Ma Bohême, analyse linéaire
Publié le 22/12/2025
Extrait du document
«
Phrase d’accroche
Le sonnet est une forme poétique de tradition très contrainte.
Pourtant, lorsqu’il fugue pour s’émanciper du carcan maternel et
social, c’est cette forme que choisit Arthur Rimbaud pour
composer ses premiers poèmes.
Comme Baudelaire avant lui, il s’empare d’une forme ancienne
pour y souffler un vent de liberté et exprimer sa rebellion.
Présentation de l’auteur
La courte vie d’Arthur Rimbaud est bien celle d’un rebelle, d’un
poète qui refuse les conventions et les compromis.
En seulement quelques années, de l’adolescence à ses vingt-et-un
ans, il secoue la poésie.
Enfant sage, bon élève, il brille principalement dans les disciplines
littéraires.
C’est sa rencontre avec son professeur Georges
Izambard qui va le pousser à s’intéresser à la littérature en tant
qu’artiste.
Commence une quête de liberté pour le jeune Rimbaud.
Quête qui
s’exprime par des fugues répétées, et par une volonté de
révolutionner le langage poétique.
Finalement, après des années chaotiques passées aux côtés de Paul
Verlaine, à écrire et à vivre follement, Arthur Rimbaud décide
d’arrêter définitivement la poésie.
L’auteur des Illuminations choisit de voyager et de vivre du
commerce – et même du trafic d’armes – avant de mourir,
quelques années plus tard, d’une tumeur au genou.
Présentation de l’oeuvre
Le poème « Ma bohème » se trouve dans la seconde partie du
premier recueil d’Arthur Rimbaud : Cahier de douai.
Ce recueil
dont Rimbaud écrit les poèmes à l’occasion de ses fugues en 1870
ne sera publié qu’après sa mort, en 1919.
Présentation du poème
Dans « Ma bohème » Arthur Rimbaud prétend conter – de
manière autobiographique ? – une fugue, une errance en pleine
nature.
Pourtant, derrière ce thème du bohémien démuni mais en
harmonie avec la nature, c’est un véritable art poétique que nous
offre le jeune poète.
Le sonnet, plein de références directes à la poésie, fait place belle
aux audaces poétiques et langagières.
Il revendique une liberté
autant physique que poétique.
Problématique
Pour guider notre explication du poème, nous nous
demanderons quel image ce sonnet donne de la liberté.
Plan
Pour mener cette analyse linéaire du poème « Ma bohème »
d’Arthur Rimbaud, nous suivrons le mouvement naturel du texte
en adoptant un découpage par strophe.
La première strophe introduit l’errance physique du poète.
Les
strophes 2 et 3 insistent sur le lien du poète avec la nature.
Enfin,
la dernière strophe montre le poète dans un processus de
création.
Ma bohème
Je m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J’allais sous le ciel, Muse, et j’étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
Des rimes.
Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon cœur !
Ma bohème analyse linéaire :
Strophe 1
Les premiers mots du poème expriment l’errance.
En effet, le
verbe de mouvement « s’en aller » n’est pas accompagné d’un
complément circonstanciel de lieu.
On comprend donc que la
destination ne compte pas.
Le poète, qui s’exprime à la première personne ( « je » ; « mes »
), adopte une attitude décontractée : « les poings dans mes poches
trouées ».
Il apparaît donc qu’il est habitué de ce genre d’errances
et y trouve un certain plaisir.
L’habitude transparaît également dans le temps qui domine
l’ensemble du poème : l’imparfait à valeur itérative (d’habitude,
de répétition) « allais » ; « devenait » ; « allais » ; « étais » etc.
Pourtant, ce qui apparaît également dès le premier vers, c’est que
le personnage se trouve dans un certain dénuement : ses poches
sont « crevées » ; son paletot devient « idéal » (vers 2), ce qui
signifie qu’il est en si mauvais état qu’il n’est plus qu’une idée.
Ainsi, même si le poète semble souffrir de pauvreté, son errance
lui procure une aisance et un plaisir lui faisant oublier ses
problèmes.
On peut noter l’allitération en -m (« m’en » ; « mes » ; « mon » ;
« Muse » ; « amours ») dans l’ensemble de la strophe qui véhicule
un sentiment de douceur et de confort en contradiction avec les
difficultés matérielles.
Au vers 3, la périphrase « sous le ciel », en position de
complément de lieu indique que l’errance du poète a lieu en
extérieur.
L’imprécision de la localisation confirme que la
destination n’a pas d’importance tant qu’il peut rester en extérieur,
c’est à dire proche de la nature.
Cela lui permet de se rapprocher de la « Muse » qu’il apostrophe,
figure de l’inspiration poétique.
On remarque qu’il se permet le
tutoiement d’une figure d’habitude très respectée par les poètes :
« j’étais ton féal ».
Cette légère impertinence illustre parfaitement la rebellion du
jeune Rimbaud, mais également la relation privilégiée qu’il noue
avec la poésie.
Ce tutoiement peut également être lu comme une forme
d’allégresse due à la jeunesse du poète.
Cette lecture se confirme
grâce aux exclamations du vers suivant : « Oh ! là là ! que
d’amours splendides j’ai rêvées ! »
On voit très bien que le personnage / poète se laisse emporter par
sa fougue et le bonheur qu’il ressent à errer librement dans la
nature.
Autre phénomène intéressant, dans la strophe 1 ainsi que dans la
strophe 2, les auxiliaire être et avoir s’entrecroisent : « j’étais ton
féal » (v.3) / « avait un large trou » (v.5) ; « Mon auberge était à
la Grande-Ourse » (v.7) / « avaient un doux frou-frou » (v.8).
On peut penser que le poète veut montrer qu’être est plus
important qu’avoir.
Donc qu’il préfère vivre libre dans le
dénuement, qu’opprimé dans l’opulence.
Enfin, observons les deux mots à la rime des vers 1 et 4 :
« crevées » / « rêvées ».
On peut comprendre ici que le pouvoir de
l’imagination remplace les contraintes matérielles.
En effet, ses
« poches crevées » sont remplacées par des « amours splendides
(…) rêvées .
»
Ainsi dans cette strophe, le poète nous livre l’image d’un
personnage pauvre, mais heureux dans la simplicité et la liberté de
son errance.
Ma bohème analyse linéaire :
Strophes 2 et 3
Le premier vers de la seconde strophe vient confirmer cette
pauvreté matérielle : « mon unique culotte avait un large trou ».
D’une part le personnage ne possède qu’une « unique culotte » qui
d’autre part est trouée.
La métaphore du « Petit-Poucet rêveur » au vers suivant est
intéressante car elle permet de filer le thème de la pauvreté (le
Petit-Poucet est issu d’une famille pauvre) tout en introduisant
l’idée que la poésie est son guide.
Dans le conte original, le Petit-Poucet sème des miettes de pain
pour retrouver son chemin.
Ici, le poète laisse derrière lui « des
rimes ».
Il insiste sur cet élément en le plaçant au centre du poème
(vers 7 sur 14) et en le rejetant grâce à un procédé
d’enjambement.
Donc, comme le Petit-Poucet, Rimbaud aurait fui sa famille.
Mais
il laisse derrière lui quelque chose de bien plus durable que des
miettes de pain : de la poésie.
On retrouve dans cette strophe l’idée d’euphorie et d’allégresse
introduite dans la première strophe.
En effet, le poète évoque sa
« course », comme s’il courait sans but.
La métaphore du vers 3 « Mon auberge était à la Grande-Ourse »
suggère qu’il dort à la belle étoile.
Il renforce ainsi à la fois le
sentiment de liberté et l’idée de pauvreté.
Cependant, le fait de dormir dehors lui permet surtout de trouver
l’inspiration poétique.
Il voit naître des correspondances entre
les sens en s’appropriant la nature : « Mes étoiles », ici le pronom
possessif de première personne montre qu’il se sent en harmonie
avec le ciel.
Le fait qu’il évoque les étoiles normalement perçues avec la vue
grâce au toucher (« un doux frou-frou ») montre qu’il est capable
de s’approprier la nature, et surtout de percevoir et ressentir les
choses différemment.
C’est pour lui le propre du poète, la création de correspondances
entre les sens et l’expression grâce au langage écrit d’une
perception....
»
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