Tunisie (1986-1987)
Publié le 27/09/2020
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Tunisie (1986-1987)
La Tunisie de Habib Bourguiba a semblé poursuivre sa marche inéluctable vers une
crise majeure.
Chute économique, bien sûr, mais aussi montée des périls mettant
en cause ce qu'il est convenu d'appeler les "acquis" capitaux et indiscutés du
bourguibisme.
Depuis la fin de 1985 en fait, avec le démantèlement sous la
houlette du Premier ministre Mohamed Mzali de la forteresse syndicale l'Union
générale des travailleurs tunisiens (UGTT) et l'emprisonnement de son leader
Habib Achour, la roue de la démocratie tourne à l'envers.
Au phénomène
d'élimination, voire de persécution d'hommes qui ont participé à la gestion du
régime ; à l'exclusion des nouvelles générations, est venue s'ajouter en effet
l'érosion progressive et systématique de tous les contrepoids au monopole
écrasant de l'État.
Au printemps 1986, Mohamed Mzali, l'homme de tant d'espoirs, se retrouvait à la
tête d'un gouvernement qui faisait saisir les journaux et incarcérer les rivaux.
La disgrâce de Wassila Ben Ammar, épouse du président, avec laquelle il
entretenait de fort mauvaises relations (Bourguiba a divorcé officiellement le
11 août 1986), laissait entrevoir au dauphin officiel les plus belles
perspectives.
En juin, le douzième Congrès du Parti socialiste destourien
consacrait sa position d'héritier politique.
Mais le vide allait se faire autour
de lui.
Trois semaines plus tard, le 8 juillet, c'était la chute.
Un économiste
technocrate sans "base" ni profil politique, Rachid Sfar, lui succédait.
Et le 3
septembre, craignant pour sa liberté, Mohamed Mzali s'enfuyait clandestinement
de Tunisie et se réfugiait en Suisse.
L'attention de l'opinion tunisienne s'est portée sur les activités des militants
islamistes.
La mise en résidence surveillée, puis l'arrestation de Rached
Ghannouchi, leader du Mouvement de la tendance islamique (MTI), ont déclenché à
travers tout le pays une vague de manifestations qui à leur tour ont entraîné
une répression sans équivalent depuis l'indépendance.
Les procès se sont
multiplié et, le 26 mars 1987, à la suite de la découverte d'un "réseau
khomeyniste portant atteinte à la sécurité de l'État", deux cent trente-sept
membres du MTI ont été arrêtés.
Militants, sympathisants, simples relations: le
nombre des incarcérations a bientôt dépassé les cinq cents et, pour les juger,
un décret en date du 15 avril a reconstitué la Cour de sûreté de l'État.
Parallèlement, toutes les voix discordantes allaient être l'une après l'autre
bâillonnées: les journaux d'opposition ont suspendu leur parution, la Ligue des
droits de l'homme a été persécutée et les médias étrangers jugés irrévérencieux
- Jeune Afrique notamment - interdits.
Le 23 avril 1987, de violents
affrontements ont opposé, dans le centre de Tunis, un millier d'islamistes aux
forces de l'ordre.
Les incidents de ce type sont devenus quotidiens pendant le
mois de ramadan et au-delà, non seulement dans la capitale, mais aussi à Gabès,
Gafsa, Sousse, Kairouan.
L'incertitude du lendemain est totale, et la
démobilisation des responsables est complète.
Autour d'un président qui n'en
finit plus de vieillir, le plus inquiétant reste l'incapacité de la classe
politique à se ressaisir et ces jeux empoisonnés du sérail auxquels se livre
l'entourage du chef de l'État, obnubilé par une succession à l'ordre du jour
depuis plus de dix ans....
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