La «loi de justice et d'amour»Haro sur la presse!
Publié le 17/05/2020
Extrait du document
«
1 / 2 La «loi de justice et d'amour»
Haro sur la presse!
La politique réactionnaire que Villèle
mène avec une ardeur nouvelle depuis
l'avènement de Charles X suscite une
opposition de plus en plus large : jour
naux et brochures attaquent vigoureuse
ment
le gouvernement; les passions se
déchaînent à propos du «milliard» des
émigrés, de la loi sur le sacrilège et du
projet de loi visant à rétablir le droit
d'aînesse .
Incapable de se mettre à l'écoute de l'opinion, le gouvernement
s'estime victime d'une entreprise de dé
nigrement.
L'indulgence des tribunaux
à l'égard des journaux l'exaspère et réduit à néant l'arsenal répressif dont il dispo
se.
Afin de museler la presse, le garde
des Sceaux Peyronnet présente à la
Chambre des députés,
le 29 décembre
1826, un projet de loi aux dispositions
rigoureuses.
Tous les écrits non périodiques doivent
être déposés à la Direction de la Librai
rie
ail moins cinq jours avant leur mise
en vente; ils peuvent être éventuellement
saisis par la police pendant ce délai.
Les
parutions de moins de cinq pages sont
grevées d'un droit de timbre élevé.
En
cas d'infraction, l'édition entière est dé
truite et une amende
de 3000 francs
frappe l'imprimeur.
Les périodiques doi
vent supporter un droit de timbre pro
portionnel
à leurs dimensions; l'identité
de leurs propriétaires doit être déclarée
à l'avance et ceux-ci sont poursuivis en
cas d'infraction.
Les sanctions des délits
de presse sont considérablement alour
dies .
Ce proJet soulève un tollé
à gauche
comme à droite .
Peyronnet, avec une
insigne maladresse, présente son texte,
1827
dans Le Moniteur du 5 janvier 1827,
comme une «loi de justice et d'amour».
L'opposition reprend ironiquement cette
appellation .
Casimir Perier se moque:
«Autant vaudrait proposer un article
unique qui dirait que l'imprimerie est
supprimée en France au profit de la
Bel gique.» L'Académie elle-même s'émeut.
La majorité assouplit certains aspects
du texte , mais les débats à la Chambre
sont véhéments: Royer Collard apos
trophe les ministres:
«Qu'avez-vous fait,
jusqu 'ici , qui vous élève au-dessus de
vos concitoyens, que vous soyez en état
de leur imposer votre
tyrannie.» La loi est cependant votée par 233 voix
contre 134.
Mais la Chambre des pairs
la modifie si complètement que le gou
vernement la retire.
A Paris, c'est une
explosion de joie: on tire des pétards, on
illumine ; des cortèges
se forment aux
cris de: «Vive le roi! Vive les pairs! A
bas les jésuites!» , tant on est convaincu
que ces derniers étaient les instigateurs
du projet.
Pour
le gouvernement, c'est
un échec cuisant.
L'opposition que l'on
voulait brider s'est fortifiée dans l'épreu
ve.
Mais celle-ci n'a guère instruit le gouvernement: après le bref ministère
modéré de Martignac, Charles X confie
les Affaires
à l'ultra Polignac qui amè
nera allégrement le pays à la révolution .
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