Databac

HUSSERL ou La transparence du monde par Gérard Guest

Publié le 17/06/2020

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : HUSSERL ou La transparence du monde par Gérard Guest. Ce document contient 2523 mots soit 5 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en Philosophie.

« J'essaie de guider, non pas d'enseigner une doctrine, mais seulement de montrer, de décrire ce que je vois. Husserl, Krisis, I, § 7. Gardons par conséquent le regard fixé sur le plan de la conscience, et étudions ce qui se trouve contenu dans ce plan à titre immanent. Husserl, Idées directrices, I, § 33. La réforme du regard Dans quel plan, et selon quelle perspective, faut-il orienter le regard (et quel regard ?), lorsque l'on se propose de faire apparaître la complexité du monde dans toute la transparence et la limpidité de quelque structure cristalline ? — Telle est l'étrange question à laquelle Edmund Husserl consacra ses travaux et les vastes recherches auxquelles ils donnèrent lieu, fondant ainsi la tâche, et ouvrant à des investigations infinies l'immense territoire de la «phénoménologie ». A la fois tâche infinie et champ de recherches interminé, celle-ci naît en effet de cet effort inlassablement poursuivi pour transmuer, par une opération subtile, l'opacité de l'expérience naïve du monde en une transparence absolue de ses structures. — Mais la réponse à cette question est, apparemment, encore plus étrange. Car le plan choisi pour donner accès à cette transparence du monde — à une transparence qui émanerait comme de la source même et origine du monde — n'est autre que celui de la seule conscience. Et la perspective — loin de coïncider avec celle qui serait donnée en quelque improbable « géo-métral » (ou lieu synoptique) de l'univers, ou encore dans quelque « entendement divin » — est celle qui ne saurait être saisie sur le vif (dans une conversion inusitée du regard que nous portons habituellement sur nous-même, sur la vie et sur le monde) que dans les profondeurs de la subjectivité du moi. Quant à la nature et à la qualité du « regard phénoménologique », elles font aussi question dans la définition de l'entreprise phénoménologique, et ne sont aucunement données par la nature (au contraire de celles de la vision sensible), mais seulement acquises par méthode et par art : elles nécessitent un exercice et une ascèse dont les règles sont partie intégrante de ce que Husserl pratique sous le nom de « travail phénoménologique ». — Il y a assurément quelque paradoxe à prétendre plonger le regard dans la transparence du monde jusqu'à la source d'où il est supposé jaillir originairement, en faisant porter les investigations, non sur le monde, mais sur la seule intimité du flux de la conscience. Encore que ce genre de démarche ait été, de diverses façons, esquissé plusieurs fois, comme par une sorte de nécessité, dans l'histoire de la métaphysique. Qu'il s'agisse, d'ailleurs, de la « réforme » spinoziste de l'entendement, de la conversion augustinienne à la lumière de l'« homme intérieur », de la « conversion » platonicienne à ce qui rend toutes choses visibles ; qu'il s'agisse, avec Leibniz, de lire, comme du point de vue de Dieu, la structure de l'univers entier dans le «miroir vivant» de la monade, il s'agit peut-être toujours essentiellement en philosophie de la réforme du regard. C'est ce que la phénoménologie de Husserl enseigne avec une puissance et une fécondité inégalées. La philosophie comme « science rigoureuse » C'est à partir de travaux sur les fondements des mathématiques, et des difficultés rencontrées dans l'élaboration de sa Philosophie de l'arithmétique, que Husserl se trouve conduit, comme par une nécessité intérieure, au projet des Recherches logiques de 1901, et mis sur le chemin de la méthode, puis de la philosophie « phénoménologiques ». C'est le projet de fondation d'une «logique pure» (qui exprimerait de façon universellement valide la structure de toute expérience possible), ainsi que d'une « grammaire pure des significations » (qui permettrait d'exprimer rigoureusement une telle logique), qui anime le dessein husser-lien d'une réforme de la philosophie, plus radicale que celles de Descartes et de Kant, et qui ferait de la philosophie cette mathesis universalis, cette « science universelle » que la métaphysique n'a cessé d'appeler de ses vœux, mais qui n'a pu encore être édifiée de façon rigoureuse, à partir d'un point de départ et d'une méthode absolument assurés. Le « retour aux choses-mêmes » L'impératif méthodique qui ne cesse d'inspirer la recherche de Husserl, qui le met sur la voie de la phénoménologie et en constitue le fil directeur ininterrompu, est celui que traduit la maxime du retour « aux choses-mêmes », zu den Sachen selbst. Mais, s'il faut revenir « aux choses elles-mêmes », c'est, implicitement, que les « choses » ont été, en un certain sens, perdues de vue. Pourtant, nous avons, semble-t-il, à tout instant, les « choses » sous les yeux, que nous les percevions, ou, tout simplement, les utilisions. Quel sens peut donc bien avoir cette singulière maxime ? Et de quelles « choses » peut-il bien s'agir ici ? — Ce que Husserl entend par le retour « aux choses-mêmes » n'est rien d'autre que le retour aux sources de l'évidence dans laquelle la « chose » (qu'il s'agisse d'objets et d'ustensiles, d'entités logiques et mathématiques, de souvenirs ou d'états de conscience, de perceptions intimes ou d'êtres concrets extérieurs) surgit, se présente, apparaît comme « présente en personne », comme donnée pour ainsi dire « en chair et en os », dans sa présence réelle et plénière. Il s'agit donc de revenir de ce que, par une habitude et un usage irréfléchis, ou encore par ouï-dire, nous croyons savoir (ou même savons effectivement) des « choses » en question, à la vue et à la saisie explicites de la manière d'apparaître originaire de ces « choses ». Cette manière d'apparaître, de se présenter « en personne », originairement, c'est le « phénomène » (to phaïnoménon' : ce-qui-apparaît). La «phénoménologie » est l'art de faire apparaître explicitement la manière d'apparaître, le « phénomène » devenu implicite, des « choses », quelles qu'elles puissent être. Le retour aux choses-mêmes n'est autre que le retour aux phénomènes. Tout se passe comme si les choses, dans leur apparition, nous cachaient leur manière d'apparaître, la modalité de leur apparition, que la « phénoménologie » aurait pour fonction de faire apparaître à nouveau en toute transparence. Tout se passe comme si nous devions apprendre à nous déprendre de ce que nous ne savons toujours que trop bien à propos des choses, pour pouvoir apprendre à les voir apparaître, par une conversion du regard, telles qu'elles apparaissent, et pour ainsi dire à l'état naissant. Retrouver le sens du surgissement originaire du monde, le saisir dans le mode premier de son apparaître, avant tout savoir, telle est la fonction assignée à la phénoménologie par la maxime du retour aux choses-mêmes, c'est-à-dire du retour aux sources du phénomène. Le combat contre le « psychologisme » L'idée, naissante encore, du retour aux choses mêmes, incomplètement consciente de ses implications phénoménologiques, est à l'œuvre dès le point de départ, dans le projet de la « logique pure » et de la « philosophie comme science rigoureuse ». Or, ce projet implique d'entrée de jeu la critique radicale du « psychologisme ». Ce vaste courant de pensée engendre en effet, de nos jours encore, le règne du pragmatisme et du relativisme psychologique, voire l'histo-ricisme, dans la théorie de la connaissance : il vide de tout sens la recherche d'une vérité fondée de façon absolue et susceptible d'être universellement partagée ; ce que présuppose au contraire le projet husserlien d'une « logique pure » et d'une science universelle. Alors que, pour le psychologisme, les lois logiques et mathématiques n'expriment jamais que les structures psychologiques de la pensée, dont les entités et relations logico-mathématiques ne seraient jamais que les projections (relevant ainsi en dernière analyse de la psychologie empirique), Husserl défend au contraire, dans les « prolégomènes à la logique pure » que sont les Recherches logiques, l'idée de l'indépendance des significations logiques à l'égard des processus psychologiques. Si les thèses psychologistes étaient vraies, cela signifierait que les mathématiques et la logique seraient des disciplines expérimentales ou même empiriques, et que les lois logiques varieraient en fonction des fluctuations qui affectent les processus psychologiques. Cela signifierait par exemple, que lorsque le principe de contradiction énonce qu'il est vrai, absolument et universellement, que deux propositions contraires ne peuvent être vraies simultanément, il exprimerait simplement une impossibilité de fait, purement psychologique, de croire à la fois à la vérité d'une proposition et à celle de sa négation. Mais on serait toujours en droit de s'efforcer d'y parvenir un jour. La validité des principes logiques ne ferait donc que refléter une certaine forme contingente d'organisation psychique, dont l'altération toujours possible entraînerait ipso facto une modification des vérités logiques. La vérité logique ne serait alors qu'une croyance contingente, momentanément couronnée d'un succès toujours relatif, dans une espèce empirique donnée ou dans une société donnée. — Husserl met au contraire en évidence qu'il y aura toujours une différence incommensurable entre un jugement empirique, même généralement partagé, reflétant une croyance ou un consensus contingents, d'une part, et d'autre part un jugement reconnaissant la vérité absolue et démontrable a priori d'une proposition logique, ou l'évidence absolue et universelle d'un principe logique, vérité invariante et insusceptible d'approximation empirique. Si les propositions logico-mathématiques sont «vraies» d'une vérité « apodictique », indépendante de toute « vérification » expérimentale ou empirique, c'est parce que ces propositions parlent de quelque chose d'autre que des processus naturels dont parlent les sciences de la nature, de quelque chose d'autre que des états d'âme ou des processus mentaux de ceux qui énoncent ces propositions. Il faut donc maintenir rigoureusement la distinction entre le flux des états subjectifs (qu'étudie à sa façon la psychologie) et l'objectivité sur laquelle repose le raisonnement, dont les opérations ont une signification propre, irréductible à la dimension du processus psychique. ...»

« 1 / 2 HUSSERL ou La transparence du monde par Gérard Guest 2 / 2. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles