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SÉNÈQUE (4 av. J.-C. - 65 ap. J.-C.)

SÉNÈQUE (4 av. J.-C. - 65 ap. J.-C.)

Né en Espagne, à Cordoue. On l'accuse couramment d'hypocrisie : habile à peindre la folie des hommes, moraliste sévère, fin psychologue, maître de sagesse et de modération, d’indépendance et de franchise, il fut aussi, en dehors de ses œuvres, maître et conseiller de Néron (on dit même qu'il écrivit le discours que prononça celui-ci devant le Sénat après avoir assassiné sa mère!), courtisan retors, finalement disgracié pour conspiration et poussé au suicide. Tableau un peu sombre, et peut-être assombri, dont on doit en tout cas retenir l'engagement du philosophe dans le monde.

Sénèque (Lucius Annaeus), dit le Philosophe, né vers avant J.-C., est élevé par son père, suit la carrière du barreau et ouvre à Rome une école de philosophie. Accusé par Messaline d'entretenir des relations avec Julie, fille de Germanicus, il est, sous Claude, exilé en Corse. Après le mort de Messaline, il est rappelé d'exil par Agrippine qui le charge de l'éducation de Néron, son fils ; il reste près de son élève comme l'un de ses ministres, et réussit pendant quelque temps à contenir les mauvais instincts de l'empereur. Ne pouvant parvenir à le ramener à des sentiments plus humains, il veut se retirer de la Cour ; mais Néron enveloppe son précepteur incommode dans la conspiration de Pison et charge un centurion de lui intimer l'ordre de se donner la mort. Sénèque se fait ouvrir les veines et montre une grande fermeté en mourant. On a de lui les traités Des bienfaits, De la colère, De la démence, De la tranquillité de l'âme, Les Consolations à Helvia, à Marcia, à Polïbe, Les Questions nouvelles et cent vingt-six Lettres morales.

SÉNÈQUE le Philosophe (Lucius An-naeus Seneca, dit), philosophe latin (Cordoue v. 4 av. J.-C. - Rome 65 apr. J.-C.). Il étudia d'abord l'éloquence, puis suivit les leçons de trois philosophes : Attale (stoïcien), Fabianus et Sotion (pythagoriciens). De retour d'un exil en Corse (41 à 49), il fut le précepteur de Néron. Celui-ci, devenu empereur, l'impliqua dans la conjuration de Pison et lui donna l'ordre de mourir. Il s'ouvrit les veines sans trembler. De son œuvre volumineuse, on retiendra sa morale proche du stoïcisme, développée dans les Quaestiones naturales. Il s'oppose à Cicéron, pour lequel la vie sociale et le devoir de citoyen devaient tenir la première place. Sa sagesse est de cultiver sa volonté pour mettre son bonheur dans la vertu et non dans les hasards de la fortune. L'originalité de Sénèque est dans le détail, dans la pénétration avec laquelle il a discerné les vices et les maux de ses contemporains, dans la place accordée aux devoirs de pitié et d'humanité (contre l'esclavage, les gladiateurs, etc.). Ses idées lui ont valu d'être consulté non seulement par les philosophes, mais par les Pères de l'Eglise et les moralistes chrétiens.

De la brièveté de la vie (De brevitate vitae). Dialogue de Sénèque (2, 2) adressé à Paulinus, un fonctionnaire, et qui fut vraisemblablement écrit vers 49 apr. J.-C. Pour Sénèque, le temps est chose précieuse qu’il faut Utiliser avec sagesse et modération ; il doit être consacré à l’amélioration du caractère et non à la poursuite des vices. Cet ouvrage passe pour un des meilleurs essais de Sénèque.

De la clémence (De clementia). Traité de Sénèque (2, 2) en trois livres, écrit en 55-56 apr. J.-C. dont on a conservé le premier livre et une partie du deuxième. Il traite de l’exigence de clémence chez le monarque. Sénèque le rédigea dans la deuxième année du règne de Néron à cause de ce qu’aurait dit l’empereur en signant à contrecœur une condamnation à mort : « Je voudrais ne pas savoir écrire ! » Il faut juger les louanges que Sénèque adresse à Néron par rapport à la clémence relative qui fut celle de l’empereur durant les premières années de son règne.

De la colère (De ira). Traité en forme de dialogue de Sénèque (2, 2), adressé à son frère Novatus. Des trois livres qui le composent, le premier et le deuxième furent peut-être écrits en 41 apr. J.-C., juste avant l’exil de Sénèque, le troisième étant plus tardif. L’ouvrage traite de la nature de la colère; il montre qu’il est possible de la maîtriser et en indique les moyens. Sénèque y donne quelques exemples de la colère et de la cruauté de l’empereur Caligula.

De la constance du sage (De constan-tia sapientis). Ouvrage de Sénèque (2, 2) écrit après 47 apr. J.-C.

SENÊQUE le Philosophe (Lucius Annaeus Seneca). Philosophe latin. Il naquit à Cor-doue, en Espagne Bétique, au début de notre ère (sans doute en 4 ap. J.-C.), d’une famille où les travaux intellectuels étaient fort à l’honneur. Il vint, jeune, à Rome, où il s’adonna aux études philosophiques. Dans la carrière d’avocat, il révéla des qualités oratoires extraordinaires et, ayant obtenu la charge de questeur, il entra au Sénat où son éloquence, pendant le règne de Caligula, lui valut un regain d’honneurs, de réputation mais aussi de périls. Cependant, jusqu’en l’an 41, il jouit d’une situation enviable; c’est alors que la disgrâce où tomba la belle princesse Julia Livulla, sœur de Caligula, accusée par la jalouse Messaline, le compromit lui-même, on ne sait sous quel prétexte. Il fut relégué dans la dure solitude de la Corse, et ce n’est qu’en 49, après huit années d’exil, qu’il put, grâce à l’intercession d’Agrippine, la nouvelle impératrice, revenir à Rome, en tant que précepteur du jeune Néron, devenu, par l’adoption de Claude, son successeur désigné à 1 empire. En octobre 54, Claude mourait empoisonné — selon l’opinion commune, par Agrippine — et Néron montait sur le trône que les menées maternelles avaient enlevé à Britannicus, le fils unique de Claude. Au cours des honneurs exceptionnels, décernés et exagérés à dessein par Agrippine, qui accompagnèrent, avec une pompe extraordinaire, les funérailles et la déification de Claude, Sénèque composa une satire excessivement mordante, qui fut peut-être publiée aussitôt après l’imposante cérémonie de la déification. Elle porte, dans les manuscrits, le titre de Ludus de morte Claudii ou Divi Claudii Apotheosis per satyram. Le titre de Apocoloquintose (cucurbitification) lui a été donné par Dion Cassius (60, 35). Après la mort de Claude, Sénèque demeura le conseiller le plus autorisé et le plus écouté du prince et, bien qu’il n’assumât pas de charges publiques, il fut, en réalité, le véritable régulateur de la politique impériale : bien des actes du principal néronien font manifestement sentir, pendant environ sept ans, la noble et bienfaisante influence de cet homme au talent remarquable. Mais, contre ses projets de liberté politique et de justice sociale dans le gouvernement de l’empire, il trouvait des obstacles tenaces dans l’esprit réactionnaire et servile du Sénat, auquel il voulait pourtant restituer, en partie, son ancienne autorité, et chez le prince lui-même, qui ne tarda pas à manifester sa triste nature. En 62, Burrhus, le préfet du prétoire qui, pour Sénèque, avait été un ami et collaborateur précieux, mourait, peut-être par le poison; et, peu après, Sénèque, haï de l’empereur qui avait désormais un tout autre conseiller en la personne de Sofenius Tigellius, le nouveau préfet du prétoire, se consacrait à ses études dans la retraite totale de la vie privée. En 65 fut découverte une conjuration contre Néron dirigée par un haut personnage romain, Calpurnius Pison, vaste complot qui comprenait des noms notoires du monde civil et militaire, parmi lesquels se trouvaient des officiers des milices prétoriennes. Nous ne savons pas jusqu’à quel point pouvait être fondée l’accusation de complicité portée contre Sénèque; toujours est-il que Néron saisit aussitôt avec joie l’occasion de se débarrasser de son vieux conseiller, qui lui était devenu désormais odieux. Sénèque, ayant reçu l’ordre de mourir, montra en tait, à son dernier jour, qu’il savait défier cette mort attendue avec sérénité, selon le témoignage de son œuvre, tous les jours de sa vie. Il reste de lui un recueil d’écrits moraux intitulé Dialogorum libri XII et comprenant : le traité De la providence dédié à Lucilius, sur la providence divine, laquelle, au moyen de l’adversité, éprouve la vertu et affermit la dignité, donc également la félicité de l’esprit humain; De la constance du sage , dédié au jeune Annaeus Serenus, sur la fermeté du sage, dont la vertu ne peut être ébranlée d’aucune manière; les trois livres ' De la colère, dédiés à Novatus. frère de Sénèque, devenu Gallion par l’adoption, qui constitue un traité des passions humaines; De la vie heureuse, au même, sur le véritable bonheur qui est fondé sur la vertu et non sur la plaisir; De l’oisiveté, à Serenus, sur les bienfaits de la retraite et de la méditation comparés aux maux qu’engendre la vie active et occupée d’affaires publiques; De la tranquillité de l’âme, à Serenus également; De la brièveté de lavie à Paulinus, préfet de l’Annone, qui s’efforce de montrer que la vie est longue si nous ne la gâchons pas en pertes de temps funestes ou stériles; trois Consolations à Marcia, qui pleurait désespérément un fils qu’elle avait perdu; à Helvia, où un fils exilé cherche à réconforter sa mère affligée et lointaine; la troisième à Polybe, un affranchi de Claude dont le frère était mort. En dehors de ce recueil de dialogues, qui sont surtout des confidences et des déclarations longues et animées de l’écrivain au personnage à qui chacune de ces œuvres est dédiée, il nous reste : une moitié du : De la clémence, en trois livres à l’origine, dédié à Néron au début de son règne et où sont exposés les principes fondamentaux de Sénèque sur 1 administration de la justice et le gouvernement de l’Etat; les sept livres : Des bienfaits, à Aebutius; les sept livres des Questions naturelles, à Lucilius, qui contiennent l’étude des phénomènes météoriques, météorologiques, sismiques; et les cent vingt-quatre Lettres à Lucilius, en vingt livres, écrites dans les quatre dernières années de la vie de Sénèque, sorte de grands recueils moraux sous forme épistolaire, où il rassemble sa philosophie et son expérience. Sénèque est aussi l’auteur de neuf tragédies: Hercule Furieux, Les Troyennes, Les Phéniciennes, Médée , Phèdre, Œdipe, Agamemnon , Thyeste, Hercule sur l'Œta. Quant à une « praetexta », Octavie, à l’attribution de laquelle on a consacré de vaines discussions, il s’agit de l’œuvre d’un admirateur et imitateur de Sénèque. Ces tragédies, destinées à la lecture, sont naturellement dépourvues de véritable mouvement scénique et ont souvent la pesanteur et le caractère conventionnel des travaux exclusivement littéraires. Mais, en elles, il y a cependant des éléments d’une nouvelle poésie et d’un nouveau drame, germes qui apparaîtront développés dans le théâtre moderne. Des jugements disparates ont été formulés par la postérité sur Sénèque, à qui, toutefois, on s’accorde à reprocher l’écart qui existe entre certaines faiblesses critiquables de sa vie et la rigidité vertueuse de sa doctrine morale. Ces manquements, Sénèque se les reprochait à lui-même, et ce n’était pas là ostentation d’humilité, mais aveu sincère de ce qu’il sentait être. A l’objection que les philosophes ne font pas ce qu’ils disent, Sénèque répondait qu’« ils font beaucoup du seul fait qu’ils conçoivent et disent des choses honnêtes» (De vita beata, XX, 1), et son œuvre est une magnifique confirmation de la justesse de ces paroles. Dans ses écrits, en effet, il a pu manifester la liberté et la richesse d’un esprit allant au-delà de son époque et qui, semblant annoncer des sentiments et des pensées d’âges à venir, devait toujours rester moderne en dépit de ses attaches avec les écoles d’antiquité. Avant tout, il recherche la sagesse et non l’érudition : la sagesse enseigne à l’homme à jouir de son temps, l’érudition à le perdre; la première, à vivre bien et avec fruit; la seconde, mal et d’une existence vaine. La culture peut et doit être un acheminement vers la sagesse, non une fin. Le but de la vie humaine n’est pas de posséder un grand nombre de notions qui ne servent à rien, mais d’avoir la force de résister au mal, de vaincre les rudesses du sort, d’accepter la douleur. La félicité la plus grande, c’est de n’avoir pas besoin de félicite, de trouver en soi-même son bien absolu, sans dépendre aucunement du hasard et des injures de la fortune et des hommes : ainsi seulement le sage, dans l’immobilité de sa conscience, intangible parce qu’intérieure, incorruptible parce qu’isolée, domine tous les rapports de forces extérieures qui agissent autour de lui et sur lui, devenant et demeurant l’unique véritable maître et libérateur de lui-même. La doctrine de Sénèque s’adresse non à la foule mais à l’individu, non à la masse avilie et corrompue mais à celui qui, obligé à vivre parmi les hommes, sent le besoin et la force de vivre par lui-même et de trouver en lui le point de contact avec l’univers. Dire que Sénèque est tout proche du christianisme, c’est le juger à travers quelques formules vagues de sentiment religieux et d’humanité. Entre son enseignement et la prédication de saint Paul — son contemporain — il y a un abîme : pour Sénèque, l’homme se rachète lui-même grâce à la raison; pour saint Paul, il se laisse racheter par Dieu dans l’abandon causé par la foi ; dans le christianisme, Dieu est le sauveur des hommes; dans la doctrine de Sénèque, l’homme est son propre sauveur; là, le miracle descend du ciel vers l’humanité, ici il monte de l’âme humaine vers le ciel. La base de cette philosophie est le stoïcisme, mais l’horizon de Sénèque n’est pas borné par une philosophie particulière; il passe en explorateur dans les divers domaines et, bien des fois, trouve dans l’épicurisme la formule de sa pensée ou de son aspiration. Chez lui, on remarque la persistance de certaines contradictions, qui ne sont pas, à proprement parler, de véritables contradictions, mais des incertitudes, des essais temporaires d’un esprit inquiet qui se sent enveloppé par le mystère des choses, qui cherche assidûment, dans la fermeté de l’âme, le soutien de sa vie, et qui, à l’inconnu du monde naturel, voudrait opposer la certitude de son propre monde moral. L’œuvre de Sénèque est parmi les plus vivantes de la production latine, et c’est elle qui, malgré toute son habileté rhétorique, nous fait sentir que des forces idéales neuves avaient vraiment trouvé leur nouvelle expression littéraire.

SÉNÈQUE (Cordoue, v. 2 av. J.-C.-65 ap. J.-C.). Homme politique, écrivain et philosophe latin. Personnalité très discutée, Sénèque fut le précepteur puis le conseiller de l'empereur Néron avant d'être condamné par celui-ci. Après avoir commencé à Rome une brillante carrière politique favorisée par ses dons d'éloquence, il s'exila en Corse, pendant plusieurs années, victime d'intrigues menées par la femme de l'empereur Claude, Messaline. Rappelé en 49 ap. J.-C. dans la capitale pour se charger de l'éducation de Néron, il inspira sa politique au cours des années heureuses du quinquennium Neronis (54-59 ap. J.-C.) et tenta plus tard, mais en vain, de modifier le comportement du tyran. Celui-ci l'impliqua dans un complot mené contre lui et l'obligea à se suicider. L'oeuvre de Sénèque comprend des traités de morale (De la clémence, Des bienfaits), des dialogues philosophiques (Consolation à Helvia, Sur la brièveté de la vie, Sur la Providence, etc.), un ouvrage scientifique (Questions naturelles) et des tragédies (Médée, Les Troyennes, Phèdre). Dans cette oeuvre, nourrie de la pensée des stoïciens, Sénèque se place en directeur de conscience qui appelle à la maîtrise de soi. Mais ses adversaires lui reprochèrent de prêcher la pauvreté alors qu'il vivait une existence fastueuse. Voir Stoïcisme.




Homme politique et philosophe romain né à Cordoue en Espagne. Brillant avocat, il fut exilé en Corse de 41 à 49 avant de revenir à Rome pour être le précepteur puis le ministre de Néron, qui finit par le disgracier et lui ordonna de se suicider. La morale stoïcienne que développe Sénèque s'applique pour une large part à la pensée et à l'action politiques : dans la lutte contre les passions humaines - sources de tous les maux -, le souverain a un rôle déterminant à jouer pour le maintien de l'ordre et par l'exemple de la sagesse qu’il doit offrir à ses sujets. Œuvres philosophiques principales : De la constance du sage ; De la tranquillité de l’âme ; Lettres à Lucilius.



♦ « La force de Sénèque était dans ses préceptes de l’éloquence... du reste, cet homme eut en partage un esprit charmeur et qui s’accommodait aux oreilles de ses contemporains. » Tacite. ♦ « Il y a chez lui de nombreuses et belles sentences; il y a même beaucoup à y lire au point de vue de la morale; mais cela est exprimé la plupart du temps dans un style corrompu et le fait est d’autant plus pernicieux que les défauts qui abondent sont pleins de charmes. » Quintilien. ♦ « Sénèque est plein de pointes et saillies, Plutarque de choses. Celui-là vous eschauffe plus, et vous esmeut. Celuy-ci vous contente davantage. » Montaigne. ♦ « J’estime le précepteur de Néron, l’amant d’Agrippinet l’ambitieux qui prétendait à l’Empire; du philosophe et de l’écrivain, je ne fais pas grand cas : je ne suis touché ni de son style ni de ses sentiments. » Saint-Evremond. ♦ « Lorsqu’il arrive malheur à un Européen, il n’a d’autre ressource que la lecture d’un philosophe qu’on appelle Sénèque... » Montesquieu. ♦ « Le précepteur du genre humain... » Diderot. ♦ « Toréador de la Vertu... » Nietzsche.

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