Le théâtre de Giraudoux

« Jean Giraudoux, diplomate et romancier, avait quarante-six ans lorsqu'il fit ses débuts au théâtre; mais il s'imposa d'emblée.

Légèresou graves, presque toutes ses pièces furent des réussites, qui lui valurent d'accéder au premier rang parmi les écrivains dramatiquesde sa génération. La carrière de Giraudoux LE ROMANCIER Jean Giraudoux, né à Bellac, dans le Limousin, fit de brillantes études au lycée de Châteauroux, puis à l'École normale supérieure.

Ildébute en littérature avec ses spirituelles et frivoles Provinciales (1909).

L'année suivante, il entre au ministère des Affaires étrangères.

Dès lors, il mène de front sa carrière de diplomate et son activité d'écrivain.

Après la guerre de 1914-1918, où il sertcomme officier en France et en Orient, il compose des romans d'une substance un peu mince, mais riches d'intelligence subtile etd'humour gracieux (Simon le pathétique, 1918; Suzanne et le Pacifique, 1921; Siegfried et le Limousin, 1922; Juliette au pays des hommes, 1924; Bella, 1926). DU ROMAN AU THÉATRE : SIEGFRIED En 1927, Giraudoux publie, sous forme dialoguée, quelques pages de Siegfried et le Limousin.

Des amis l'encouragent à compléter cette adaptation : d'un roman sinueux, l'écrivain tire alors une pièce solidement charpentée, qui est mise en scène par Louis Jouvet enmai 1928. Siegfried. Après la guerre de 1914-1918, l'Allemande Eva a recueilli dans une gare de triage un soldat sans papiers et sans souvenirs.

Rééduqué,il est devenu un Allemand cultivé et il a connu une rapide ascension politique.

Le voici conseiller d'État et premier homme del'Allemagne nouvelle, dont il voudrait faire une république pacifique.

Le baron Zelten, attaché aux traditions de la vieille Allemagne, voiten lui un adversaire dangereux; ayant appris que Siegfried était avant la guerre un journaliste français nommé Jacques Forestier, il faitvenir de France son ancienne fiancée, Geneviève Prat.

Présentée à Siegfried, Geneviève lui donne des leçons de français.

Siegfriedentrevoit, puis découvre la vérité.

Après bien des hésitations, il se résout à quitter Éva et à suivre Geneviève, mais il unira désormaisen lui ses deux personnalités successives. LE DRAMATURGE Après le succès triomphal de Siegfried, Giraudoux compose encore quelques romans (Aventures de Jérôme Bardini, 1930; Combat avec l'ange, 1934; Choix des élues, 1938) et publie quelques études critiques (Les Cinq Tentations de La Fontaine); mais il se consacre surtout à la scène et jouit d'une vogue presque constante auprès du public.

Son talent s'exerce avec le même bonheur dans la fantaisieet dans la tragédie.

Amphitryon 38 (1929); Judith (1931), accueilli avec moins de faveur; Intermezzo (1933); Tessa, adaptation d'une pièce anglaise de Margaret Kennedy (1934); La Guerre de Troie n'aura pas lieu (1935); Électre (1937); Cantique des cantiques (1938); Ondine (1939) demeurent ses oeuvres maîtresses.

Une pièce en un acte, L'Impromptu de Paris (1937) où, selon l'exemple de Molière, il met en scène ses propres interprètes, illustre ses idées sur l'art dramatique.

Commissaire à l'Information en 1939-1940, il revient authéâtre après l'armistice : en 1943, il fait jouer Sodome et Gomorrhe.

Le 31 janvier 1944, Jean Giraudoux meurt à Paris; il laissait deux pièces importantes, La Folle de Chaillot (créée en 1945), Pour Lucrèce (créée en 1953) et une pochade, L'Apollon de Bellac. Une fantaisie : Intermezzo Un spectre a mis en révolution une paisible cité du Limousin.

Sous l'influence de cette puissance occulte, les enfants maltraités quittentleurs parents, les pauvres gens gagnent à la loterie, la mort s'empare des personnes les plus âgées, les plus avares et les plusacariâtres.

Ce spectre n'est visible que pour la charmante Isabelle, suppléante de l'institutrice : tous les jours, elle le rencontre aucrépuscule.

Pénétrée de ses enseignements, Isabelle initie ses élèves à une vision toute nouvelle et toute fraîche du monde : lesclasses ont lieu au grand air, les rebutantes sciences exactes font place à de gracieuses vérités approximatives, les leçons de moralesont remplacées par des fêtes printanières.

Le scandale ne peut durer.

Un inspecteur est chargé d'une enquête.

Les écoliers sontconfiés au contrôleur des poids et mesures; mais ce fonctionnaire est amoureux d'Isabelle et donne, lui aussi, un enseignement pleinde fantaisie.

L'inspecteur fait alors tuer le spectre, qui renaît sous la forme d'un beau sapin et continue à exercer sur Isabelle sonpouvoir de séduction.

Seul le contrôleur arrive, par la force de son amour, à libérer la jeune fille de ce pouvoir occulte.

Vaincu par unvivant, le spectre fait ses adieux à Isabelle, mais elle perd connaissance au cours de l'entretien.

Un droguiste conjure pour la réveillertous les bruits de la ville, Isabelle sort de son évanouissement et reprend contact avec la terre : elle se dispose à épouser le contrôleuret à devenir une femme raisonnable.

Tout rentre dans l'ordre :« L'argent va de nouveau aux riches, le bonheur aux heureux ».L'intermède est fini. Une tragédie : Électre. Agamemnon, le roi des rois, est mort dans des circonstances étranges.

Son épouse Clytemnestre s'est emparée du pouvoir encompagnie d'Egisthe.

Son fils, Oreste, en bas âge, a été envoyé hors du pays, tandis que sa fille Électre est demeurée à Argos.Plusieurs années se sont écoulées dans le calme et l'oubli : Égisthe, régent d'Argos, ne songe plus qu'à faire régner la justice sur laville.

Mais Électre, hantée par la mort de son père, éprouve une haine inexpliquée contre sa mère et contre Égisthe.

Pour en conjurerles effets, Égisthe éloigne d'elle tous les prétendants royaux et décide de la marier à un jardinier : introduite dans une famille sansgloire, Électre cessera, pense-t-il, d'attirer sur elle l'attention du destin. Cependant, un étranger se présente au palais.

Il se découvre à Électre : il est Oreste, son frère.

Ce retour inespéré amène la jeunefille à rechercher la vérité.

Elle harcèle de questions Clytemnestre et Égisthe.

Clytemnestre ergote; Égisthe demande un délai d'un jourpour sauver la ville assiégée par les Corinthiens.

Mais Électre refuse : la lumière doit être faite sur-le-champ.

Clytemnestre aux aboiscrie enfin le dégoût que lui inspirait son époux Agamemnon.

Un mendiant philosophe et visionnaire conte en détail comment le roi estmort; son récit met à nu la culpabilité de Clytemnestre et d'Égisthe.

Électre, éclairée, arme le bras de son frère, qui frappe lesassassins.

Cependant, les Corinthiens ont donné l'assaut et massacrent les habitants d'Argos.

La ville, complice des régicides, meurt;mais Électre sait qu'elle renaîtra un jour, purifiée.. »