblement d'après unerègle »).
Le dernier temps du texte peut alors conclure sur la nécessité, ainsi démontrée, de l'existence deDieu comme moteur.
Mais l'analyse s'y fait plus franchement nominaliste : Dieu n'est ici qu'un nom, le nom d'unnécessaire bout de chaîne, et il ne fait que renvoyer à ce à quoi renvoie, dans notre imaginaire collectifcontemporain, l'expression de « big-bang ».
Enfin, la remontée des causes naturelles débouche sur unesurnature, sur une cause de soi : il est donc nécessaire à la raison d'admettre de l'irrationnel.
HOBBES (Thomas).
Né à Malmesbury en 1588, mort à Hardwick en 1679. Il fit ses études à Oxford et devint précepteur du jeune comte de Devonshire qui, plus tard, devait lui confier aussil'éducation de son propre fils.
Il fit deux longs voyages en Europe, vécut à Paris de 1640 à 1651, y fréquenta le P.Mersenne, puis rentra en Angleterre.
La Chambre des Communes exigea qu'il ne publiât plus aucun livre, après avoirvivement attaqué Léviathan en 1667.
La fin de la vie de Hobbes fut occupée par des controverses avec lesmathématiciens.
— L'oeuvre de Hobbes est une théorie et une apologie fort logiques du despotisme.
Toutes lessubstances sont corporelles et la vie est mouvement.
Le désir, fondement du monde animal, est égoïste et guidé parl'intérêt.
Il n'y a ni amour ni accord possible entre les hommes ; ceux-ci sont naturellement insociables et méchants.
L'étatde nature, c'est la guerre de tous contre tous.
Mai les hommes, qui considèrent que la paix est le plus grand des biens,confèrent tous leurs droits à un seul souverain.
Ils remplacent l'ordre mécaniste naturel par un ordre mécaniste artificiel,qui leur convient mieux : c'est l'État.
Le salut de l'État s'identifie avec le salut du souverain.
La souveraineté absolue d'unseul homme crée un déséquilibre qui assure la stabilité.
Le souverain établit les lois et définit la justice, se plaçant ainsi au-dessus d'elles.
Le bien et le mal dépendent de ses décisions ; la vraie religion est celle qu'il autorise.
Ainsi, les hommessont libres et heureux, puisqu'ils peuvent agir à leur gré dans le cadre des lois.
Le souverain absolu n'est pas un tyranarbitraire le tyran est l'esclave de ses passions, alors que le souverain en est délivré par le caractère absolu de sonpouvoir.
Car les passions résultent de la finitude humaine.
En somme, le pouvoir du souverain est légitime parce qu'absolu.La pensée de Hobbes a eu une influence incontestable sur Hegel..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- « Un homme sans vie sociale est soit une bête soit un dieu » ARISTOTE
- Sujet : Comment comprendre cette affirmation de Dostoïevski : « Si Dieu n’existait pas tout serait permis »
- L'existence de Dieu: Sujet : Si Dieu n’existait pas tout serait permis » Dostoïevski
- "Prendre dans un monde, et plonger tout à coup dans un autre, quelque être bien choisi, qui ressente fortement tout l’absurde qui nous est imperceptible, l’étrangeté des coutumes, la bizarrerie des lois, la particularité des mœurs, des sentiments, des croyances dont s’accommodent tous ces hommes parmi lesquels le dieu tout-puissant qui tient la plume l’envoie brusquement vivre et ne cesse de s’étonner, - voilà le moyen littéraire" En quoi cette citation de Paul Valéry est-elle représen
- Corrigé commentaire Hobbes: Léviathan, chapitre XIII, Trad. François Tricaud, Sirey (© Dalloz), 1971, pp. 126-127.