Fatalité et espoir dans l'univers de Malraux
Publié le 16/05/2020
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E X P 0 S É S F C H E S
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Fatalité et espoir
dans l'univers de Malraux
Face à l'hésitation fondamentale qu'est toute existence humaine, quelle at
titude choisir
? De nombreuses tentations semblent avoir sollicité Malraux.
Il n'est pas certain que sa réponse ultime, s'il en existe une, se trouve dans
ses romans .
....
1 -LA SOUMISSION AU DESTIN OU LES TENTATIONS SURMONTÉES
Le monde farfelu
Dans des œuvres de jeunesse (Lunes en papiers, Royaume farfelu), Malraux a
cultivé une littérature de fantaisie dans la lignée de Max Jacob.
Mais,
comme chez
ce dernier, la fantaisie cache une inquiétude profonde : J' obsession du hasard, du
désordre fondamental
et dérisoire des choses.
Cette veine est représentée dans les
romans par le personnage exemplaire de Clappique dans La Condition humaine.
Elle prend avec lui la forme du «joueur», héritage de Dostoïevski.
La boule de
la roulette est l'expression de la précarité hésitante de la
vie:« L'hésitation même
de son mouvement vivait : ce mouvement à la fois inéluctable et mou tremblait
ainsi parce que des vies lui étaient liées.
» Expression d'une manière de vivre qui
consiste à se livrer tout entier au hasard de la vie.
Lier ainsi son existence à la tra
jectoire capricieuse de la boule, c'est accepter la fatalité.
Clappique, fasciné, re
noncera
à se rendre au rendez-vous fixé par Kyo, le livrant ainsi par caprice à la
police et à la mort.
Comme le dit Gisors, c'est pour lui,« un moyen de nier la vie,
[ ...
]de nier, et non d'oublier».
Le joueur mythomane s'enferme dans son rêve, la
fantaisie est bien une impasse.
L'illusion de la puissance
Mais l'impasse la plus importante -parce qu'elle est sans doute la plus grande
tentation à surmonter -est celle des
« conquérants » : vouloir posséder
par la do
mination les
hommes dans la politique, les femmes dans l'érotisme.
La figure
exemplaire de cet échec est le personnage de Grabat dans La Voie royale.
Parti
pour se construire un empire où il pourrait à la fois régner sur les Moï et assouvir
son désir de posséder des femmes, on le retrouve réduit
à l'état d'esclave, aveugle,
détruit, peut-être châtré.
On le découvre attaché à une meule qu'il fait tourner
inlassablement, au point de continuer ses rotations,
comme un automate, une fois
libéré.
On a souligné combien cette image annonçait Le Mythe de Sisyphe de
Camus, par l'image de la répétition absurde.
On peut aussi la rapprocher de la rou
lette de Clappique, des prisonniers qui tournent en rond (dans
L'Espoir): le cercle
est toujours l'expression de l'absurdité, de
l'absence de perspective, du désespoir
chez Malraux.
De façon plus générale, Perken, Garine, Ferrai, à des degrés divers, reflètent le
désir de donner un sens à l'existence par la domination.
Tous commettent la
même
erreur : croire que la puissance est dans la possession ; et tous finissent par voir leur échapper ce qu'ils ont cru tenir: la richesse, un territoire, une organisation
politique, les femmes, avant
d'être écrasés.
[§L LES ROMANS DE MALRAUX.
»
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