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Cours 5 : La notion de conversation

Publié le 16/11/2022

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« Module : Analyse Conversationnelle Niveau : Master 1 S L Cours 5 : La notion de conversation 1.

La notion de conversation comme notion générique Avant toute chose, il serait important de signaler un paradoxe chaque fois qu’on évoque la notion de conversation ; d’une part, parce qu’elle représente le lieu ou se manifeste toute l’activité sociale et d’autre part, parce qu’elle n’a pas fait vraiment l’objet d’analyse approfondie, du moins jusqu’à un certain temps.

J.

Swift (in A.

Morellet, 1995 : 101, cité par Orecchioni, 1998c : 51) faisant ce bilan dira à ce propos : « J’ai observé peu de sujets aussi évidents qui aient été aussi rarement, ou du moins, aussi superficiellement analysées que la conversation : et, vraiment, j’en connais peu d’aussi difficiles à traiter comme il le faudrait, ni sur lesquels il y ait autant à dire.

» Par conversation, on désigne, selon le dictionnaire le petit Larousse illustré (2013 : 264) tout « échange de propos entre des personnes» sur des sujets variés.

Dans le cadre scientifique des interactions verbales, elle se confondait à un certain moment de la recherche à Interaction.

Le terme Interaction devient actuellement un terme générique, il suppose une situation de communication en face à face ou médiatisée avec deux ou plusieurs participants.

D’autre part, on appelle « Interaction verbale » tous les échanges oraux entre plusieurs individus.

Le terme « Interaction » renvoie à l’idée d’une communication intentionnelle entre des personnes et le terme « verbal » à l’échange de paroles ce qui suppose que certaines « interactions » peuvent être non verbales si elles n’usent que des signes mimo-gestuels. La conversation est le lieu par excellence où se manifestent et prennent forme toutes les activités sociales.

C’est sans doute pourquoi Tarde 1 (cité par Traverso, 1996 : 9) affirme que la conversation « marque l’apogée de l’attention spontanée que les hommes se prêtent réciproquement et par laquelle ils s’entrepénètrent avec infiniment plus de profondeur qu’en aucun rapport social ».

John Heritage and Steven Clayman 1 La conversation, Sociétés 14, Mai - Juin 1987, p.

3 – 5, extrait de L’opinion et la foule, 1901, Paris : F. Alcan. 1 (2010:12) confirment que parmi les principes basiques de la CA consiste à considérer la conversation entre les membres d’une même société comme un domaine fondamental de l’analyse et que la conversation ordinaire représente une ressource basique de l’extension de la CA vers d’autres domaines non-conversationnels. Selon Mondada (2001 :03), l’interaction sociale dans sa forme principale qui est la conversation est « le lieu prototypique de l’usage des ressources linguistiques, outre que de la construction de l’ordre social, des relations, des positions et des identités catégorielles des participants ».

. Par ailleurs, bien qu’il soit évident que le langage verbal, moyen essentiel par lequel se réalise toute interlocution, ait par excellence la fonction de mettre en œuvre la communication interpersonnelle dans les diverses situations de la vie quotidienne, il a été pendant longtemps négligé par la linguistique de la première génération. Jakobson, d’ailleurs, a été avec Bakhtine parmi les rares sinon les seuls chercheurs qui avaient rappelé que l’interlocution constituait l’essence même de la langue : « (…) la réalité à laquelle la linguistique à affaire, c’est l’interlocution.

(…) je parle de la tendance à considérer le discours individuel comme la seule réalité. Cependant, je l’ai déjà dit, tout discours individuel suppose un échange2.

» Jakobson (1963 : 32) En effet, la linguistique contemporaine, en particulier le courant interactionniste, a bel et bien adopté cette nouvelle conception.

Elle s’est rendu compte (la linguistique) que la conversation est, par excellence, le moyen de la sociabilité et de la socialisation, et que, de ce fait, elle pourrait être le lieu privilégié de l’étude de l’interaction sociale qui se réalise effectivement par le biais du langage verbal. Considérée comme un type particulier d’interactions verbales, il n’est pas étonnant que la conversation revête aujourd’hui une importance primordiale pour l’analyse du discoursen-interaction : « L’analyse du discours-en-interaction privilégie tout naturellement les formes de discours qui présentent le plus fort degré d’interactivité3, au premier rang desquelles figurent les conversations, qui sont généralement considérées non seulement comme 2 3 Italiques ajoutés Les conversations sont généralement admises comme présentant un fort degré d’interactivité en fonction des critères suivants : 2 un type particulier d’interactions verbales, mais comme une sorte de prototype en la matière.

» (Orecchioni, 2005 : 18). Levinson 4 (cité par ibid., 2005 : 18) le montre si bien en affirmant que la conversation est clairement le genre prototypique de l’usage du langage et la matrice favorisant l’acquisition d’une langue : « Conversation is clearly the prototypical kind of language use (…) and the matrix for language acquisition.

» La désignation de l’analyse des formes de talk-in-interaction par conversation analysis montre très bien le degré de privilège accordé à ce type d’interactions sociales.

On va même, dans la CA, jusqu’à dire que les autres formes de talk-in-interaction pourraient être considérées comme des transformations où des formes dérivées de la conversation et doivent être étudiées comme telles. Si l’on croit, cependant, Barthes et Berthet (1979 : 3, cité par Orecchioni, ibid.

: 185) se situant à l’opposé de la CA, le caractère asymétrique et atypique de la conversation dû à sa « mollesse formelle », pensent-ils, présente « un défi discret pour la science ».

Ils refusent tout travail linguistique et systématique sur la conversation. Cependant, Moeschler (1985 : 80) conteste ce genre d’argument en affirmant que malgré la délicatesse de la transcription elle reste un exercice faisable et que les personnes enregistrées peuvent très bien faire preuve de coopération une fois informées du but de l’enregistrement. Pour la CA la conversation est considérée comme un « mode prototypique » duquel découlent toutes les autres formes d’interactions vu qu’elle serait, « l’activité humaine la plus répandue » et de ce fait elle pourrait constituer un objet d’étude très intéressant pour la linguistique renouvelée. Ce privilège accordé à la conversation se réalisant essentiellement par les moyens verbaux, selon Orecchioni (2005 : 19), est dû au fait qu’elle représente dans toutes les sociétés sinon la plupart d’entre elles la forme la plus répandue « que peut a) La nature des participations mutuelles, b) Le rythme de l’alternance des tours de parole, c) La répartition des prises de parole, d) Le degré d’engagement des participants dans l’interaction. 4 Levinson (1983: 284). 3 pendre l’activité langagière ».

Elle est, pour Tarde (cité ibid), « le plus fidèle miroir de la société ».

Pour Goffman (1973 a : 21) c’est « une sorte de système social en miniature ». Analyser par exemple un fait aussi banal que l’ouverture d’une conversation téléphonique, pour Schegloff (1986 :115) (cité par Orecchioni, 2005 : 19) « permet d’appréhender l’essence même de l’ordre social.

» La conversation la plus banale qu’elle obéirait à certaines règles d’organisation selon Véronique Traverso (1996 : 11), « on n’entre pas en conversation n’importe comment, on ne change pas de thème n’importe comment, on n’enchaîne pas les répliques n’importe comment, on ne se sépare pas n’importe comment, etc.

» 2.

La notion de conversation comme type particulier d’interaction verbale La conversation comme type particulier d’interaction, telle la discussion, la transaction ou la consultation par exemple possède certaines caractéristiques et peut être distinguée par certains critères. Caractéristiques La conversation dans l’état actuel des connaissances scientifiques renvoie à un type particulier d’interaction verbale.

C’est comme cela qu’on va la considérer, désormais, dans la présente recherche.

C’est l’une des interactions à structure d’échange où les participants ont la possibilité d’intervenir et donc de devenir énonciateur, comme le signale R.Vion (2000 : 123).

Comme toutes les interactions verbales, elle suppose aussi une situation de communication orale dans laquelle deux ou plusieurs participants agissent, réagissent et interagissent mutuellement par le biais de propos échangés. Cela signifie que toutes les interactions verbales ne sont pas des conversations.

Ainsi, parmi les types d’interaction, on note par exemple, l’entretien, la transaction commerciale, la discussion, la consultation, médicale, le débat, l’interview, etc.

Cependant, il convient de signaler qu’on ne peut compter sur l’homogénéité d’un seul type : il se peut que dans une consultation médicale, par exemple, on puisse trouver une ou des séquences du type conversation ; c’est pour cela que Robert Vion prévoit, pour résoudre ce problème, la notion de module. 5 Schegloff E.A.

1986, The routine as achievement » Human studies 9, 111-151. 4 Bref, la conversation est une interaction verbale ; elle partage avec les autres interactions verbales les caractéristiques suivantes. a) L’énoncé est co-construit; il est le résultat d’un effort conjoint de deux ou plusieurs personnes qui doivent respecter les règles implicites.

Par exemple si l’un produit un acte à valeur de compliment, on doit s’attendre à ce que l’autre produit un acte à valeur de remerciement.

Une première salutation proprement dite ou complémentaires implique une réponse à la salutation de la même nature, ainsi, 6- D /kiʁakum ə si/ Rachid Comment allez-vous ? 7- R ça va 8- D /saħa ftuʁkum/ Bon appétit 9- R / saħa ftuʁak/ Bon appétit C’est une sous-séquence extraite de l’émission Franchise de nuit d’Alger chaîne trois.

Il apparait clairement que son fonctionnement ne s’appuie pas seulement sur un rapport de contigüité entre les interventions du même échange mais aussi entre les échanges : un échange de salutation proprement dite est suivi d’un échange de salutations complémentaires. 6- D /kiʁakum ə si / Rachid I Echange A 7- R ça va R salutation proprement dite 8- R /saħa ftuʁkum/ I Echange B 9- D / saħa ftuʁak/ R salutation complémentaire b) L’énoncé dépend de l’influence mutuelle exercée par les interlocuteurs l’un sur l’autre, c’est l’échafaudage fait d’actions et de réactions qui fait avancer et 5 oriente une interaction.

Si on prend par exemple le cas de quelqu’un qui salue son interlocuteur par « ça va ? » (salutation complémentaire/question sur la santé) la suite des échanges ne sera pas la même selon que sa question est considérée comme une salutation complémentaire ou comme une.... »

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