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COMPÉTENCE, COMITÉS D'ORGANISATION C. E. 31 juill. 1942, MONPEURT, Rec. 239

Publié le 27/09/2022

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« èOMPÉTENCE ..

, COMITÉS D'ORGANISl\.TION C.

E.

3f juill.

1942, MNPEURT, Rec.

239 (S.

1942.3.37, concl.

Ségalat; D.

1942.138, concl.

Ségalat, note P.C.; R.

D.

P.

1943.57� concl.

Ségalat, note Bonnard; J.

C.

P.

1942.Il.2046, concl.

Séga�at, note Laroque) ( I Sur la compétence:Cons.

que1a requête susvisée tend à l'a11nulation d'une' décision du 10 juin 1941 par laquelle le secrétaire d'Etat à la production industrielle a rejeté le recours formé par le sieur Monpeurt contre une décision du Comité d'organisation des industries du verre et des commerces s'y rattachant, en date du 25 avr.

1941, déterminant les entreprises autorisées à fabriquer les tubes en verre neutre ou ordfoaire pour ampoules et leur imposant de livrer à une usine, dont la demande de mise à feu du four n'avait pas été admise, un.

tonnage mensuel ·de verre à titre de compensation; Cons.

qu'en raison des circonstances qui nécessitaient impérieuse­ ment l'intervention de la puissance publique dans le domaine économi­ que, là loi du 16 août 1940 a aménagé une organisation provisoire de la production industrielle afin d'.assurer la meillèure utilisation possible des ressources réduites ,existantes, préalablement recouvrées, tant au point de vue du rendement que de la qualité et du -coût des produits, et d'améliorer l'emploi de la main-d'œuvre dans l'intérêt commun des, entreprises et des salariés; qu'il résulte de l'ensemble de ses dispositions que ladite loi a entendu instituer à cet effet ùn service public; que, pour gérer le service en attendant que l'organisation professionnelle ait reçu sa forme définitive, ellè a prévu la création de comités auxquels elle a confié, sous l'autorité du secrétaire d'État, le pouvoir d'arrêter les' programmes de production et de fabrication, de fixer les règles à imposer aux entreprises en ce qui concerne les conditions générales de leur activité, de proposer aux autorités compétentes le prix des produits et services; qu'ainsi, les comités d'organisation, bien que le législateur n'en ait pas fait des établissements publics, sont chargés de participer à l'exécution d'un service public, et que les dééisions qu'ils sont amenés à prendre dans la sphère de ces attributions, soit par voie de règlement, soit par des dispositions d'(!rdre individuel, constituent des actes administra­ tifs; que le Conseil d'Etat est, dès lors, compétent p0ur connaître des recours auxquels ces actes peuvent donner lieu; Sur la légalité de la décision.

attaquée :Cons.

que, par sa décision, en .

date du 25 avr.

1941, le directeur responsable du Comité d'organisation ·des industries du verre ét commerces s'y' rattachant a mis en applica-, tion, en raison de la pénurie· de matières premières et de combustibles, un plan de fabrication intéressant l'industrie des tubes en verre neutre pour ampoules; que le plan comportait, d'une part, le chômage d'une usine, d'autre part, un régime de compensation en nature au bénéfice de cette usine et à la charge de celles qui étaient autorisées à continuer leur activité, au nombre desquelles se trouvait l'entreprise dont le requérant est propriétaire; qu'un tel plan entre dans le cadre des attributions données aux comités d'organisation par l'art.

2 de la loi du 16 août 1940, notamment en ses §§ 2 et 4; qu'en s'inspirant pour l'établir de considérations tirées de la nécessité d'une judicieuse utilisa­ tion des matières premières, le directeùr responsable n'a pas empiété sur les pouvoirs dévolus à l'Office central de répartition et aux sections dudit office par la loi du 10 sept.

1940, alors qu'il n'est même pas allégué qu'il ne se soit pas conformé aux règles édictées par ces organismes; Cons.

qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige les comités à régler l'activité des entreprises, lors de l'établissement des programmes de fabrication, suivant une référence à une période anté­ rieure déterminée; qu;il leur appartient de tenir compte de tous les éléments de la situation du secteur industriel dont ils ont la charge, à l'époque de la décision, et, en particulier, de la capacité des ·entreprises qui demandent à continuer ou à reprendre leur production; qu� le sieur Monpeurt n'est donc pas fondé à arguer de la situation des Etablisse­ ments Boralex antérieurement au Jer sept.

1935 pour contester la légitimité de la compensation en nature prescrite au profit de cette sociét.é; que le requérant ne justifie pas que le directeur responsable des industries du verre ait fait une appréciation erronée des moyens dont disposait la Société Boralex à l'époque où son activité industrielle s'est trouvée arrêtée par la décision du 25 avr.

1941; que, d'autre part, il n'est pas fondé à soutenir que la compensation dont elle bénéficie en vertu de cette décision constitue un enrichissement sans cause; Cons.

qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision attaquée ait été prise par le directeur responsable pour un but autre que celui en vue duquel ses pouvoirs lui ont été conférés tant par l'art.

2 de la loi du 16 août 1940 que par l'art.

12 du décret du 11 déc.

1940 constituant un Comité d'organisation des industries du verre et des commerces s'y rattachant;...

(Rejet). OBSERVATIONS I.

- La loi du 16 août 1940 créa les comités d'organisation, institutions de caractère corporatif, chargés de l'organisation de la production industrielle; ces comités avaient notamment pour .tâche, dans le cadre des textes en vigueur, de contribuer à limiter ou à atténuer les effets de la pénurie sévissant à l'époque.

C'est ainsi que, pour parer aux conséquences de la pénurie de charbon, le Comité d'organisation de l'industrie du verre s'efforça, au début de 1941, de provoquer des ententes volontaires qui permettraient aux entreprises de répartir entre elies les possibilités de production au mieux de leurs intérêts respectifs.

Mais, craignant ,sans doute que cette politique ne s'avérât insuffisante, il alla plus loin encore et s'engagea sur la voie des ententes obligatoires : son directeur prit notamment, le 25 avril 1941, une décision concernant le secteur particulier des tubes en verre neutre ou ordinaire, dont la fabrication était assurée par trois entreprises : les Établissements Boralex, les Cristalleries et verreries réunies de Choisy-le-Roi et la Verrerie et cristallerie d'Alfortville; cette décision, qui rejetait une demande d'autorisation de mise à feu présentée par les Établis­ sements Boralex, imposait en compensation aux deux autres entreprises l'obligation de lui livrer vingt tonnes de tubes par mois avec un rabais de 20 % sur le tarif normal.

Saisi par le directeur de l'une de ces deux entreprises d'un recours contre cette décision, le Conseil d'État dut examiner la question de savoir s'il était compétent pour y statuer; il répondit par l'affirmative, en se fondant essentiellement sur la constatation que les comités d'organisation « sont chargés de participer à l'exécution d'un service public», et que les décisions qu'ils prennent dans ·1a sphère de.

leurs pouvoirs d'intervention écono­ mique constituent des actes administratifs. Si les faits de l'affaire n'ont plus d'intérêt actuel, les circons­ tances de l'époque ayant disparu et la réglementation à laquelle elles avaient donné lieu ayant été abrogée, les principes juridi­ ques posés dans l'arrêt Monpeurt devaient modifier durable­ ment de nombreuses théories du droit administratif et allaient être étendus aux ordres professionnels, qu'ils régissent encore à l'heure actuelle (C.E.

2 avr.

1943, Bouguen*). , Le commissaire du gouvernement Ségalat montra d'abord que la mission dévolue aux comités d'organisation constituait t un service public : « l'intérêt général qui s'attache à la bonne , marche de la production dans les circonstances présentes, la ' nature et l'étendue de la mission que la loi assigne aux comités d'organisation, les prérogatives de puissance publique qu'elle consacre, ce sont là des éléments que la jurisprudence retient pour définir et caractériser le service public».

Ces organismes, auxqùels l'État a confié la gestion du service public de l'organi­ sation de la production, quelle est leur nature juridique? Le commissaire du gouvernement indique d'abord qu'ils possèdent sans aucun doute la personnalité morale.

Mais, poursuit-il, il est impossible de déterminer avec précision si ce sont des personnes morales de droit public ou de droit privé.

Il ne semble pas qu'ils soient des organismes privés chargés d'une mission de service public (sur cette notion, v.

13 mai 1938, Caisse primaire « Aide et protection » *) : leur origine étatique, leur rôle de direction, leurs pouvoirs de coercition s'y oppo­ sent.

Ils ne peuvent pas davantage être considérés comme des éLablissements publics : sans doute s'agit-il de services publics dotés de la personnalité morale - ce qui répond à la définition de l'établissement public -, mais ils ne constituent pas, contrairement aux établissements publics, « qe simples services , administratifs ou industriels détachés de l'Etat», et, d'autre part, ils gèrent des services professionnels et à ce titre,« person­ nifient des intérêts propres, distincts de ceux de l'Etat».

Le 1 \ commissaire du gouvernement pense donc qu'il s'agit d'une institution entièrement nouvelle qui ne peut pas être intégrée dans les cadres juridiques anciens.

Il y verrait volontiers, ajoute-t-il, « des organismes professionnels, se plaçant à la frontière du droit public et du droit privé, retenant du premier ses prérogatives de puissance publique, empruntant au second ses modes de gestion, affirmant en_ définitive la tendance au développement d'un droit professionnel �>- ' Conformément à ces conclusions, le Conseil d'Etat décida : 1° que les comités d'organisation sont chargés de participer à l'exécution d'un service public; 2° qu'ils ne constituent cependant pas des établissements publics;· 3 ° que leurs décisions réglementaires et individuelles consti­ tuent des actes administratifs relevant de la compétence des ..

juridictions administratives.

_ · II.

- L'arrêt Monpeurt a bouleversé plusieurs matières fon­ damentales du droit administratif. 1° L'établissement public était défini traditionnellement comme un service public doté de la personnalité morale : il existe maintenant des services publics personnalisés auxquels le Conseil d'État dénie expressément le caractère d'établissements publics. 2° La notion de sèrvice public perd définitivement sa signifi­ cation organique.

La gestion des services publics peut désor­ mais être confiée, non plus seulement aux personnes publiques classiques, - État, départements, communes et établissements publics, - mais encore à des organismes qui, n'ayant pas le .

caractère d'établissements publics, ne constituent pas, selon la définition donnée de l'établissement public par un arrêt récent, des « serv1ces administratifs détachés de l'administration.... »

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