Travail et aliénation (cours)
Publié le 13/05/2025
Extrait du document
«
III) Travail et aliénation
Il y a un intérêt à repenser notre rapport au travail puisque la perte de sens, qui
s’associe généralement à un manque de reconnaissance, conduit l’individu à ne plus
voir son travail comme chose épanouissante.
C’est à ce moment-là que le travail
devient alors un fardeau.
Cela conduit aussi à développer des troubles spécifiques
associés au travail.
En France, les cas de burn out(épuisement au travail) ont
explosé depuis dix ans.
Est-ce parce que nous ne sommes plus réfractaires à
diagnostiquer un mal être au travail ou bien est-ce parce qu’il existe une véritable
épidémie de perte de sens au travail consécutive à une économie capitaliste qui en
demande toujours plus aux individus?
Il y’a plusieurs facteurs qui peuvent nous faire développer une vision négative du
travail et engendrer par la suite des troubles psychiques et physiques associés à ce
même travail:
-D’une part le manque d’intérêt on ne sait plus exactement pourquoi l’on travaille, on
ne voit plus l’intérêt à notre travail compte tenu du fait que cela s’attache aussi à un
manque de reconnaissance de la part de l’employeur, voire d’un dénigrement de la
part des collègues de travail.
- Le travail conduit aussi à nous faire perdre notre liberté.
L’évolution de notre
rapport au travail montre que les individus sont prêts à travailler moins, et
potentiellement à gagner moins afin de privilégier leur vie personnelle.
En somme,
les jeunes travailleurs, n’ont plus une vision tout à fait identique à celle de leur aînés.
Ils ne souhaitent pas nécessairement tout sacrifier pour leur travail et recherche
avant tout un juste équilibre entre travail et vie personnelle.
-Cela dit, le travail produit toujours un asservissement à la nécessité.
On le choisit
aussi parce qu’il faut vivre.
Ainsi, cette perte de sens au travail est liée au fait que
l’on fait parfois un travail non pas qui nous passionne, mais bien plutôt un travail
purement alimentaire qui ne nous satisfait pas.
-Il demeure aussi évident que le travail nous transforme.
Il ne transforme pas
simplement la vision qu’on en a, il transforme aussi notre corps.
Au bout de
plusieurs années les problèmes physiques apparaissent.
Pour celui qui doit soulever
des charges lourdes, faire des gestes répétitifs, rester debout toute la journée, bref
pour celui qui use de son corps pour travailler, les douleurs physiques vont
s’accentuer avec le temps.
Quant à celui qui reste fixé derrière son bureau, il
n’échappera pas non plus à ces douleurs s’associant à cette sédentarité.
-Par ailleurs, sans régler le problème des inégalités au travail, il est aussi impossible
de donner envie aux individus de travailler.
Encore aujourd’hui dans certains
secteurs les femmes sont payées moins que les hommes pour la même quantité de
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travail.
Les personnes handicapées disposent d'aménagements spécifiques, mais
pour cause de handicap ne parviendront jamais à obtenir un salaire convenable.
-Sans compter qu’avec le temps les conditions de travail se sont fortement
dégradées.
En 2019, 37% des actifs définissaient ne pas pouvoir tenir jusqu’à l’âge
de la retraite.
L’enquête menée par le CNRS rapporte aussi que: “ 39 % des ouvriers
et des employés
jugent leur travail insoutenable, mais aussi, 32 % des cadres.
Autre élément
intéressant : les femmes, et notamment les femmes avec enfants, sont plus
nombreuses que les hommes à dire qu’elles ne tiendront pas jusqu’à la retraite,
puisqu'elles sont 41 % à le dire, contre 34 % pour les hommes.”
On constate donc une évolution des conditions de travail à la fois dans la vision que
les individus ont du travail, mais aussi une évolution des diverses contraintes que
celui-ci impose et qui deviennent de plus en plus intolérables dû notamment à des
cadences difficile à tenir, une exacerbation du travail, un épuisement face à une
demande toujours plus grandissante dans presque tous les corps de métiers.
a) La perte de sens
Cette douleur liée au travail était déjà mise en avant par Simone Weil lorsque cette
dernière pourtant agrégée de philosophie décida de se livrer à l’expérience du travail
ouvrier afin de témoigner de la perte de sens au travail
La condition ouvrière est un recueil de texte écrit par
Simone Weil, philosophe française(1909-1943) qui relate les événements vécus au
sein de l’usine Alsthom, puis au sein de l’usine Renault durant les années
2
1934-1935.
Si Simone Weil a souhaité faire cette expérience c’est pour pouvoir
témoigner de la manière la plus juste des conditions d’emplois dans ces usines.
Simone Weil remarque que les ouvriers ne s’interrogent pas véritablement sur leur
propre condition et cherche ainsi à comprendre la raison pour laquelle ceux-ci
semblent avoir cessé de s’interroger.
Cela ne signifie pas qu’ils n’en sont pas
capables.
Weil relève que les ouvriers se livrent en réalité à une forme de fuite de
leur condition.
Leur condition les rend malheureux donc il tente de ne pas y penser.
Weil y voit alors un problème majeur: comment parvenir à s’échapper de sa
condition si on ne la perçoit pas clairement?
Weil définit alors: “Comment abolir un mal sans avoir aperçu clairement en quoi
il consiste?”
Texte: La Condition ouvrière, Simone Weil (1943)
« Toute action humaine exige un mobile(1) qui fournisse l’énergie nécessaire
pour l’accomplir, et elle est bonne ou mauvaise selon que le mobile est élevé ou
bas.
Pour se plier à la passivité épuisante qu’exige l’usine, il faut chercher des
mobiles en soi-même, car il n’y a pas de fouets, pas de chaînes ; des fouets,
des chaînes rendraient peut-être la transformation plus facile.
Les conditions
mêmes du travail empêchent que puissent intervenir d’autres mobiles que la
crainte des réprimandes et du renvoi, le désir avide d’accumuler des sous, et,
dans une certaine mesure, le goût des records de vitesse.
Tout concourt pour
rappeler ces mobiles à la pensée et les transformer en obsessions ; il n’est
jamais fait appel à rien de plus élevé ; d’ailleurs ils doivent devenir obsédants
pour être assez efficaces.
En même temps que ces mobiles occupent l’âme, la
pensée se rétracte sur un point du temps pour éviter la souffrance, et la
conscience s’éteint autant que les nécessités du travail le permettent.
Une force
presque irrésistible, comparable à la pesanteur, empêche alors de sentir la
présence d’autres êtres humains qui peinent eux aussi tout près ; il est presque
impossible de ne pas devenir indifférent et brutal comme le système dans lequel
on est pris ; et réciproquement la brutalité du système est reflétée et rendue
sensible par les gestes, les regards, les paroles de ceux qu’on a autour de soi.
Après une journée ainsi passée, un ouvrier n’a qu’une plainte, plainte qui ne
parvient pas aux oreilles des hommes étrangers à cette condition et ne leur
dirait rien si elle y parvenait ; il a trouvé le temps long.
»
— Simone Weil, “La Condition ouvrière” (1940)
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Que faut-il retenir de la condition ouvrière?
Ce qui intéresse Simone Weil ici est le rapport qu’entretient l’ouvrier à son travail
et plus particulièrement la manière dont celui-ci le transforme de manière
profondément négative.
Weil mets en avant plusieurs arguments.
Le premier vise à définir que pour
pouvoir travailler il faut se trouver des mobiles, c’est-à-dire des moyens de
motivations.
Ceux-ci sont divers, chez l’ouvrier, mais ont tous un aspect bas et
impactent sa moralité.
Weil en dénombre plusieurs: la peur de la réprimande et du
renvoi, le désir d’argent et le mobile qui est peut-être le moins négatif, la recherche
du record de vitesse.
S’il y’a quelque chose de négatif ici c’est parce que notre
travail est tourné uniquement vers la nécessité, travailler pour vivre et non
travailler par passion, c’est ce qui rend aussi notre motivation fragile.En somme,
plus le motif est indigne moins l’homme y trouve de la satisfaction.
Si ces motifs
sont vus comme indignes c’est parce qu’ils ne s’associent pas à une motivation
plus grande que celle de la nécessité.
Par ailleurs, pour ne pas avoir à supporter
l’ennui et la répétitivité du travail, le travailleur est obligé de se fixer sur ces
mobiles pour pouvoir poursuivre son travail.
Ceux-ci se transforment alors en
obsession, et ne sont donc plus de simples motivations pour mener son action.
On
comprend que le travail en usine engendre une forme d’aliénation mentale, dans
le sens où la psyché de l’ouvrier se voit profondément impactée par les conditions
d'exécution du travail.
D’une part le travailleur doit opérer sur lui à une
transformation profonde, perdre de sa dignité,c’est-à-dire ne plus être un sujet
conscient, mais perdre aussi de sa moralité, ne plus percevoir la souffrance
d’autrui.
Il reste replier sur lui-même, par la rétraction de la conscience, il ne pense
plus puisque penser le renvoie à constater sa condition malheureuse.Il lui est
donc nécessaire de faire taire sa pensée puisqu’il doit ne pas se laisser distraire,
ne pas se projeter dans un ailleurs, il doit faire sa tâche sans s’égarer.
Ce qui crée
une habitude face à l’extinction de la pensée qui provoque une forme de
défamiliarisation face à la pensée Il lui....
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