Sur les délais de la justice divinePlutarqueFragment 554 b-555 aBien

« Sur les délais de la justice divine Plutarque Fragment 554 b-555 a Bien des gens sont tout pareils à des enfants, qui, bien souvent, voyant en scène des malfaiteurs en robes d'or et manteaux de pourpre, couronnés et dansant la pyrrhique, admirent, bouche bée, ce qu'ils croient être leur bonheur, jusqu'au moment où, sous leurs yeux, les coups d'aiguillon et de fouet pleuvent sur les acteurs et où le feu jaillit des vêtements opulents et fleuris.

Oui, la plupart des criminels jouissent de vastes demeures, d'une puissance et d'une gloire éclatantes, et nul ne s'avise qu'ils sont en proie au châtiment, jusqu'au jour de leur massacre et de leur chute.

Et pourtant, ces malheurs ne sont pas à proprement parler l'expiation, mais le terme et l'achèvement de cette expiation...

Les méchants qui semblent éviter les coups dans l'immédiat...

prolongent leur peine, loin de la retarder ; au lieu d'attendre la vieillesse pour être châtiés, ils vieillissent dans le châtiment.

[...] En réalité, dès l'instant de sa faute, chaque pécheur est en proie à la justice : la douceur de la faute, comme un appât, a vite fait d'être engloutie, et l'homme découvre alors la conscience de son crime attachée à lui, et se met à expier : “ Tel un thon pris au filet, il frappe éperdument la mer ”, car cette belle hardiesse, cette audace dans le mal gardent leur vigueur et leur aisance jusqu'à l'acte criminel, sans plus.

Puis la passion faiblit, comme le vent, et soudain, abattue, sans force, tombe sous le coup de terreurs superstitieuses.

Il est donc bien conforme à la réalité et à la vérité ce songe de Clytemnestre, forgé par Stésichore en ces termes à peu près : “ Elle crut voir surgir un serpent à la tête sanglante Duquel sortit un roi descendant de Plisthène ”. Oui, visions de rêve, fantômes des veilles, oracles, signes célestes, tout ce qui passe pour manifester la volonté divine apporte la tempête et la terreur dans les âmes ainsi disposées.. »