RIMBAUD, Arthur
Publié le 16/05/2020
Extrait du document
«
RIMBAUD
1854-1891
TouT le monde connaît Rimbaud, et nul ne sait rien de lui.
Une image légendaire, qui tend à
bientôt devenir une icône, voilà le Rimbaud qui encombre les manuels, les livres d'histoire et de
morceaux choisis.
On en a fait le fondateur d'un ordre quasi religieux, le fameux « ordre » symboliste : il a
suffi de
deux beaux contre-sens, l'un sur Bateau ivre, l'autre sur les Voyelles.
Bien éloigné de repré
senter un poème symboliste, le Bateau ivre n'est qu'un lieu commun de la poésie parnassienne ;
lisez
le Parnasse contemporain : ce ne sont que bateaux saouls.
Quant aux Voyelles, dont on fait le
manifeste, ou l'évangile,
de la prétendue audition colorée, lisez-les avec soin : les vers qui sont
censés illustrer
la voyelle U ne contiennent que des 1 :
ainsi des autres ...
Alors!
U cycles, vibrements divins des mers virides,
Paix
des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux
On en a fait un demi-dieu de la secte surréaliste : en isolant de l'œuvre entier certains poèmes,
les Mains de Jeanne-Marie, par exemple; en divulguant plusieurs documents inconnus, Obscur et
froncé,
Un cœur sous une soutane, par autre exemple, Aragon et Breton dressent Arthur Rimbaud
contre les trois tabous qu'il s'agit de violer : la religion catholique, l'amour de la patrie et la morale
sexuelle.
Mais leurs disciples atténuent la virulence de ces textes et s'efforcent d'attirer le poète
vers
la Cabbale et la Magie, moins directement dangereuses à nos sociétés.
On en a fait un catholique : sa vie (qu'on réduit à deux anecdotes suspectes : l'affaire du sale
petit cagot, et la prétendue mort chrétienne) devient celle d'un fils repenti, puis d'un saint, para
state de sainte Jeanne d'Arc, frère de sainte Thérèse d'Avila, annonciateur de la petite sainte
Thérèse de Lisieux.
On en a fait un fasciste, un bon Germain, un vrai Celte, l'anti-Virgile; on en a fait un com
munard, un communiste, un stalinien; on en a fait un bon bourgeois et de son existence une vie
vraiment « charmante » (à cet homosexuel, on prête jusqu'à six maîtresses; il n'est point mort
de sa vérole, mais d'une synovite, d'une gangrène, ou d'une piqûre d'épine); on en a fait un vrai
voyou, le
parangon des pervers, le héros de la drogue.
Plus récemment, Albert Camus a salué en Rimbaud un « aventurier de l'absurde »;Jean
Paul Sartre, un poète existentialiste qui « se choisit » dans « l'angoisse >>; Isidore Isou, l'arrière
grand-père du lettrisme.
272
,
Pans..
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