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répétition

La répétition est une figure de type microstructural, spécialement à l’œuvre dans les figures d’élocution et même dans celles de construction. On peut soutenir que la répétition constitue la plus puissante de toutes les figures : en réalité, dès que l’on passe à la question des contenus textuels, on déborde la limite microstructurale propre à la nature de la figure, qui peut dès lors servir de base formelle éventuelle à des figures macrostructurales. Pratiquement, la reprise qui définit la répétition peut toucher le son (la lettre, la syllabe), le mot, le groupe de mots, la phrase, le paragraphe, le texte entier - ou encore l’idée. En gros, il est commode d’isoler trois classes fondamentales de répétition. Un ensemble expressif est répété (une ou plusieurs fois), de manière que n’est indiqué qu’une fois le même sens. Ainsi, quand on crie ma tête! ma tête! il est évident qu’il s’agit du soulignement pathétique de quelque chose qui concerne son unique tête (à moins d’être une hydre). On peut trouver des déterminations comparatives ou métaphoriques identiques reprises tout au long d’une œuvre pour référer au même et unique objet. Un ensemble expressif est répété de manière à créer un effet de sens qui n’équivaut à aucune des occurrences particulières du segment qui fait la matière de la reprise, la première apparition s’intégrant rétroactivement dans une valeur de signification globale et sui generis : c’est le système de ton créé par les diverses formes de refrain. Enfin, on peut voir la répétition, éclatant hors de sa vraie nature, à l’œuvre comme principe productif dans les reprises ou les étalements de contenus des figures macrostructurales d’amplification : un unique élément thématique peut être exprimé par de multiples passages, que ceux-ci soient formés ou non en eux-mêmes de figures (par exemple diverses métaphores animales pour un même comportement social humain dans des fables ou dans des romans). La répétition est donc la figure qui conditionne tout discours.
REPETITION nom fém. — Procédé consistant à employer plusieurs fois un terme de manière à souligner celui-ci. ÉTYM. : du latin repetitio. EXEMPLE : « Tes yeux ta lèvre ta narine L’intérieur de ta poitrine L’air même y viendra les ronger Tu respireras le danger Alerte alerte alerte aux gaz. » Aragon, Le Roman inachevé Autre exemple emprunté à Hugo (Religions et religion) : « Et dire que la terre est tout entière en proie Aux affirmations de ces prêtres sans joie, Sans pitié, sans bonté, sans flambeau, sans raison, Dont l’ombre, l’ombre, l’ombre et l’ombre est l’horizon. »


Répétition. Reprise d’une même unité, son, morphème, mot, groupe de mots, vers, etc. On ne traitera ici que des répétitions de mots et de groupes de mots, les autres étant traitées avec les sonorités ou le vers. Les répétitions aléatoires apparaissent sans régularité dans un texte : Elle l’accueillit avec un sourire divin aussitôt suivi d’un baiser sur la main. Baiser qui n’était plus qu’un rite, pensa-t-il. (A. Cohen, Belle du Seigneur') mais les répétitions sont souvent couplées avec des unités grammaticales (les cola ou colons, membres de phrase en prose) ou métriques. On distingue alors selon leur place l’anaphore (la répétition se produit en début d’unité) : Terrible, ce regard de bonne foi. Terrible, sa certitude qu’il était attendu avec impatience. (A. Cohen, Belle du Seigneur) l'épiphore (elle se produit en fin d’unité) : Moi, j’ai pris charge de l’écrit, j’honorerai l’écrit. (Saint-John Perse, Amers) la redditio où les éléments répétés encadrent l’unité : L’Année dont moi je parle est la plus grande Année : la Mer où j’interroge est la plus grande Mer. (Saint-John Perse, Amers) l’anadiplose, où les mots sont en contact :
Tous les jours nos regards Vont des Alpes au Gard Du Gard à la marine (Apollinaire, Je t’adore mon Lou) la succession de plusieurs anadiploses constituant la concaténation. Comme dans tous ces exemples, les répétitions peuvent jouer sur la totalité d’un signe. Elles peuvent ne porter que sur le signifié ou le signifiant. Dans le premier cas, on passe de la geminatio, où des termes synonymes sont repris : Appelez ce devoir haine, rigueur, colère; Pour gagner Rodogune il faut venger un père. (Corneille, Rodogune) à l’accumulation et à l’énumération. Dans le second, on citera l'antanaclase (succession de termes homonymes, ou d’un même terme avec des sens différents) : Qui se donnaient licence par le monde - ô monde entier des choses -(Saint-John Perse, Vents) la paronomase où les signifiants diffèrent sur un ou plusieurs points : Ha! qu’on m’évente tout ce loess! Ha! qu’on m’évente tout ce leurre! (ibid.) l’une comme l’autre pouvant être à la source de jeux de mots. Avec le polyptote, on reprend un même mot avec une flexion différente : BÉRÉNICE Vous ne comptez pour rien les pleurs de Bérénice. TITUS Je les compte pour rien ? Ah ciel ! quelle injustice ! (Racine, Bérénice) Le polyptote se distingue de là dérivation, qui joue également sur la morphologie, mais où un mot est repris par un dérivé : L’homme, quelque plein de tristesse qu’il soit, si on peut gagner sur lui de le faire entrer en quelque divertissement, le voilà heureux pendant ce temps-là; et l’homme, quelque heureux qu’il soit, s’il n’est diverti et occupé par quelque passion ou quelque amusement qui empêche l’ennui de se répandre, sera bientôt chagrin et malheureux. (Pascal, Pensées) Les fonctions des répétitions sont multiples, de l’insistance au jeu, en passant par le rôle de charpente dans certains textes. La répétition participe à la création de la langue poétique, dont plusieurs contraintes comme le mètre et la rime, s’appuient sur elle. Le rythme, enfin, est lui aussi fondé sur la répétition. Présente dans la plupart des conduites de l’homme, la répétition apparaît comme un élément structurant. Elle est aussi à la base de certaines conduites pathologiques.

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