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commentaire d'arrêt Cass. civ. 1ère, 20 avril 2022, n°20-22.866

Publié le 16/10/2023

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« Cass.

civ.

1ère, 20 avril 2022, n°20-22.866 Hier, la prescription biennale du Code de la consommation était une exception purement personnelle parce qu’elle était liée à la qualité de consommateur propre au débiteur.

Aujourd’hui, elle est une exception inhérente à la dette parce qu’elle affecte le droit du créancier.

En effet, telle est la solution retenue par l’arrêt du 20 avril 2022 rendu par la Première chambre civile de la Cour de cassation et qui renverse la position qu’elle avait adoptée moins de trois ans plus tôt, par un arrêt du 11 décembre 2019. En l’espèce, par acte sous seing privé du 22 novembre 2007, une banque a consenti un prêt immobilier à des emprunteurs garanti par le cautionnement d’une société caution.

La banque a assigné les emprunteurs et la caution en paiement des sommes restant dues au titre du prêt. Dans un arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon le 1er octobre 2020, celle-ci a rejeté la demande en paiement formé contre la caution, l’action contre le débiteur principal étant prescrite.

La banque forme alors un pourvoi en cassation, soutenant que la prescription biennale prévue par l’article L.

2182 du Code de la consommation, dans la mesure où elle constitue une exception purement personnelle au débiteur principal, ne peut être opposée au créancier par la caution.

Ainsi, elle fait grief à la Cour d’appel d’avoir violé l’article précité, ainsi que l’article 2313 ancien du code civil, en énonçant que l’extinction de la dette par la prescription biennale que les emprunteurs avaient fait valoir profitait également à la caution. Par conséquent, se pose la question de savoir si la prescription biennale prévue par l’article L.

218-2 du Code de la consommation constitue une exception purement personnelle au débiteur, ou bien s’il s’agit d’une exception inhérente à la dette dont la caution peut se prévaloir. Dans le présent arrêt, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence et décide que la prescription constitue une exception inhérente à la dette et non, comme elle l’avait décidé en 2019, une exception personnelle.

La Cour rejette donc le pourvoi formé par la banque au motif que sa position antérieure exposait le débiteur principal au recours personnel de la caution ce qui, de fait, le privait du bénéfice de la prescription biennale puisqu’il devait par la suite rembourser cette dernière. La Cour ajoute ensuite qu’une solution contraire conduirait à traiter plus sévèrement les cautions ayant souscrit leur engagement avant l’entrée en vigueur de la réforme du 15 septembre 2021 puisque celleci confère à la caution le droit d'opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur. Ainsi, il conviendra tout d’abord de s’intéresser à la reconnaissance par la Cour de cassation de l’opposabilité de la prescription abrégée par la caution (I), puis à la solution qui constitue en réalité une anticipation de la réforme du droit des sûretés (II). I. La reconnaissance de l’opposabilité de la prescription abrégée par la caution La haute juridiction admet l’opposabilité de la prescription par la caution en raison du régime propre à laquelle cette exception obéit conformément aux dispositions de l’article 2253 du Code civil (A), mais également en raison du caractère accessoire du cautionnement qui justifie que la caution bénéficie de l’extinction de l’obligation principale (B). A.

Un régime propre à la prescription en vertu de l’article 2253 du Code civil L’article 2253 du Code civil autorise les créanciers du débiteur ou « toute autre personne ayant intérêt à ce que la prescription soit acquise » à invoquer ou opposer la prescription, alors même que le débiteur y aurait lui-même renoncé.

Ainsi, il déroge au principe de l’effet relatif des conventions et permet donc à des tiers qui y ont un intérêt, telle que la caution, de provoquer l’extinction d’une dette qu’ils n’ont pas souscrite.

L’article 2253 ne se limitant pas à la seule prescription de droit commun, il peut en principe être appliqué à toute prescription.

Par conséquent, ce seul fondement aurait suffi à lui à justifier l’opposabilité de la prescription de l’obligation principale par la caution, et il aurait pu amener la Cour de cassation à trancher en ce sens en 2019 s’il avait été invoqué par les parties à l’époque.

Dans l’arrêt de 2022 en revanche, la Cour de cassation s’appuie précisément sur ce texte en rappelant l’intérêt pour la caution de se prévaloir de cette exception.

En outre, elle considère que la caution doit bénéficier de l’extinction de la dette principale en raison du caractère accessoire du cautionnement. B.

Le bénéfice de l’extinction de l’obligation principale pour la caution en raison du caractère accessoire du cautionnement Dans la mesure où la caution ne peut être tenue plus sévèrement que le débiteur principal, il semble alors évident que, lorsque ce dernier est délivré, la caution l’est nécessairement.

Par conséquent, la Cour de cassation est revenue sur l’arrêt du 11 décembre 2019 qui avait refusé à la caution le droit de se prévaloir de l'obligation principale en application des dispositions du Code de la consommation.

La décision d’avril 2022 décide que la prescription constitue une exception inhérente à la dette et non une exception personnelle, et qu’il y a lieu de revenir sur la solution rendue antérieurement dans la mesure où celle-ci privait le débiteur principal « du bénéfice de la prescription biennale attachée à sa qualité de consommateur contractant avec un professionnel ».

En effet, puisqu’il était exposé au recours personnel de la caution, cela l’empêchait de jouir.... »

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