Lecture analytique de Rousseau, extrait des Confessions
Publié le 22/05/2020
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Séquence 1Séquence 1
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lecture analytique de Rousseau, lecture analytique de Rousseau,
extrait des Confessionsextrait des Confessions
« «
Je d éclare à la face du Je d éclare à la face du
ciel que j’en
étais innocent…ciel que j’en étais innocent…
»»
TexteTexte
::
« Je déclare à la face du ciel que j’en étais innocent… »
J’ étudiais un jour seul ma leçon dans la chambre contiguë à la cuisine .
La servante avait mis sécher
à la plaque les peignes de Mlle Lambercier.
Quand elle revint les prendre, il s'en trouva un dont tout
un côte de dents était brisé.
A qui s'en prendre de ce dégât ? Personne autre que moi n’était entré
dans la chambre.
On m'interroge ; je nie d'avoir touché le peigne, M.
et Mlle Lambercier se réunissent,
m’exhortent, me pressent, me menacent ; je persiste avec opiniâtreté.
Mais la conviction était trop
forte remporta sur toutes mes protestations, quoique ce fût la première fois qu’on m’eût trouvé
tant d'audace à mentir.
La chose fut prise au sérieux; elle méritait de l'être.
La méchanceté, le
mensonge l'obstination parurent également dignes de punition : mais pour le coup ce ne fut pas par
Mlle Lambercier qu'elle me fut infligée.
On écrivit à mon oncle Bernard ; il vint.
Mon pauvre cousin
était chargé d'un autre délit non moins grave : nous fûmes enveloppés dans la même exécution .
Elle
fut terrible .
Quand, cherchant le remède dans le mal même, on eût voulu pour jamais amortir mes
sens dépravés, on n'aurait pu mieux s'y prendre.
Aussi me laissèrent-ils en repos pour longtemps.
On ne put m' arracher l'aveu qu'on exigeait.
Repris à plusieurs fois et mis dans l’état le plus affreux ,
je fus inébranlable.
J'aurais souffert la mort et j'y étais résolu.
Il fallut que la force même cédât au
diabolique entêtement d'un enfant ; car on n'appela pas autrement ma constance.
Enfin je sortis de
cette cruelle épreuve en pièces , mais triomphant.
Il y a maintenant prés de cinquante ans de cette aventure, et je n’ai pas peur d'être aujourd'hui
puni derechef pour le même fait.
Hé bien ! Je déclare à la face du ciel que j'en étais innocent, que
je n'avais ni cassé ni touché le peigne, que je n'avais pas approché de la plaque, et que je n'y avais
pas même songé.
Qu'on ne me demande pas comment ce dégât se fit; je l'ignore, et ne puis le
comprendre : ce que je sais très certainement, c'est que j'en étais innocent.
Qu'on se figure un caractère timide et docile dans la vie ordinaire, mais ardent, fier, indomptable
dans les passions ; un enfant toujours gouverné par la voix de la raison, toujours traité avec douceur,
équité complaisance ; qui n'avait pas même l'idée de l' injustice , et qui, pour la première fois, en
éprouve une si terrible, de la part précisément des gens qu'il chérit et qu'il respecte le plus.
Quel
renversement d'idées ! Quel désordre de sentiments ! Quel bouleversement dans son cœur, dans sa
cervelle dans tout son petit être intelligent et moral ! Je dis, qu'on s'imagine tout cela, s'il est possible ;
car pour moi, je ne me sens pas capable de démêler, de suivre la moindre trace de ce qui se passait
alors en moi.
Je n'avais pas encore assez de raison pour sentir combien les apparences me condamnaient, et
pour me mettre à la place des autres.
Je me tenais à la mienne, et tout ce que je sentais,
c'était la rigueur d'un châtiment effroyable pour un crime que je n'avais pas commis.
La douleur du corps,
quoique vive, m'était peu sensible, je ne sentais que l'indignation, la rage, le désespoir.
Mon cousin,
dans un cas à peu près semblable, et qu'on avait puni d'une faute involontaire comme d'un acte
prémédité, se mettait en fureur à mon exemple, et se montait, pour ainsi dire, à mon unisson.
Tous
deux dans le même lit nous nous embrassions avec des transports convulsifs, nous étouffions ; et
quand nos jeunes cœurs un peu soulagés pouvaient exhaler leur colère, nous nous levions sur notre
séant, et nous nous mettions tous deux à crier cent fois de toute notre force : Carnifex, Carnifex,
Carnifex.
Je sens en écrivant ceci que mon pouls s'élève encore ; ces moments me seront toujours présents
quand je vivrais cent mille ans, Ce premier sentiment de la violence et de l'injustice est resté si
profondément gravé dans mon âme, que toutes les idées qui s'y rapportent me rendent ma première
émotion ; et ce sentiment, relatif à moi dans son origine, a pris une telle consistance en lui-même, et
s'est tellement détaché de tout intérêt personnel, que mon cœur s'enflamme au spectacle ou au récit
de toute action injuste, quel qu'en soit l'objet et en quelque lieu qu'elle se commette, comme si l'effet
en retombait sur moi.
Quand je lis les cruautés d'un tyran féroce, les subtiles noirceurs d'un fourbe
de prêtre, je partirais volontiers pour aller poignarder ces misérables, dussé-je cent fois y périr.
Je
me suis souvent mis en nage, à poursuivre à la course ou à coups de pierre un coq, une vache, un
chien, un animal que j'en voyais tourmenter un autre, uniquement parce qu'il se sentait le plus fort
Ce mouvement peut m'être naturel, et je croîs qu'il l'est ; mais le souvenir profond de la première
injustice que j'ai soufferte y fut trop fortement lié pour ne l'avoir pas beaucoup renforcé.
Rousseau, Les confessions , Livre I.R
éfRéf
: p.1, texte 3: p.1, texte 3
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