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HEIDEGGER ou La question de l'être par Gérard Guest

Publié le 17/06/2020

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« Car vous êtes visiblement depuis longtemps au fait, quant à vous, de ce que vous pouvez bien vouloir dire à chaque fois que vous dites le mot « étant » (« on ») ; mais nous, au début nous pensions le savoir : et maintenant, nous ne savons plus que penser... Platon, Le Sophiste, 244 a. La question du sens de l'être C'est par cette citation de Platon que commence, à la première ligne du livre de 1927 sur l'être et le temps, le chemin de pensée de Martin Heidegger. Et cela pour manifester que, pas plus que les antiques protagonistes des dialogues de Platon, nous n'avons aujourd'hui la moindre réponse concernant ce que nous entendons par « être », lorsque nous conjuguons, même tacitement, à longueur de journées, cet auxiliaire (par exemple au présent de l'indicatif ou au participe présent). Au point que, comme le dit Pascal, on ne peut entreprendre de définir l'être sans tomber dans cette absurdité de supposer connu le sens du défini dans sa définition : « Car on ne peut définir un mot sans commencer par celui-ci, c'est, soit qu'on l'exprime, soit qu'on le sous-entende. » Donc, « pour définir l'être, il faudrait dire c'est, et ainsi employer le mot défini dans sa définition. » — Est-ce à dire que nous ressentions aujourd'hui le moindre embarras de ne pas comprendre expressément le mot « être »? — Pas le moins du monde, constate Heidegger. Et peut-être aujourd'hui moins que jamais... — A quoi bon, en ce cas, s'efforcer de poser à nouveau la question du sens de l'être, si l'on part du constat que « la question de l'être est aujourd'hui tombée dans l'oubli » ? — C'est là ce que le patient cheminement de Heidegger, ce que ses minutieuses enquêtes sur le sens le plus intime de la métaphysique (c'est-à-dire sur la manière dont, jusqu'à la modernité la plus récente, nous avons fait, depuis les premiers penseurs grecs, l'expérience de la vérité), peuvent sans doute nous apprendre. Encore faut-il savoir nous soucier de la pensée, et apprendre pour cela la longue patience qui consiste à se mettre à lire : non pas seulement Heidegger, mais toutes les grandes œuvres de la tradition métaphysique, auxquelles l'essentiel du travail de penseur et de professeur accompli par Heidegger est consacré. La question de l'être et du temps Comprendre le sens de la tâche que s'est constamment assignée Heidegger, c'est avant tout comprendre comment, par-delà l'« oubli » dont elle aurait été d'une certaine manière l'objet dans l'histoire de la métaphysique, l'interrogation sur le sens de l'être doit conduire, comme tout naturellement, à une interrogation radicale sur le rapport étroit qui lie originellement l'être et le temps. C'est l'implication mutuelle de la question de l'être et de la question de l'être et du temps, qui fait l'objet des investigations phénoménologiques du grand livre de 1927, intitulé Etre et Temps. Lorsque saint Augustin oppose « la longueur du temps », qui n'est faite que « de la succession d'une multitude d'instants qui ne peuvent se dérouler simultanément », à l'« éternité », dans laquelle « rien n'est successif mais tout est présent, alors que le temps ne saurait être présent tout à la fois », il montre que le temps n'est pas véritablement, parce que, de lui, rien n'est jamais vraiment présent. Il met l'être (et le « véritablement étant » qu'est Dieu, l'Eternel) du côté de l'éternité, parce que seul ce qui « est présent tout à la fois » est véritablement. Lorsque Montaigne, à la fin de l'Apologie (Essais, II, 12), se demande : « Mais qu'est-ce donc qui est véritablement ? », il répond aussitôt, fort de toute la tradition métaphysique qui est la sienne : « Ce qui est éternel, c'est-à-dire qui n'a jamais eu de naissance, ni n'aura jamais fin ; à qui le temps n'apporte jamais aucune mutation ». Le temps est pour lui, au contraire, chose « à. qui appartiennent ces mots : devant et après, et a été ou sera, lesquels tout de prime face montrent évidemment que ce n'est pas chose qui soit ». — Cette opposition nous est familière au point que nous n'y songeons plus et tendons même à l'oublier ; elle l'était sans doute beaucoup moins pour les penseurs qui, comme Parménide, Platon ou Aristote, éprouvèrent les premiers le besoin de la fixer dans le discours qui fonde la métaphysique et qui est encore (souvent à notre insu) le nôtre. Et pourtant, ces premiers penseurs de la métaphysique semblent ne pas voir eux-mêmes (et encore moins leurs successeurs) ce qu'ils sont en train de présupposer dans cette simple opposition de l'être et du temps. A savoir que l'être, dans son opposition même à la succession du temps inconsistant, est toujours compris (comme « éternité », « permanence », « subsistance », etc.) en termes de présent et de présence. C'est-à-dire en termes de temps. La différence de l'être et de l'étant . L'apport décisif de Heidegger à la pensée consiste à mettre ainsi au jour cette présupposition essentielle et aveuglante de la métaphysique, selon laquelle l'être est toujours déjà compris dans la dimension d'une certaine compréhension préalable du temps. C'est bien dans l'horizon d'une compréhension du temps comme succession, que l'être est d'ores et déjà compris comme ce qui demeure, alors même que l'on prétend définir le temps à partir de l'être : comme, par exemple, lorsque Platon définit le temps comme «l'image mobile du toujours-étant ». Ce qui est (l'« étant ») — ce que les Grecs nomment to on, en utilisant le participe présent du verbe être, ou même, comme Platon, to ontôs on, ce qui participe de l'être « de façon étante », bref l'« étant en tant qu'étant » (to on hè on) de la Métaphysique d'Aristote — l'étant n'est ainsi ce qu'il est que par la participation présente de « ce qui est », à la présence de l'« être ». Les Grecs nommaient ousia (essence) ce fait, pour l'étant, de participer présentement de l'être, et parousia la présence de ce qui est. De même, remarque Heidegger, les mots allemands qui signifient ousia : Wesen et Anwesen, sont très proches parents du mot qui signifie présence : Anwesenheit. L'être est ainsi compris comme la présence dont participe présentement (c'est-à-dire au présent) l'étant (au participe présent). Or, cela ne saurait avoir lieu que « dans l'horizon de la compréhension du temps », car le présent n'a de sens qu'au sein d'une expérience du temps. Le travail entrepris par Heidegger ne consiste pas à prendre part à ce que Platon nommait « le combat de géants à propos de l'ousia », c'est-à-dire à soutenir que l'être est ceci ou cela ; il consiste bien plutôt, dès Etre et Temps, en une « topologie de l'être ». On ne saurait dire, à propos de l'être, ce qu'il est, mais seulement faire le relevé topologique de l'horizon, de l'élément, du lieu (topos) au sein duquel il est compris et prend sens. D'où la nécessité d'expliciter la « question de l'être » en la « question du sens de l'être ». Ce que les penseurs de la métaphysique ont, semble-t-il, comme « oublié », en tin sens, c'est que la question qui leur a toujours servi de guide : « Qu'est-ce que l'étant ? » (ti to on ?) en présuppose une autre, plus fondamentale : la question du fondement même de l'interrogation qui est la leur. Et cette question fondamentale, telle que la restitue l'entreprise de Heidegger, est la suivante : pourquoi toute réponse à la question « Qu'est-ce que l'étant ? » présuppose-t-elle toujours une compréhension préalable et inaperçue du temps ? (Ainsi Aristote conçoit-il l'essence (ousia) de ce qui est (on), comme l'identité à soi de l'étant dans le temps : to ti ên eïnaï, « l'être-ce-qu'il-était » de ce qui est.). — En posant la question de l'«être de l'étant» (Qu'est-ce que l'étant ?), et en y répondant de diverses manières (l'être, c'est : la nature, la matière, la forme, l'idée, l'acte, la puissance, Dieu, le sujet, l'objet, l'identité du sujet et de l'objet, la volonté de puissance, etc.), les penseurs de la métaphysique semblent avoir comme « oublié » la question de l'être tout court, dans sa différence avec tout étant, ainsi que la question du sens de l'être, c'est-à-dire justement la question du rapport de l'être à l'horizon du temps. C'est cette double question (la « question de l'être ») que Etre et Temps entreprend de déployer explicitement pour la première fois, en la sauvant ainsi de l'« oubli de l'être » qui a fait « tomber dans l'oubli » la question de l'être tout court, au profit d'une fascination de la métaphysique pour la profusion des différentes figures possibles de l'étant. — L'oubli de la question de l'être au profit de la question de l'être de l'étant ne fait donc qu'un avec l'oubli de la différence de l'être et de l'étant, qui pourtant demeure implicitement présente dans la conjugaison devenue machinale du verbe « être », au participe présent ou à tout autre temps et mode. ...»

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