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T. C. 28 mars 1955, EFFIMIEFF, Rec. 617

Publié le 01/10/2022

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« TRAVAUX PUBLICS DÉFINITION T.

C.

28 mars 1955, EFFIMIEFF, Rec.

617 (J.

C.

P.

1955.11.8786, note Blaevoet; • Rev.

Adm.

1955.285, note Liet-Veaux; A.

J.

1955.11.332, note J.

A.) Cons.

que le litige qui oppose le sieur Effimieff à l'Association syndicale de reconstruction de Pont-du-Las porte sur l'exécution d'un marché de travaux, passé par celle-ci avec cet entrepreneur de maçon­ nerie; que l'art.

17 de la loi du 16 juin 1948 a attribué aux associations syndicales de reconstruction le caractère d'établissements publics; que le législateur a ainsi expressément manifesté son intention d'assigner à ces organismes, dans l'œuvre de la reconstruction.

immobilière, une mission de service public, dans les conditions définies et pour les fins d'intérêt national visées par la loi et le règlement et, corrélativement, de les soumettre, qu'il s'agisse des prérogatives de puissance publique atta­ chées à cette qualité ou des sujétions qu'elle entraîne, à l'ensemble des règles de droit public correspondant à cette mission; qu'il suit de là que, nonobstant le fait que les immeubles reconstruits ne sont pas la propriété de ces associations qui, aux termes de l'art.

39 de la loi du 16 juin 1948, « sont maîtres de l'œuvre jusqu'à réception définitive des travaux », les opérations de reconstruction qui ont lieu par leur intermédiaire, qu'elles intéressent des immeubles appartenant à des particuliers ou des biens de collectivités publiques, constituent des opérations de travail public; qu'el­ les sont notamment réglementées, à ce titre, par les prescriptions du décret du 2 août 1949, pris en exécution du décret du 12 nov.

1938, lesquelles ont édicté, pour les marchés relatifs à ces opérations, des dispositions inspirées de celles du décret du 6 avr.

1942, modifié par le décret du I•r avr.

1948, qui régissent les marchés de l'État; qu'il résulte de ce qui précède que les litiges soulevés par l'exécution de tels marchés relèvent de la compétence du juge des travaux publics; qu'ainsi c'est à bon droit que le préfet du Var a, par l'arrêté susvisé, revendiqué la connaissance du présent litige pour la juridiction administrative; ... (Arrêté de conflit confirmé). OBSERVATIONS 1.

- Afin d'accélérer et de coordonner la reconstruction des immeubles sinistrés par fait de guerre, le législateur a institué, par une loi du 16 juin 1948, deux catégories de groupements : les sociétés coopératives de reconstruction, qui sont des organismes de droit privé, et les associations syndicales de reconstruction, qui sont, aux termes mêmes de la loi, des établissements publics.

Ces groupements ont pour mission de faire exécuter les travaux de reconstruction pour le compte de leurs membres. Ces travaux ont donné naissance à de nombreux litiges, opposant les groupements de reconstruction aux entrepreneurs avec lesquels ils avaient traité ou aux sinistrés dont ils sont les mandataires.

La question s'est alors posée de savoir si les travaux exécutés par les associations syndicales de reconstruction, c'est-à-dire par des personnes morales de droit public, pour le compte de particuliers, avaient le caractère de travaux publics ou de travaux privés.

Cette question, qui intéressait plusieurs centaines d'associations syndicales groupant au total près de cent mille sinistrés, avait une très grande importance pratique : elle commandait en effet à la fois la détermination de la juridiction compétente - administrative ou judiciaire - et celle des règles de fond applicables - droit public ou droit privé. Dans leur majorité, les tribunaux judiciaires ont admfs leur compétence, en estimant que ces travaux avaient un caractère privé (v.

notamment A.

J.

1954.11.267, note Liet-Veaux, et A.

J. 1955.11.331, note J.

A.).

Les tribunaux administratifs avaient au contraire tendance à adopter la solution inverse.

Toutefois, ni la Cour de Cassation ni le Conseil d'État n'avaient encore eu l'occasion de se pronon'cer sur cette question avant que le Tribunal des Conflits ne la trànchât définitivement dans le sens de la compétence administrative par la décision Effimieff. II.

- La solution retenue par les tribunaux judiciaires était conforme à la définition classique des travaux publics, qui exigeait la réunion de trois conditions : travaux immobiliers exécutés pour le compte d'une personne publique - dans un j but d'utilité générale (cf.

C.E.

10 juin 1921, Commune de il Monségur*, et nos observations).

En l'espèce, les travaux ff avaient évidemment un caractère immobilier; mais ils avaient pour objet la reconstruction d'immeubles appartenant à des propriétaires privés; l'on pouvait ainsi se demander s'ils répondaient à un but d'intérêt général, et, en tout cas, l'on pouvait affirmer qu'ils n'étaient pas exécutés pour le compte d'une personne publique. Jusqu'alors, la jurisprudence n'avait reconnu un caractèrè public à des travaux exécutés pour des particuliers que de façon tout à fait exceptionnelle, lorsqu'ils étaient l'accessoire d'un travail public (C.E.

21 janv.

1927, Compagnie générale des Eaux, Rec.

94; D.

1928.3.57, note Blaevoet).

En dehors de ce cas, les travaux faits sur des immeubles privés n'étaient regardés comme des travaux publics que dans la mesure où ils avaient été exécutés en réalité pour le compte, non de leur propriétaire, mais de la collectivité publique (C.E.

26 nov. 1948, Chardon, Rec.

446 : démolition d'immeubles sinistrés; 29 avr.

1949, Consorts Dastrevigne, Rec.

185 : travaux ordonnés par le 'maire pour parer à un danger grave et imminent).

La jurisprudence traditionnelle conduisait donc à dénier aux travaux exécutés par les associations syndicales de reconstruction pour des sinistrés privés le caractère de travaux publics. Mais le Tribunal des Conflits ne s'est pas arrêté à ces notions traditionnelles.

Il a estimé que le législateur, en attribuant aux associations syndicales de reconstruction le caractère d'établissements publics, avait ainsi manifesté son intention de leur assigner une « mission de service public », pour « des fins d'intérêt national», et de les soumettre en conséquence « aux règles de droit public correspondant 'à cette mission»; il en a déduit que leurs travaux, quel qu'en soit le destinataire, sont des travaux public~. III.

- Le Tribunal des Conflits a dégagé ainsi une définition nouvelle et singulièrement extensive de la notion de travaux publics.

Cette définition n'est pas incompatible avec la précédente, et elle ne s'y substitue pas : les deux conceptions coexistent dans la jurisprudence actuelle.

Constituent donc, désormais, des travaux publics : - soit les travaux exécutés pour ,une personne publique ', dans un but d'utilité générale Gurisprudence Commune de Monségur); - soit les travaux exécutés par une personne publique dans , le cadre d'une mission de service public Gurisprudence Effi1 m~. . 't\ Ainsi l'accent est-il mis tantôt sur la destination des travaux, tantôt sur leurs modalités d'exécution.

Mais, dans l'un et l'autre cas, deux conditions fondamentales doivent être réunies, qui donnent à la notion de travaux publics son unité fondamentale : il faut que les travaux coriespondent à une fin d'intérêt.général et qu'ils comportent, à un stade quelconque, en qualité d'intermédiaire ou de bénéficiaire, de maître d'œuvre ou de maître de l'ouvrage, l'intervention d'une personne publique. Si l'une de ces deux conditions fait défaut, les travaux ont un caractère privé, quelle que soit d'ailleurs leur utilité, et même s'ils bénéficient de procédés juridiques exorbitants du droit commun : tel est le cas des constructions exécutées pour leur propre' compte par les sociétés d'habitations à loyers modérés (C.E.

7 nov.

1958, Entreprise Eugène Revert, Rec.

541 : R.

D.

P.

1959.596, concl.

Heumann; A.

J.

1959.II.196, note Gardies; - T.

C.

6 nov.

1967, Société coopérative d'habitation à loyer modéré « Notre Cottage», Rec.

657; A.

J.

1968.262, note Laporte), ou des travaux exécutés pour le compte de particuliers par les coopératives.... »

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