[Tout est naturel et culturel chez l'homme] M. MERLEAU-PONTY

« [Tout est naturel et5ultürel chez l'homme] �; Il n'est pas plus naturel ou pas moins conventionnèl de crier dans la co\ère ou d'embrasser dans l'amour (1) que d'appeler table une t?ble.

Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots.

Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain sont en réalité des institutions (2).

Il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de com­ portements que· l'on appellerait «naturels>> et un monde culturel ou spirituel fabriqqé.

Tout est fabriqué et tout est naturel chez l'homme, comme on voudra dire, en ce sens qu'il n'est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quel­ que chose à Pêtre simplement biologique - et qui en même temps ne se dérobe à là simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d'échappement et par un génie de l'équivoque qui pourraient servir à définir l'homme. M.

MERLEAU-PONTY ( 1 J.

On "iuit tjiJc le� hai,cr n·c,1 pa, en uc..agc daris le, mccur\, 1rmliùonncllc.-.

du Jhp11n rnoie _dê .l'auteur). · · 12) C�cz.- lcs indig�nc� dey il�, ·trqphdand.Ja ,palcr�ité n"c-;1 ..pa� connUl".· l.c!-,cnf.1111\ "iorit élcvë� ,ou, ruutor:ité de ronde maternel (noie dc,T:mli!Ur:J.. .; .. ,;I' '\. .. QUESTIONS: 1) Dégagez la thèse soutenue par l'auteur et ·/es artfcula­ tions du texte. 2) Comll)ent comprenez-vous l expressiqn .: « par une sorte. d'échappement et par un génie de /'équivoque » ? 3) QZ1eksont le.;_critères permettant de di�tinguer le « natu• ' rel ?>.

et le «fa_bdqué » c? '4) Pensez-vous que chez /'homine tqute conduite est •détoùr- � , 'née "de la simplicité• de son sen.� biologique ? "' , } ; �.. 1 I '".

W; éléments d'explic�tio� a) Caractère conventionnel des codes sociaux • Le langage Depuis F.

de Saussure l'arbitraire du signe linguistique est.

un des lieux communs de la linguistique.

Dans· son Çours •de linguistique générale, Saussure a en effet souli--­ gné Je caractère conventionnel des dénominations Jinguis-� tiques en faisant observer que« I'i9ée de "sœur" n'est liee par aucun rapport intérieur avec la suite de son s-ô-r qui lui sert de signifiant ; il pourrait être aussi bien représenté• par n'importe quelle autre: à preuve les différences entre les.langues et l'existence même dê langues différent�s;: le signifié "bœuP' a pour signifiant b-6-f d'un côté dé la frontière et ·o-k-s (Qchs) de l'autre» (2e édition, p.

IQO).

�­ JI est donè parfaitement conventionnel � dans une autre ; tel regard baissé marquant le mépris ici marquera la déférence ailleurs; etc. b) Il n'existe pas chez l'homme de signes naturels On pourra objecter à cela qu'il existe _des « signes natu­ rels», non conventionnels, qui soi:it les gestes o.u les mimiques émotionnelles : par exemple les pleurs dans fa souffrance, Je rire dans la joie, etc.

Mais, répond Mer­ leau� Ponty,.

m�me ces QiiIIJiques émotionnelles sont conventionnelles.

: le -cri da,ns la colèr.e.

le baiser_d�ns l'amour, par exemple, ne sont nullement universels �, Je Japonais traditio�nel n·use pas du baiser et sourit dans Ja colère (cf.

Phénoménologie de la perception, p.

220)- De mên::ie, les pleurs peuvent exprimer la joie, ou le silence la souffrance.

Or «· on ne pourrait parler de "signes natu­ rels" que si, à des "états de conscience" donnés, l'organi­ sation anatomique de notre corps faisait correspondre des gestes définis·» (Id..

p.

220). c) Les sentiments eux-mêmes sont inventés En fait, nous dit Merleau-Ponty, non seulement les codes servant à signifier les sentiments sont conventionnels, et par conséquent inventés, mais les sentiments eux-mêmes sont inventés : un sentiment qui nous p�iraît aussi naturel que l"amour paternel est en fait une institution, c'est-à­ dire quelque chose de construit, de non naturel.

Les senti­ ments seraient donc 'des faits sociaux� historico-culturels. On a pu par exemple montrer qu"il existàit un amour­ passion -spécifique à la civilisation occidentale (c[ Denis.... »