Suisse (1985-1986)

« Suisse (1985-1986) Les banquiers suisses affichaient, à l'heure des bilans de l'année 1985, une satisfaction sans partage: "Jamais encore dans toute l'histoire du système bancaire (suisse), autant de bénéfices ont été enregistrés sur presque tous les fronts", constatait la Neue Zürcher Zeitung.

En effet: la Banque populaire suisse faisait état, pour 1985, de bénéfices nets de 34,8% et la Banque Leu, la moins bien dotée, de "seulement" 17%. Quand la banque va, tout va et les secteurs clés de l'économie ont enregistré des performances qui indiquent une nette progression par rapport à 1984: au cours des neuf premiers mois de 1985, le volume des exportations a progressé de 15% dans le secteur de l'horlogerie.

L'industrie pharmaceutique a marqué une hausse de 10,4% au cours de la même période (2,7% en 1984).

Sur l'ensemble de l'année 1985, la vente des ordinateurs a augmenté de 10%.

Le tourisme s'est également redressé: au cours de la saison d'hiver 1984-1985, le nombre des nuitées s'est accru de 2,1%.

Globalement, les investissements d'équipement ont progressé de 4% en 1985 et les exportations de 10,6% au cours des dix premiers mois de la même année. Tous les secteurs n'ont pas eu des bilans aussi satisfaisants: l'industrie du bâtiment stagne, la production de l'aluminium connaît une crise entraînant restructurations et licenciements. Officiellement, le chômage affecte moins de 1% de la population active.

Mais l'on ne peut faire abstraction du fait qu'au cours de l'année 1985, une bonne partie de ce chômage a continué d'être "exportée" par une politique de licenciement et de renvoi au pays des immigrés employés dans les secteurs en crise ou en restructuration. En 1985, le taux d'inflation s'est maintenu à 3,4%. Le 14 octobre 1985, la Tribune de Genève publiait en première page un dessin représentant une ville entourée de barbelés et hérissée de pancartes: "Ville piégée!", "Étranger passe ton chemin!", "Propriété privée", etc.

C'était là le plus éloquent des commentaires du triomphe que venaient de remporter aux élections communales les "Vigilants" (extrême droite xénophobe): conquérant 19 sièges sur 100, ils devenaient, après les libéraux, le deuxième parti au Parlement genevois, devançant le Parti socialiste (18 sièges) et reléguant bien loin communistes et écologistes (8 sièges chacun). Dix jours plus tard, l'Action nationale, version vaudoise des Vigilants, remportait un succès comparable à Lausanne, Nyon et d'autres communes du canton de Vaud.

Tandis que la gauche traditionnelle reculait spectaculairement, elle emportait 16 sièges sur 100 et battait les écologistes (12 sièges). Si cette percée électorale de l'extrême droite xénophobe demeure encore limitée aux cantons de Genève et de Vaud, elle n'en constitue pas pour autant un "accident" imprévisible.

Le nationalisme et le racisme primaires qui s'y donnent libre cours sont entrés en résonance avec nombre de mesures administratives qui ont, elles aussi, amplement contribué à développer en Suisse un climat xénophobe: expulsion manu militari de 59 réfugiés zaïrois vers Kinshasa (3. »