SUÈDE
État de l'Europe septentrionale, occupant la partie orientale de la péninsule scandinave ; capitale Stockholm. La formation du royaume suédois La lutte pour l'indépendance nationale et la Réforme (XVe/XVIe s.) L'apogée de la Suède, de Gustave-Adolphe à Charles XII L'Ère de la liberté La naissance de la démocratie suédoise La formation du royaume suédois Le peuplement de la Suède, qui s'est probablement opéré à partir de l'Europe occidentale, en suivant vers le nord le recul des glaces, a commencé avant - 10000 av. J.-C. ; les débuts du néolithique agricole se situent vers 4000 av. J.-C., et c'est vers 1800 av. J.-C. que la Suède méridionale entra dans l'âge du bronze. À la fin du Ier s. apr. J.-C., Tacite, dans sa Germanie, mentionne pour la première fois la Suède : à cette époque, celle-ci était habitée par des tribus germaniques, les Goths ou Götar au S., dans le Götaland, et les Svear plus au N., dans les régions avoisinant le lac Maelar. Au cours des premiers siècles de l'ère chrétienne, les tribus du Nord s'assurèrent peu à peu la suprématie. La Suède était alors gouvernée par des rois-prêtres, qui gardaient le sanctuaire d'Upsal ; mais le royaume consistait en fait en une fédération de principautés autonomes, sur laquelle l'autorité royale demeurait faible. Du VIIIe au XIe s., la Suède connut une ère de rapide extension : les Vikings suédois parurent sur tous les rivages orientaux de la Baltique ; certains d'entre eux, connus sous le nom de Varègues (v. NORMANDS), ouvrirent la route commerciale entre l'Occident et la Volga et fondèrent les principautés de Novgorod et de Kiev, qui furent à l'origine de l'État russe (entre 856 et 945). Au début du IXe s., le christianisme avait été introduit en Suède par st Anschaire (vers 829), mais il se heurta à de fortes résistances ; le premier roi chrétien fut Olav Skottkonung (début XIe s.), mais c'est seulement sous le règne d'Éric IX (1150/60) que l'Église fut définitivement établie, l'ancien sanctuaire païen d'Upsal devenant le siège archiépiscopal (1164). La plus grande figure de l'histoire de la Suède médiévale est celle de Birger Jarl, qui n'eut que le titre de régent (1248/66), mais fut le fondateur de la dynastie des Folkung (v.). Il établit sa capitale à Stockholm et renforça la domination de la Suède sur la Finlande, où Éric IX avait déjà mené une croisade. À partir du règne de Magnus Ladulas (1275/90), la monarchie dut compter de plus en plus avec la puissance croissante du clergé et de la noblesse : les élections royales furent soumises à des règles fixes, et le souverain se vit adjoindre un Conseil, recruté dans les premières familles du royaume. Mais à côté de cette aristocratie de gros propriétaires fonciers apparaissait aussi une classe bourgeoise : la Suède était en relation avec la Hanse, dont un des principaux comptoirs se trouvait dans l'île de Gotland. L'expansion économique de la Hanse incita les États scandinaves au regroupement : en 1319, une union fut établie entre la Suède et la Norvège. En 1389, l'accession au trône de Suède de Marguerite de Waldemar, déjà reine de Danemark et de Norvège, amena la réunion des trois royaumes scandinaves, qui fut confirmée par un traité dit Union de Kalmar (v.) (1397). 000200000ECA00000CAA EC4,La lutte pour l'indépendance nationale et la Réforme (XVe/XVIe s.) Cette expérience devait aboutir à un échec : la politique antigermanique des rois danois portait tort à la Suède, laquelle avait besoin, pour écouler ses métaux, d'entretenir de bonnes relations avec la Hanse. En 1434, la population des districts miniers de Bergslagen se révolta contre les Danois sous la conduite d'Engelbrekt Engelbrektsson ; ce dernier convoqua à Arboga la première Assemblée nationale (Riksdag), où toutes les couches de la population furent représentées (janv. 1435). Mais Engelbrekt fut assassiné l'année suivante. Durant tout le XVe s. et le début du XVIe, la lutte pour l'indépendance nationale prit souvent la forme d'une lutte sociale, les Danois ayant rallié la majorité des nobles et du clergé à l'union, alors que le peuple, conduit par quelques nobles, résistait à l'étranger. À plusieurs reprises, la Suède réussit à reprendre une indépendance de fait sous des administrateurs particuliers : ainsi, entre 1448 et 1470, avec des intermittences, sous Karl Knutsson (Charles VIII) ; ainsi, de 1470 à 1497 et de 1501 à 1520, sous les régents de la famille Sture, qui menèrent des luttes continuelles contre les Danois. En 1520, à la mort de Sten Sture le Jeune, le roi de Danemark Christian II fut sur le point d'anéantir l'indépendance suédoise ; il s'empara de la capitale et fit exécuter en masse les chefs de la résistance (« Bain de sang » de Stockholm, mai 1520), mais, durant l'hiver 1520/21, Gustave Vasa, un parent éloigné des Sture, prit la tête d'une nouvelle révolte en Dalécarlie, chassa les Danois et leurs « collaborateurs », tels que l'archevêque Trolle, et se fit élire roi de Suède par le Riksdag de Strangnas (juin 1523). Les compromissions de l'Église avec les Danois favorisèrent l'établissement de la Réforme en Suède : au Riksdag de Västeras (1527), les biens ecclésiastiques (qui représentaient plus de 20 % des richesses foncières du pays) furent pratiquement confisqués ; en 1571, l'Église suédoise se sépara de Rome et s'organisa en Église nationale ; en 1593, elle adopta la Confession d'Augsbourg (v.), et la Suède, depuis cette époque, est restée luthérienne. L'apogée de la Suède, de Gustave-Adolphe à Charles XII Avec Gustave Vasa (1523/60), Éric XIV (1560/68), Jean III (1568/92) et Charles IX (1604/11), la Suède commença à avoir une place prépondérante dans l'Europe septentrionale et, sous le règne de Gustave-Adolphe (1611/32), elle joua un rôle considérable dans la politique européenne. Gustave-Adolphe se donna pour mission d'affranchir complètement la Suède de l'emprise de ses voisins, le Danemark, la Pologne et la Russie ; mais il intervint aussi dans la guerre de Trente Ans, en se faisant le champion du protestantisme contre la maison d'Autriche (v. GUSTAVE II ADOLPHE). La force politique et militaire de la Suède à cette époque tenait à ses structures sociales ; à la différence d'une grande partie de l'Europe, la Suède avait alors des paysans libres, intimement associés à la vie politique et qui fournissaient les soldats d'une armée nationale. Après plus de trente années de guerre (1611/48), la Suède devint maîtresse de la Baltique : en 1617, elle avait enlevé à la Russie la Carélie et l'Ingrie, qui s'ajoutaient à la Finlande, conquise dès le XIIe s. ; en 1629, elle enlevait la Livonie à la Pologne ; au traité de Bromsebrö (1645), elle se faisait céder par le Danemark les deux provinces norvégiennes de Jämtland et de Herjedalen, les îles de Gotland et Oesel, et obtenait en outre le libre passage dans le Sund ; enfin, les traités de Westphalie (1648) lui permirent de s'étendre sur les rives allemandes de la Baltique en annexant la Poméranie occidentale, les bouches de l'Oder et les évêchés de Wismar, Brême et Verden. 000200000F4D00001B6E F47,La fille de Gustave-Adolphe, Christine, protectrice de Descartes, qui avait eu la chance d'être servie par un grand ministre, Oxenstierna, abdiqua en 1654 au profit de son cousin, Charles X (1654/60), qui inaugura la nouvelle dynastie de Palatinat-Deux-Ponts, branche féminine de la maison de Vasa. Comme ses droits étaient contestés par Jean II Casimir, roi de Pologne, qui appartenait également à cette maison, Charles X engagea la guerre contre la Pologne et s'empara de Varsovie (1656), mais il vit se former contre lui une vaste coalition comprenant l'empereur, la Russie, le Danemark et les Provinces-Unies. La Suède se trouva dans une situation critique, mais Charles XI (1660/97) réussit à conserver les avantages acquis par les traités d'Oliva, de Copenhague et de Kardis (1660/61). La défaite infligée par les Prussiens aux Suédois à Fehrbellin (1675) n'entama pas non plus sérieusement les positions suédoises en Allemagne. Mais les longues guerres avaient épuisé le potentiel économique du pays : la Suède, qui commençait à se relever grâce aux réformes intérieures de Charles XI, avait besoin d'une longue période de paix que son nouveau souverain, Charles XII (1697/1718) ne lui donna pas. La Russie de Pierre le Grand, qui voulait reconquérir la rive orientale de la Baltique, réussit à monter contre la Suède une nouvelle coalition rassemblant Auguste II de Pologne et le Dane-mark. Charles XII, « l'Alexandre du Nord », déployant d'extraordinaires talents stratégiques, remporta d'abord contre ses divers adversaires des succès foudroyants (v. NORD, guerre du), mais il fut finalement vaincu par Pierre le Grand à Poltava (8 juill. 1709), et, après sa mort, la Suède dut signer les traités de Stockholm (1719/20) et de Nystad (1721), qui la dépouillaient de presque toutes les conquêtes depuis la règne de Gustave-Adolphe. L'Ère de la liberté La période qui s'ensuivit a été appelée en Suède « l'Ère de la liberté » : la disparition de Charles XII fut en effet suivie d'une révolution constitutionnelle radicale qui réduisit à presque rien l'autorité royale au profit du Riksdag. L'établissement du régime parlementaire s'accompagna de violentes luttes de partis entre les Bonnets, « pacifistes », et les Chapeaux, partisans d'une politique extérieure expansionniste. Profitant de ces querelles intérieures, la Russie enleva sans difficulté la partie méridionale de la Finlande (traité d'Åbo, 1743) ; Gustave III libéra la Suède de l'ingérence russe (traité de Värelä, 1790), mais il mourut peu après, assassiné. Son successeur, Gustave IV (1792/1809), se laissa entraîner dans la lutte contre Napoléon et dut abandonner à la Russie le reste de la Finlande (1809). Les impératifs du commerce extérieur rendaient alors la Suède tributaire de l'Angleterre, et le Blocus continental décrété par Napoléon était une menace directe pour l'économie suédoise. Après sa défaite, Gustave IV fut déposé (1809) et l'on vota une nouvelle Constitution, encore actuellement en vigueur ; elle établissait un régime constitutionnel fondé sur l'équilibre des divers organes de gouvernement, le roi et son Conseil, le Riksdag (Parlement) et le corps des fonctionnaires. Le nouveau roi, Charles XIII (1809/18), n'ayant pas d'enfants, dut se choisir un successeur à l'extérieur : pour se ménager la France, il désigna comme prince royal un des maréchaux de Napoléon, Bernadotte. Celui-ci, n'obéissant plus qu'aux exigences des intérêts suédois, entra en 1813 dans la coalition contre Napoléon, ce qui valut à la Suède d'obtenir en 1815, en compensation de la perte de la Finlande, la Norvège, dont le Danemark, allié de la France, était dépouillé. La Norvège protesta et élut un roi particulier à l'Assemblée d'Eidsvoll (mai 1814), mais elle dut finalement accepter l'union, le Riksakt ayant reconnu son autonomie interne et sa Constitution. En revanche, le reste de la Poméranie suédoise fut attribué à la Prusse. 000200000E4D00002AB5 E47,La naissance de la démocratie suédoise En 1818, Bernadotte succéda sans difficulté à Charles XIII sous le nom de Charles XIV Jean (1818/44) (v.), fondant ainsi la dynastie qui a régné jusqu'à nos jours. Son attachement jaloux aux prérogatives royales créa entre le souverain et la représentation nationale une tension qui se poursuivit sous le règne d'Oscar Ier (1844/59). La principale réforme accomplie par Bernadotte fut la création de l'école primaire publique (1842). Sous Charles XV (1859/72), les libéraux obtinrent les importantes réformes constitutionnelles de 1865/66, qui transformèrent profondément la composition du Riksdag : à l'ancienne représentation en quatre ordres (noblesse, clergé, bourgeoisie, paysannerie) fut substitué un Parlement formé de deux Chambres, élues l'une au suffrage indirect par des assemblées locales, l'autre au suffrage direct censitaire, ce qui favorisait les paysans propriétaires mais laissait encore hors du corps électoral plus de 90 % de la population. La base du régime démocratique fut étendue par la réforme électorale de 1907/09 et surtout par celle de 1918/21, qui institua le suffrage universel pour les hommes et pour les femmes. Durant cette période, la Suède, qui était encore en 1850 un pays essentiellement agricole, connut aussi une profonde transformation économique et sociale. Le démembrement des anciennes communautés villageoises et l'accroissement démographique contribuèrent à la formation d'un prolétariat rural qui ne trouva longtemps d'autre issue que dans l'émigration vers l'Amérique. L'essor rapide de l'industrie provoqua un mouvement de concentration urbaine (la population des villes augmenta de 75 % entre 1870 et 1900) et la naissance d'un parti social-démocrate, dont le chef, Hjalmar Branting, fut le premier député socialiste élu, en 1896. En 1905, les Suédois durent accepter la sécession de la Norvège, qui rompit l'union créée en 1814. Les débuts du règne de Gustave V (1907/50) furent marqués par la querelle entre conservateurs et libéraux sur la nécessité, dans l'Europe de la paix armée, d'accroître l'effort militaire suédois. Le roi favorisa les conservateurs, partisans d'une politique d'armements, et la Suède sut faire respecter sa neutralité durant la Première Guerre mondiale. L'instauration du suffrage universel permit au parti socialiste, à la suite des élections de 1920, de devenir le premier parti du Riksdag. Branting, qui avait déjà été ministre pendant la guerre dans une coalition avec les libéraux, forma en 1920 le premier gouvernement social-démocrate homogène, et, à partir de 1932, les socialistes restèrent sans interruption au pouvoir, avec Per Albin Hansson (1932/46), Tage Erlander (1946/69) et Olof Palme (1969/76). La position de neutralité de la Suède fut plus difficile à tenir dans la Seconde Guerre mondiale que dans la Première. Après avoir refusé en 1939 aux Alliés le transit de troupes destinées à aider la Finlande, elle dut accepter, en 1940/41, le passage de trains militaires allemands. Simultanément, elle accomplissait une uvre humanitaire importante, accueillant des réfugiés norvégiens, juifs, baltes, et exerçant son influence, en 1945, pour sauver les détenus des camps de concentration. Entrée à l'ONU en 1946, puis dans l'OECE (1948), le Conseil de l'Europe (1949) et l'Association européenne de libre-échange (1959), la Suède, tenant à sa neutralité, resta en dehors de l'Alliance atlantique. Avec Olof Palme, à partir de 1969, une tendance plus radicale de la social-démocratie s'affirma au pouvoir tant à l'intérieur (mesures interventionnistes de l'État dans les affaires sociales et économiques) qu'à l'extérieur. 000200000823000038FC 81D,L'intermède centriste de Thornbjörn Fälldin, après la défaite socialiste de 1976, n'ayant pas entraîné de modification des acquis sociaux, O. Palme continua d'incarner le socialisme suédois, après son retour au pouvoir en 1982, jusqu'à son assassinat en févr. 1986 (l'enquête entraîna la démission de deux ministres de la Justice et le remplacement du chef de la police). Ingvar Carlsson (v.) succéda à O. Palme. Le socialisme suédois battit jusqu'en 1990 des records de prélèvements obligatoires ; c'est en Suède que l'on trouvait le plus faible écart entre les revenus les plus hauts et les plus bas, et le plus faible taux de chômage. Ce socialisme, qui fit souvent figure de modèle, finit par se convertir aux thèses libérales, fin 1989, en faisant adopter une réduction de l'impôt sur le revenu au profit de la TVA. Les sociaux-démocrates durent céder le pouvoir, de 1991 à 1994, à une coalition de centre droit dirigée par Carl Bildt, avant qu'Ingvar Carlsson le reconquît, fin 1994. Sous son gouvernement, la Suède a ratifié par référendum son adhésion à l'Union européenne (1995). Il a été remplacé en mars 1996 par son ancien ministre des Finances, social-démocrate lui aussi, Göran Persson, dont le parti sortit vainqueur des législatives de sept. 1998. Toujours en dehors de l'Union économique et monétaire, les Suédois refusèrent l'euro lors du référendum de sept. 2003 (56 % de non). L'année 1999 vit une vague d'attentats et d'agressions commis par des groupes néonazis, qui choquèrent profondément le pays et poussèrent le Premier ministre G. Persson à entamer une réévaluation publique du rôle de la Suède pendant la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, la Suède a fait aboutir plusieurs projets importants : le parc nucléaire suédois a commencé à être démantelé, comme prévu depuis le référendum de 1980, avec le réacteur de Barsebäck ; l'État suédois a dénoué ses liens privilégiés avec l'Église luthérienne de Suède, qui était depuis 1544 la religion officielle des Suédois ; enfin, un pont-tunnel reliant le pays au Danemark a été inauguré en juill. 2000.