Les prescriptions morales ne sont-elles, par nature, que des interdictions ?
Publié le 16/05/2020
                            
                        
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                                                                    Ainsi elle prescrit, selon les temps et les lieux, des règles de conduitepermettant au sujet  de vivre  « en  harmonie  » avec  ses partenaires.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le contenu  des prescriptions  morales évoque des devoirs  quiincombent  au sujet.
                                                            
                                                                                
                                                                     Et ces  devoirs  se laissent  saisir sur le mode  injonctif  de l'interdiction.
                                                            
                                                                                
                                                                     D'où le « tu  ne  tueras  point », un  descommandements divin, qui exhorte tout sujet à ne pas ôter la vie, même celle de son pire ennemi.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ce qui nous est interdit nous donneen même temps ce qui ne l'est pas, et toute règle morale doit indiquer, par l'affirmative ou par la négative, un comportement à suivre.Ainsi l'obligation est de mise, et présente le caractère de l'universalité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais il y a des conflits chez l'homme, entre ce que la morale luiindique, et la manière dont il peut se comporter vis-à-vis de circonstances concrètes.
                                                            
                                                                                
                                                                        I.
                                                            
                                                                                
                                                                    Y a t-il une morale pure, inconditionnée ?             	a.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le devoir devient central dans l'interprétation kantienne de la moralité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Avec 	Kant	, les moralistes s'étaient plus préoccupés des fins	de la vie morale, de ce qu'elle permettait d'espérer ou d'obtenir.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi, pour les eudémonistes, il s'agissait du bonheur ; et 	Aristote	 dira	que  « l'homme  vit pour être heureux  ».
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour les  autres, les  hédonistes, il  convenait de privilégier le plaisir (épicuriens).
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour  Kant, lebonheur est un but trop élevé.
                                                            
                                                                                
                                                                     Il est plus simple selon  lui de repérer  ce qui nous fait agir  moralement  dans la conscience du  devoir,puisque les formules dans lesquelles s'énonce la moralité, et très quotidiennement, consistent en des interdictions (il ne faut pas) ou enordres (il faut).
                                                            
                                                                                
                                                                         	b.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ces  principes,  nous les accueillons  selon deux modalités  : ils  peuvent  en effet  prendre  l'aspect de 	maximes	, ou  de lois.
                                                            
                                                                                
                                                                     Les	maximes semblent  proposer une version du devoir  qui se trouve immédiatement à  la portée d'un sujet, tandis que  les lois, en raisonmême de leur universalité, peuvent sembler trop lointaines à un sujet qui n'est pas seulement raison, mais qui a aussi des penchants,une affectivité.
                                                            
                                                                                
                                                                    C'est à ces derniers que s'adressent les maximes, et les bonnes sont celles qui sont universalisables, qui ont force de loi.Ainsi 	Kant	 formulera le devoir à la lumière de deux types de maxime.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il présente d'un côté « l'impératif hypothétique », qui énonce une	condition à l'action (si tu veux la paix, prépare la guerre), et subordonne ainsi le comportement à un but qui serait bon en lui-même.
                                                            
                                                                                
                                                                    Maisla formule authentique du devoir se trouve dans « l'impératif catégorique », puisqu'il ne considère pas de fins à poursuivre.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il vaut par saforme seule,  c'est-à-dire  par l'obligation  non conditionnée,  qui est celle  de l'universalité,  c'est-à-dire de la loi.
                                                            
                                                                                
                                                                     Les 	Fondements  de la	métaphysique des mœurs	 en donnent  une formule : « Agis  uniquement d'après la maxime qui fait  que tu peux vouloir en même temps	qu'elle devienne une loi universelle ».
                                                            
                                                                                
                                                                        c.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le fondement de la moralité doit être pour 	Kant	 trouvé dans l'autonomie de la volonté.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cette dernière n'obéit qu'à une loi formulée	par le sujet lui-même grâce à sa seule raison.
                                                            
                                                                                
                                                                    La forme de cette loi en garanti immédiatement l'universalité.
                                                            
                                                                                
                                                                    La devoir est ainsi le mêmepour tous, et en prendre conscience nous fait participer à l'humanité conçue comme totalité unifiée : « chaque homme trouve en sa raisonl'idée du devoir et tremble lorsqu'il entend sa voix d'airain pour peu que s'éveillent en lui des penchants qui lui donnent la tentation del'enfreindre » (Kant, 	D'un ton grand seigneur adopté naguère en philosophie	).
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi l'expérience morale est avant tout celle d'un conflit entre les	aspirations de notre nature  sensible qui se rejoignent confusément dans le désir  du bonheur, et « la voix d'airain du devoir » qui nousappelle catégoriquement à satisfaire à d'autres exigences.
                                                            
                                                                                
                                                                       II.
                                                            
                                                                                
                                                                    la morale spontanée      	a.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le devoir concerne la volonté.
                                                            
                                                                                
                                                                    En ce sens, ce que je dois faire implique que je puisse ne pas le faire.
                                                            
                                                                                
                                                                    Kant se verra être critiqué par	B.
                                                            
                                                                                
                                                                    constant	 sur le mensonge.
                                                            
                                                                                
                                                                    Faut-il se soumettre sans conditions à l'interdiction de mentir et dire à un meurtrier qui poursuit un de nos	amis qu'il s'est  réfugié  dans une maison  voisine ? Pour  B.
                                                            
                                                                                
                                                                    Constant,  la règle  morale  doit être  subordonnée  à la  considération  desconséquences de son application.
                                                            
                                                                                
                                                                    Pour Kant, la véracité (l'intention de dire la vérité) est un devoir en soi.
                                                            
                                                                        
                                                                    Toute exception met la règle devéracité en contradiction avec elle-même, c'est-à-dire nie sa valeur de règle.
                                                            
                                                                                
                                                                    	J.
                                                            
                                                                                
                                                                    P.
                                                            
                                                                                
                                                                    Sartre	 présente un autre exemple de conflit moral, celui	d'un jeune  homme  partagé  entre le devoir  patriotique,  qui lui commande  d'abandonner  la France  occupée  pour rejoindre  les ForcesFrançaises  libres, et le devoir  filial, en vertu  duquel  il doit  rester  auprès  de sa mère  et l'aider  à vivre  (cf.
                                                            
                                                                                
                                                                    	L'existentialisme  est un	humanisme	).
                                                            
                                                                                
                                                                    Il  y a la possibilité pour  l'homme d'enfreindre une  interdiction, s'il pense que son penchant, lors d'une  situation, est plus	honorable.
                                                            
                                                                                
                                                                        b.	 Il se  pose  aussi un  conflit à travers la notion  de « Surmoi  » posée par 	Freud	.
                                                            
                                                                                
                                                                    En effet,  le surmoi est  cette instance  psychique	contenant les règles  de conduites  morales issues de l'éducation.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi  la « voix  de la conscience  » est  la voix  de l'interdiction  de secomporter  à l'encontre  des normes  sociales  et parentales  établies.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le sujet,  toujours  poussé par la détermination  dynamique de sespulsions (inconscientes), doit ainsi faire l'effort de les retenir, les maintenir fermement en dehors de la conscience.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi certains de sesdésirs seront réprimés par la redoutable loi du surmoi qui désigne cette « bonne conscience » tournée vers le bien.
                                                            
                                                                                
                                                                        c.	 La tradition judéo-chrétienne présente bien le caractère interdisant des prescriptions morales : tu ne tueras point, tu ne voleras point,	etc.
                                                            
                                                                                
                                                                    Autrement,  Jésus dira de donner sa joue gauche si on nous gifle la droite, et ce afin d'expliquer de manière détournée que la loi dutalion (œil  pour œil, dent pour  dent) n'est  pas de mise,  et qu'on ne doit pas avoir recours  à la vengeance, à  la violence.
                                                            
                                                                                
                                                                    Car c'est auregard de Dieu qu'il est nécessaire d'approuver ses interdictions.
                                                            
                                                                                
                                                                    La violence sauvage ne peut permettre de fonder une harmonie parmiles hommes, d'où ces préceptes moraux permettant de réguler les instincts de violence de chacun.
                                                            
                                                                                
                                                                        d.	 E.
                                                            
                                                                                
                                                                    Lévinas	 montrera que  le visage d'autrui nous  invite à une  considération morale  hautement divine.
                                                            
                                                                                
                                                                    En effet, le visage nu  est	l'indice pour moi de l'Autre infini, absolu, et me commande de ne pas lui faire de mal.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ainsi le visage d'autrui porte en lui ces prescriptionsinconditionnées, que sont le « tu ne tueras point » etc.
                                                            
                                                                                
                                                                    Chacun est donc infiniment responsable par rapport à l'autre, à sa fragilité.
                                                            
                                                                                
                                                                     Pour Lévinas, l'éthique est la « voie royale vers l'absolument autre » (Préface).
                                                            
                                                                                
                                                                    En effet, le désir d'infini n'est pas un désir au sens habituelet négatif de manque mais une expérience sans retour possible de soi vers l'autre, du familier vers l'étranger.
                                                            
                                                                                
                                                                    Car « l'absolument autre,c'est autrui » (Rupture de la totalité), autrui n'est donc pas la négation de moi-même, ce qui impliquerait encore une relation d'identité,mais il est positivement «  l'absolument autre ».
                                                            
                                                                                
                                                                     Autrui me révèle le sens de l'éthique comme « rapport non allergique du  Même et del'Autre » (L'Être comme bonté).L'éthique trouvant son sens premier dans la relation de face à face, elle présuppose une ouverture à « l'absolument autre » que seul levisage d'autrui  permet d'entrevoir.
                                                            
                                                                                
                                                                     L'éthique est bien  originellement  une « optique  » mais  sans image,  car la vision  est encore  unetotalisation.
                                                            
                                                                                
                                                                    Or le visage empêche le regard de se fixer, il nous tourne vers un au-delà, un ailleurs ; il figure « l'infiniment autre » qu'on neparviendra jamais à totaliser.
                                                            
                                                                                
                                                                    Le visage d'autrui se donne à voir comme « révélation » de l'Autre dans sa nudité et sa fragilité.
                                                            
                                                                                
                                                                    Il m'appellealors à la responsabilité infinie devant lui.
                                                            
                                                                                
                                                                    Conclusion      Les prescriptions morales entendent bien attribuer une conduite à l'homme.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais celui-ci a la possibilité d'enfreindre la règle s'ilconsidère que son agir en vertu de la morale établie ne sera pas profitable, ou bénéfique.
                                                            
                                                                                
                                                                    Les prescriptions morales doivent être alorsprises comme règle de prudence, de conduites raisonnées.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais il semble qu'elles ne peuvent annuler la volonté du sujet.
                                                            
                                                                                
                                                                    Cesinterdictions, qui structurent toutes sociétés, régulent les comportements, et affermissent le lien social.
                                                            
                                                                                
                                                                    Dès lors, les prescriptions peuventêtre conduites à la lumière des hommes, et non à celle d'un principe transcendant.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mais il y a incontestablement une forte adhésion dusujet à ces règles qui ont parcouru toutes sociétés depuis l'aube des civilisations..
                                                                                                                    »
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