Haïti (1985-1986)
Publié le 15/09/2020
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Haïti 1985-1986
A Haïti, 1986 a été l'année de la délivrance: le 7 février, l'exil en France du
"président à vie", Jean-Claude Duvalier, a mis un terme à vingt-neuf années de
dictature.
"Duvalier parti, Haïti sauvée" chantait la foule en liesse dans les
rues de Port-au-Prince.
Depuis 1957, les Haïtiens ont vécu successivement sous
la férule de François Duvalier, despote sanguinaire, habile à détourner à son
profit l'idéologie noiriste et le culte du vaudou, puis sous la tutelle de son
fils Bébé Doc, héritier falot, hésitant entre les pressions contradictoires de
son clan.
La détérioration de la situation alimentaire dans les campagnes où l'on ne
survit que grâce au "manger sinistré" (les distributions d'aide alimentaire) a
été à l'origine des émeutes de la faim survenues en mai 1984 dans les villes de
Gonaïves et Cap Haïtien.
Elles avaient déjà donné lieu à des manifestations
politiques.
"Fok kat la rebat" (il faut rebattre les cartes) entendait-on alors.
La jeunesse a pris ensuite le relais.
Conscients de leur puissance -41% des
Haïtiens ont moins de quinze ans -, près de cinquante mille adolescents ont
défilé le 2 février 1985 dans la capitale pour une marche de la paix.
La
démocratisation relative de la vie politique (autorisation des partis
d'opposition, élections libres en particulier), annoncée le 22 avril 1985, était
bientôt repoussée au mois de février 1987.
L'agitation reprenait alors dans la
ville de Gonaïves à partir du 27 novembre 1985, puis gagnait toutes les grandes
villes du pays à la fin janvier.
Cette contestation de la rue, ouvertement et
puissamment soutenue par l'Église et son réseau de deux mille communautés de
base, et les pressions des Etats-Unis et de la France, principaux bailleurs de
fonds, ont contraint Bébé Doc à quitter son palais de stuc blanc.
Au lendemain de sa fuite, avec famille, voiture et dollars, la succession a été
assurée par un Conseil national de gouvernement (CNG) dirigé par le général
Henri Namphy.
La population, ivre de joie, a procédé au "déchoukage"
(littéralement déracinement en créole) des suppôts du tyran, en particulier des
"tontons-macoutes", sinistre garde prétorienne de l'ancien régime.
Quelques-uns
de ces miliciens ont été lynchés dans les rues.
Les journaux, la radio, la
télévision ont tout de suite mis à profit la liberté d'expression retrouvée.
Des
comités de quartier ont surgi, nombre d'exilés politiques sont rentrés, les
syndicats se sont manifestés au grand jour, les partis ont refleuri par
dizaines, et près de deux cents candidats à la présidence, atteints par la
fièvre démocratique, se sont déclarés.
Ce bouillonnement a donné lieu à des
provocations.
Le 26 avril 1986, à la suite de débordements lors d'une
manifestation devant la prison de Fort-Dimanche, lieu de torture des opposants
d'hier, l'armée à tiré sur la foule.
Bilan de la fusillade: six morts, et la fin
de la lune de miel entre les Haïtiens et leurs militaires, salués aux cris de
"Vive l'armée" après la fuite de Bébé Doc.
En proie aux atermoiements, le nouveau gouvernement a aussi perdu de son capital
de confiance.
Dépourvu de programme, le CNG a réagi aux exhortations populaires
- en congédiant par exemple les ministres trop compromis avec le duvaliérisme -
plus qu'il n'a vraiment agi.
Au lieu de procéder aux réformes attendues
(campagne d'alphabétisation pour près de 80% de la population, redistribution de
terres...), le CNG a temporisé, et promis l'élaboration d'une nouvelle
constitution et l'organisation, en novembre 1987, de nouvelles élections.
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