Databac

Commentaire composé: L'éducation sentimentale

Publié le 30/12/2023

Extrait du document

« Commentaire composé Texte-support : Les dîners recommencèrent ; et plus il fréquentait Mme Arnoux, plus ses langueurs augmentaient. La contemplation de cette femme l'énervait, comme l'usage d'un parfum trop fort.

Cela descendit dans les profondeurs de son tempérament, et devenait presque une manière générale de sentir, un mode nouveau d'exister. Les prostituées qu'il rencontrait aux feux du gaz, les cantatrices poussant leurs roulades, les écuyères sur leurs chevaux au galop, les bourgeoises à pied, les grisettes à leur fenêtre, toutes les femmes lui rappelaient celle−là, par des similitudes ou par des contrastes violents.

Il regardait, le long des boutiques, les cachemires, les dentelles et les pendeloques de pierreries, en les imaginant drapés autour de ses reins, cousues à son corsage, faisant des feux dans sa chevelure noire.

A l'éventaire des marchandes, les fleurs s'épanouissaient pour qu'elle les choisît en passant ; dans la montre des cordonniers, les petites pantoufles de satin à bordure de cygne semblaient attendre son pied ; toutes les rues conduisaient vers sa maison ; les voitures ne stationnaient sur les places que pour y mener plus vite ; Paris se rapportait à sa personne, et la grande ville avec toutes ses voix bruissait, comme un immense orchestre, autour d'elle. Quand il allait au Jardin des Plantes, la vue d'un palmier l'entraînait vers des pays lointains.

Ils voyageaient ensemble, au dos des dromadaires, sous le tendelet des éléphants, dans la cabine d'un yacht parmi des archipels bleus, ou côte à côte sur deux mulets à clochettes, qui trébuchent dans les herbes contre des colonnes brisées.

Quelquefois, il s'arrêtait au Louvre devant de vieux tableaux ; et son amour l'embrassant jusque dans les siècles disparus, il la substituait aux personnages des peintures.

Coiffée d'un hennin, elle priait à deux genoux derrière un vitrage de plomb.

Seigneuresse des Castilles ou des Flandres, elle se tenait assise, avec une fraise empesée et un corps de baleines à gros bouillons.

Puis elle descendait quelque grand escalier de porphyre, au milieu des sénateurs, sous un dais de plumes d'autruche, dans une robe de brocart.

D'autres fois, il la rêvait en pantalon de soie jaune, sur les coussins d'un harem ; −− et tout ce qui était beau, le scintillement des 1 étoiles, certains airs de musique, l'allure d'une phrase, un contour, l'amenaient à sa pensée d'une façon brusque et insensible. Quant à essayer d'en faire sa maîtresse, il était sûr que toute tentative serait vaine. 2 Un soir, Dittmer, qui arrivait, la baisa sur le front ; Lovarias fit de même, en disant : −− " Vous permettez, n'est−ce pas, selon le privilège des amis ? " Frédéric balbutia : −− " Il me semble que nous sommes tous des amis ? " −− " Pas tous des vieux ! " reprit−elle. C'était le repousser d'avance, indirectement. Que faire, d'ailleurs ? Lui dire qu'il l'aimait ? Elle l'éconduirait sans doute : ou bien, s'indignant, le chasserait de sa maison ! Or, il préférait toutes les douleurs à l'horrible chance de ne plus la voir." Flaubert, L'Education sentimentale, partie I, chapitre 5. 3 Introduction : Frédéric fait la connaissance d’un certain Hussonnet, et d’un autre homme d’apparence innocente, Dussardier, vite arrêté.

Aidé par Hussonnet, Frédéric s’introduit chez les Arnoux comme le lui avait déjà conseillé son ami Charles Deslauriers, pour se rapprocher de Mme Arnoux.

Chaque jeudi soir, celle-ci offre un dîner à ses amis dont Frédéric qui « aima[i]t tout ce qui dépendait de Mme Arnoux, ses meubles, ses domestiques, sa maison, sa rue », qui « ne parlait guère pendant ces dîners » en se contentant de la contempler.

Lors de leur dernière entrevue, il se prose d’accompagner la dame de ses rêves qui sort pour faire une course.

En chemin, « Il se donna jusqu’à la rue de Richelieu pour déclarer son amour.

Mais, presque aussitôt, devant un magasin de porcelaines, elle s’arrêta net, en lui disant : – Nous y sommes, je vous remercie ! À jeudi, n’est-ce pas, comme d’habitude ? » Le héros que le narrateur qualifiait dans les débuts de roman de « femme adultère » aura-t-il la vertu de déclarer son amour ouvertement et de briser le silence qui le ronge de l’intérieur ? Pour répondre à cette question, nous montrerons comment l’insensibilité de la femme aimée entraine la cyclicité de l’action et conduit l’anti-héros à une fabulation placée sous le signe d’un conte teinté d’exotisme. I- Conjonction ou disjonction d’avec l’objet de désir : le piège Frédéric Moreau comme sujet de la quête amoureuse est maintenu dans une position équivoque entre la conjonction et la disjonction d’avec l’objet de désir.

En effet, les retrouvailles des jeudis lui permettent d’être à proximité de la femme aimée, mais ces face-àface directs ne lui permettent pas de conquérir le cœur de celle-ci, ce qui assimile cet amour à un vrai piège. 1.

Frédéric pris dans les filets d’Arachné Par la valeur itérative du suffixe « re » du verbe « recommencer », le narrateur imprime aux retrouvailles de Frédéric et de Mme Arnoux l’aspect de régularité et d’habitude.

Dès lors, on pourrait supposer que le jeune amoureux aurait atteint son but consistant à investir l’espace de la bien-aimée comme le lui avait déjà conseillé son ami Charles Deslauriers qui, dans le récit, remplit la fonction d’initiateur comme l’est Vautrin pour Rastignac dans Le père Goriot de Balzac.

En fait, une emprise sur l’espace de la femme aimée semble être le meilleur moyen pour s’approcher de celle qui l’occupe en vue d’avoir une emprise sur son cœur.

Mais, malgré la valeur itérative de la rencontre suggérée par le verbe « recommencer », cette durée ne semble être ponctuée par aucun événement qui puisse faire progresser l’action.

Bien au contraire, le passé simple « recommencèrent » ne fait que contracter cette durée de manière sommaire comme pour la réduire à une ellipse narrative.

Dès lors, l’apparente conjonction du sujet avec l’objet de valeur ne se donne que comme illusion du fait que la narration maintient plutôt leur disjonction.

Aussi, les péripéties sentimentales qui normalement devraient déboucher sur un dénouement heureux maintiennent-elles au contraire la tension figurée par la rage silencieuse du jeune amoureux.

Cette tension affecte également le rythme du récit qui maintient le lecteur en haleine.

Le retour du même figuré par le retour des jeudis affecte à l’action un caractère cyclique comme si le récit se retourne sur lui-même.

De ce fait, la persécution psychologique permanente du personnage semble imiter les manœuvres vaines 4 d’un Sisyphe.

Ainsi, les retrouvailles, censées être un adjuvent, opèrent-elles, non une source d’apaisement, mais au contraire comme une vraie source de malaise.

Ce supplice, la construction phrastique l’exprime par l’établissement du parallèle entre le degré de fréquentation de Mme Arnoux et le degré de « langueur » que cela suscite chez le jeune amoureux.

Les deux verbes à l’imparfait « fréquentait » et « augmentaient », qui saisissent le procès dans sa progression, font de cette conjonction du sujet avec l’objet de valeur au contraire une disjonction.

Aussi, la rencontre est-elle spatiale, non sentimentale, car en l’absence de la réciprocité du sentiment amoureux, ces « dîners » ne peuvent être considérés que comme toile d’une Arachné dans les filets de qui est pris un Frédéric loin encore d’être initié en amour comme l’avait pressenti le narrateur qui le comparait à une « femme adultère » . 2.

La seconde nature d’une psyché amoureuse La persécution amoureuse est si violente qu’elle affecte la nature même du sujet amoureux. On s’attendrait à ce le héros soit qualifié et qu’il atteigne la maturité dans son parcours initiatique.

Mais, il n’en est rien, car comme « héros problématique », Frédéric est plutôt disqualifié.

En fait, on n’assiste pas à sa qualification, mais plutôt à sa dégradation.

Sur le plan psychologique, il devient nerveux comme le signale le narrateur : « la contemplation de cette femme l’énervait ».

Toutefois, la nervosité et l’incapacité à le manifester augmente sa souffrance.

Devant cette incapacité à susciter l’amour de la bien-aimée, Frédéric est réduit au silence.

L’échange verbal qu’autorisent normalement les « dîners » se veut un mutisme que la parole omnisciente du narrateur comble d’ailleurs par l’autopsie ses sentiments profonds de l’amoureux.

Incapable de proférer une parole, sa seule présence se limite à «la contemplation de cette femme [qui] l’énervait ».

Le pronom démonstratif « cela », outre l’idée de distanciation, témoigne de l’imperméabilité de cette métamorphose qui submerge le jeune homme.

Certes le narrateur en connaît l’origine, mais il n’arrive pas lui-même à la nommer.

Devant cette incapacité à définir la nature de cette transformation radicale, le narrateur recourt à l’approximation comme le montre la modalisation du propos par l’adverbe « presque » dans « et devenait presque une manière générale de sentir » et le pronom démonstratif « cela » qui exprime cette distanciation.

Quant au verbe « descendre » dans « cela descendit », il montre que le narrateur sonde la psyché amoureuse pour témoigner de cette dénaturation de Frédéric.

Aussi, en anti-héros,.... »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles