Peut on renoncer à la vérité ?
Publié le 20/11/2021
Extrait du document
«
Introduction
Centrage : On admet volontiers que l'homme est en quête de vérité, quel
qu'en puisse être le domaine, et qu'il ressent même un « devoir de vérité
».
Comment, dans un tel contexte, penser qu'il
peut être possible de renoncer à la vérité ?
Problématique : Si nous renonçons à la vérité, c'est-à-dire à la formuler
alors que nous la connaissions, c'est sans doute que nous y sommes
amenés par des circonstances relativement exceptionnelles.
L'intérêt peut
y intervenir, qu'il soit personnel ou politique, mais aussi la peur d'un
pouvoir qui nous contraint à nous taire ou à mentir : toutes les variantes
du mensonge peuvent se manifester, même si, d'un point de vue moral il
reste prohibé.
Mais n'y a-t-il pas des exceptions à cette interdiction ? La
vérité, ainsi maltraitée, disparaît-elle pour si peu ? Il existe, par chance,
des moyens de la « sauver » - et celui qui a menti peut un jour la formuler
enfin.
I.
Ne renonce-t-on pas fréquemment à la vérité par intérêt ?
A.
Comment échapper à une culpabilité ?
Si j'ai mal agi, je peux être tenté de ne pas le dire, ou de le nier.
Cette
capacité, dès l'enfance, met à profit l'indépendance du langage
relativement aux faits.
Il est plus rare que l'on en vienne à nier, par excès
de modestie, avoir bien agi ! C'est que le mensonge semble proposer une
issue plus intéressante dans une situation négative.
J'ai parfaitement
conscience d'avoir menti, d'avoir dissimulé la vérité, mais mon intérêt
immédiat m'y incite : j'éviterai ainsi quelques ennuis, des reproches, ou
une condamnation plus sérieuse.
Mais je peux aussi espérer obtenir des
avantages : en cas de tricherie scientifique ou de plagiat, l'intérêt
concerne le financement, ou la carrière.
Quant aux éventuels remords, j'en
fais mon affaire puisqu'ils restent muets.Le recours à ce genre de
mensonge va de la peccadille au crime sérieux.
Il est évidemment l'objet
d'une condamnation morale : d'un point de vue kantien, on ne peut pas
donner au mensonge une valeur de loi univer-selle, puisque dans ce cas, la
vérité deviendrait introuvable.
Mais lorsque l'intérêt qui est en jeu semble
de poids, il est toujours facile de transgresser l'interdit.
B.
La vérité ne peut-elle être dangereuse ?
Au-delà de ces cas où le menteur pense à son intérêt à plus ou moins long
terme, on peut être amené à renoncer à la vérité dans des situations où sa
formulation deviendrait trop dangereuse.
Dénoncer les méfaits d'un tyran
peut entraîner pour un opposant politique ou un journaliste la mise en jeu
de sa vie.
On se tait alors par prudence, qui est une forme de l'intérêt, ou
l'on parle en essayant à tout prix de rester inconnu.
Mettre la vérité en
circulation suppose qu'un locuteur soit repérable, comme auteur
(officiellement garant) du discours.
Parler anonymement n'est pas, au sens
strict, renoncer à faire connaître la vérité, mais c'est renoncer à faire
savoir qu'on la connaît personnellement.
« Toute vérité n'est pas bonne à
dire » trouverait ici une justification.
Il en est une autre, classique et
concernant cette fois l'auditeur : peut-on renoncer à dire la vérité à un ami
que l'on sait condamné par sa maladie ? Se taire, c'est peut- être le priver
de sa lucidité, mais c'est aussi lui épargner la conscience de sa fin.
»
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