Databac

Louis Jouvet, acteur, régisseur, metteur en scène et directeur de théâtre (1887-1951), qui a étroitement collaboré avec Jean Giraudoux et a créé Électre le 13 mai 1937, affirmait : « Le théâtre est d'abord un beau langage.»Dans quelle mesure, selon vous, cette formule peut-elle s'appliquer à l'Électre de Giraudoux ?

Publié le 15/05/2020

Extrait du document

Ci-dessous un extrait traitant le sujet : Louis Jouvet, acteur, régisseur, metteur en scène et directeur de théâtre (1887-1951), qui a étroitement collaboré avec Jean Giraudoux et a créé Électre le 13 mai 1937, affirmait : « Le théâtre est d'abord un beau langage.»Dans quelle mesure, selon vous, cette formule peut-elle s'appliquer à l'Électre de Giraudoux ? Ce document contient 3332 mots soit 7 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en Littérature.

« [Introduction] Le théâtre de Giraudoux est connu pour être écrit dans une langue travaillée et poétique.

C'est peut-être ce qui afait dire à Louis Jouvet, qui a créé Électre en 1937 : « Le théâtre est d'abord un beau langage.

» Pourtant l'acteur et le metteur en scène ne devraient-ils pas être les premiers à affirmer l'importance du spectacle, qui fait aussipartie de l'étymologie grecque du mot théâtre : ce que l'on regarde.

De plus, on a coutume de considérer la scènecomme le lieu de représentation d'une action dramatique.

Alors, n'est-il pas étonnant, dans ces conditions, delaisser le premier rôle au langage, et qui plus est au beau langage ? Nous verrons à travers l'oeuvre de Giraudoux,Électre, que la beauté d'un langage poétique y tient une place essentielle, privilégiant parfois la réflexion au détriment de l'action, mais que cette pièce reste malgré tout, et peut-être même grâce au pouvoir du langage, unspectacle complet. [Importance du langage poétique] À plusieurs reprises, on peut noter à quel point le langage est travaillé et poétique dans Électre. Tout d'abord, la noble légende que raconte le mythe justifie un registre de langue élevé et soutenu : « palais »,«trônes », « dieux », noms grecs longs et revêtus d'une aura de grandeur, comme « Clytemnestre », les «Atrides»...

Étymologiquement, le mythe est la parole, donc le langage qui se fait rumeur, récit.

C'est pourquoi le sujetmythologique d'Électre semble déjà donner raison à Louis Jouvet. De plus, il est fréquent que les personnages de Giraudoux recourent à un « beau langage » à travers descomparaisons et des métaphores peu banales, qui donnent un relief poétique inhabituel à cette langue théâtrale.Ainsi, vers la fin du deuxième acte, dans la scène qui oppose Électre à Égisthe, cette dernière file la métaphore duregard pour traduire sa conception du peuple : « Quand vous voyez un immense visage emplir l'horizon et vousregarder bien en face, d'yeux intrépides et purs, c'est cela un peuple.

[...] / C'est un regard étincelant, à filtrer, àdorer.

Mais il n'a qu'un phosphore, la vérité.

C'est ce qu'il y a de si beau, quand vous pensez aux vrais peuples dumonde, ces énormes prunelles de vérité ».

Un peu auparavant, au même acte, Égisthe utilisait cette comparaisonpour expliquer sa joie de s'être vu conférer par les « puissances du monde » la dignité de régner sur Argos : « Pourtoujours j'ai reçu ce matin ma ville comme une mère son enfant.

» Le point commun de ces deux images est l'écartpar rapport aux conventions de la vraisemblance théâtrale : il est étonnant qu'un roi se compare à une femme,comme il est étonnant d'assimiler un peuple à un regard, mais la force de Giraudoux est de rendre ce langagepoétique acceptable, dans la bouche de personnages dont la dimension est aussi poétique, comme nous l'avons vuprécédemment en réfléchissant sur le sens du mythe. Enfin, ce beau langage joue un autre rôle primordial dans l'écriture dramatique d'Électre : il structure des scènes et des dialogues.

La scène 10 et dernière de l'acte II, scène du dénouement, est particulièrement frappante à cetégard : devant les invectives des Euménides qui lui reprochent d'avoir sacrifié la ville et son entourage par « orgueil», Électre perd pied petit à petit, et essaie de se raccrocher à des certitudes qui semblent de plus en plus légèresface aux ravages qui se sont produits, et finit par céder la parole au mendiant pour le mot de la fin, qui garde ainsitoute son ambiguïté; ce sont le langage et son économie qui nous font sentir la progression et l'intensité dramatiquede manière particulièrement efficace : «J'ai ma conscience, j'ai Oreste, j'ai la justice, j'ai tout », triomphe d'abordÉlectre; puis ses répliques raccourcissent : «J'ai Oreste.

J'ai la justice.

J'ai tout.

/ J'ai la justice.

J'ai tout», pour finirpar lui échapper : « Demande au mendiant.

Il le sait.

» Ce demi-aveu d'impuissance donne tout son relief à larestriction, à peine perceptible sinon, du mendiant : «Cela a un très beau nom [...].

Cela s'appelle l'aurore.» ; carson insistance sur le caractère purement verbal de la beauté renvoie implicitement à l'horreur de la réalité ainsidissimulée. Grâce à sa poésie, le langage de Giraudoux s'avoue donc aussi comme une réflexion sur les apparences et surl'illusion du genre dramatique et les faux-semblants des mots. [Supériorité de la réflexion et du commentaire sur l'action] Cette réflexion conduit souvent l'auteur à privilégier dans sa pièce la réflexion par rapport à l'action, sans niertoutefois celle-ci. On peut d'abord noter le développement inhabituel des monologues ou des tirades, à la fois particulièrementnombreuses et particulièrement longues.

Égisthe, Électre, Clytemnestre dans son aveu, sont avant tout despersonnages de parole.

C'est d'ailleurs son silence qui étouffe la reine jusqu'à ce qu'elle se décide à dire sa hainepour Agamemnon, et alors elle semble se gargariser de ce mot, le déclinant quatre fois dans une seule tirade.

PourÉgisthe, les mots qui l'inspirent sont en rapport avec ses préoccupations de chef d'État; ce sont les « dieux », «l'État», le « peuple ».

Électre, quant à elle, parle en idéaliste : « vérité » et « justice » sont ses maîtres mots.

Cestermes sont générateurs de tirades et d'une confrontation de sentiments et de conceptions.

De plus, la parole envahit la scène à l'entracte avec le « lamento du jardinier », manifeste provocateur sur la tragédie et « sesincestes, ses parricides : de la pureté, c'est-à-dire de l'innocence ». D'autre part, l'action semble évacuée hors scène, remplacée par des récits, comme dans le théâtre classique, etc'est le rôle dévolu au mendiant de raconter les événements que le spectateur ne voit pas.

Il prend ainsi en chargel'action à la fin de l'acte I, et plusieurs fois à l'acte II, pour raconter le meurtre passé d'Agamemnon, mais aussi lemeurtre d'abord futur puis présent d'Égisthe et de Clytemnestre.

Le rôle de ce personnage est bien supérieur à celui. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles