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Georges Gusdorf, Pourquoi des professeurs ? (1963).

Publié le 02/07/2020

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« Aux yeux du petit enfant, ses parents sont des dieux tutélaires, tout puissants, omniscients, dont il faut essayer de capter la bienveillance par des moyens appropriés. Mais un moment vient où cette vénération aveugle cède la place à une attitude où la critique et la perspicacité interviennent peu à peu pour discréditer les idoles de naguè:e. Les parents ne sont pas infaillibles; il leur arrive de mentir ou de tricher dans leurs rapports avec l'enfant. Celui-ci se trouve grandi par le jeu de cette diminution capitale, qui d'ailleurs affecte de proche en proche les adultes en général. Mais du même coup, l'enfant se trouve mis à découvert par la perte de prestige de tous ceux en qui il plaçait sa confiance et qui étaient les protecteurs naturels de son espace vital. Il fait ainsi l'apprentissage de la solitude et de l'insécurité, dont il commence à découvrir qu'elles sont des caractères inaliénables de la condition humaine. Avant de se résigner à subir son destin, le petit homme cherchera néanmoins d'autres garants de sa tranquilité. Si les parents ont fait faillite, si leur autorité ne doit plus être acceptée que sous réserve d'inventaire 1, il doit subsister de par le monde des êtres d'exception, dignes d'une totale confiance. C'est ainsi que, souvent, le maître de l'école primaire intervient, au matin de la vie, pour relayer le père et la mère dans la fonction capitale de témoin et d'indicateur du Vrai, du Bien et du Beau. li lui appartient de servir de refuge à toutes les espérances déçues; l'ordre du monde et l'ordre dans l'homme reposent sur lui. Digne ou indigne, et qu'il le veuille ou non, l'instituteur, au plus modeste degré de l'enseignement, jouit ainsi d'une autorité spirituelle qu'aucun autre ne possédera parmi ceux qui lui succéderont pour assurer la fonction éducative dans le développement de l'enfant et de l'adolescent. Tous les maîtres à venir, quelle que soit leur valeur, ne parviendront pas à égaler le prestige dont se trouve sans peine revêtu l'ange gardien de l'espace scolaire aux yeux de l'enfant qui franchit pour la première fois, avec respect, crainte et tremblement, le seuil de la maison d'école. Le maître est ainsi l'héritier du père. Il apparaît comme le père selon l'esprit, au moment où le père selon la chair s'avère désormais incapable d'assumer les responsabilités dont le charge l'exigence enfantine. Et, bien sûr, il sera incapable, lui aussi, de répondre pleinement à cette attente dont il est l'objet. Il est préservé, néanmoins, par l'atmosphère de respect dont il se trouve entouré dans le vœu même de l'écolier. La piété pour le maître exprime une affirmation quasi-religieuse; elle s'adresse à un savoir qui est ensemble sagesse et concerne les secrets mêmes de la vie. C'est pourquoi l'enseignement a été longtemps indissociable de la prêtrise ; même laïcisé, il conserve des allures de sacerdoce. Le maître, serviteur de la vie de l'esprit, se connaît et se veut différent de tous ceux, dans la cité, qui poursuivent seulement des intérêts d'argent ou des avantages personnels. Ses concitoyens d'ailleurs lui reconnaissent volontiers les obligations et les prérogatives d'une sorte de cléricature 2. C'est pourquoi, tout au long de sa vie, l'homme conservera à ses pre-miers maîtres la fidélité du souvenir. Même si son existence s'est développée en dehors de tout souci de savoir, il ne peut évoquer sans l'hommage d'une reconnaissance rétrospective le visage de ceux qui furent pour lui les premiers affirmateurs de la vérité, les mainteneurs de l'espérance humaine. Cette fonction qui est, au niveau le plus humble, celle de l'instituteur primaire, demeure identique à elle-même à travers la promotion des divers ordres d'enseignement. Mais, de degré en degré, l'exigence de l'élève se fait plus critique ; moins aisément satisfaite, elle dépiste les faiblesses, elle discrimine les personnalités. Le lycéen, l'étudiant ont de plus en plus de professeurs, dont ils apprécient diversement la compétence technique. Mais l'apparition, parmi les professeurs, d'un maître digne de ce nom, est chose rare. Ble consacre désormais une qualification spéciale, et comme un degré supérieur de validité dont la présence, s'irradiant alentour, exerce une action bienfaisante sur tous ceux qui en bénéficient. Ainsi comprise, la maîtrise devient une prérogative indépendante de l'activité pédagogique au sens étroit du terme. Beaucoup d'hommes enseignent, — une discipline intellectuelle ou manuelle, une technique, un métier, — très peu jouissent de ce surplus d'autorité qui leur vient non de leur savoir, de leur capacité, mais de leur valeur d'homme. En ce sens, un artiste, un artisan, un homme d'Êtat, un chef militaire, un prêtre, peuvent être des maîtres .pour ceux qui les approchent, aussi bien et peut-être mieux que des enseignants proprement dits. Leur vie s'impose, à tous ou à quelques-uns, comme une leçon d'humanité. La relation du maître et du disciple apparaît donc comme une dimension fondamentale du monde humain. Chaque existence se forme et s'affirme au contact des existences qui l'entourent; elle constitue comme un nœud dans l'ensemble des relations humaines. Parmi ces relations de l'homme avec l'homme, certaines sont privilégiées : celle de l'enfant avec ses parents, avec ses frères et sœurs, la relation d'amitié ou d'amour, — et singulièrement la relation du disciple avec le maître qui lui révéla le sens de la vie et l'orienta, sinon dans son activité professionnelle, du moins dans la découverte des certitudes fondamentales. Par delà la réflexion portant sur les voies et moyens de l'enseignement spécialisé, s'ouvre la possibilité d'une autre recherche, qui serait, comme une pédagogie de la pédagogie, l'investigation. des procédures secrètes par la vertu desquelles, en dehors de tout contenu particulier, s'accomplit l'édification d'une personnalité, et se joue son destin. Le rôle du maître apparaît ici comme celui de l'intercesseur; il donne aux valeurs une figure humaine. L'enfant, l'adolescent, celui qui est en quête de lui-même, se trouvent ainsi confrontés avec une incarnation des volontés qui peut-être sommeillent en eux. B cette rencontre du meilleur, cette confrontation avec la plus haute exigence, démasquant une identité qui s'ignorait, permet à la personnalité de passer à l'acte et de se choisir elle-même telle qu'elle se souhaitait depuis toujours. Georges Gusdorf, Pourquoi des professeurs ? (1963). L'épreuve comprend deux parties 1. Vous ferez d'abord de ce texte, à votre gré, un résumé (en suivant le fil du texte) ou une analyse (en reconstituant la structure logique de la pensée,c'est-à-dire en mettant en relief l'idée principale et les rapports qu'entretiennent avec elle les idées secondaires). Vous indiquerez nettement votre choix au début de la copie. 2. Dans une seconde partie, que vous intitulerez «discussion», vous dégagerez du texte un problème qui offre une réelle consistance et qui vous aura intéressé. Vous en préciserez les éléments et vous exposerez vos vues personnelles sous la forme d'une argumentation ordonnée, étayée sur des faits et menant à une conclusion. ...»

« 1 / 2 ACADÉMIE D'AIX-MARSEILLE Aux yeux du petit enfant, ses parents sont des dieux tutélaires, tout puissants, omniscients, dont il faut essayer de capter la bienveillance par · des moyens appropriés.

Mais un moment vient où cette vénération aveugle cède la place à une attitude où la critique et la perspicacité interviennent peu à peu pour discréditer les idoles de naguè:e.

Les parents ne sont pas infaillibles; il leur arrive de mentir ou de tricher dans leurs rapports avec l'enfant.

Celui-ci se trouve grandi par le jeu de cette diminution capitale, qui d'ailleurs affecte de proche en proche les adultes en général.

Mais du même coup, l'enfant se trouve mis à découvert par la perte de prestige de tous ceux en qui il plaçait sa confiance et qui étaient les protecteurs natu­ rels de son espace vital.

Il fait ainsi l'apprentissage de la solitude et de l'insécurité, dont il commence à découvrir qu'elles sont des caractères ina­ liénables de la condition humaine.

Avant de se résigner à subir son destin, le petit homme cherchera néanmoins d'autres garants de sa tranquilité.

Si les parents ont fait faillite, si leur autorité ne doit plus être acceptée que sous réserve d'inventaire 1 , il doit subsister de par le monde des êtres d'exception, dignes d'une totale confiance.

C'est ainsi que, souvent, le maître de l ' école primaire intervient, au matin de la vie, pour relayer le père et la mère dans la fonction capitale de témoin et d'indicateur du Vrai, du Bien et du Beau.

li lui appartient de_ servir de refuge à toutes les espérances déçues; l'ordre du monde et l'ordre dans l'homme reposent sur lui.

Digne ou indigne, et qu'il le veuille ou non, l'instituteur, au plus modeste degré de l'enseignement, jouit ainsi d'une autorité spirituelle qu'aucun autre ne pos­ sédera parmi ceux qui lui succéderont pour ass�H(H la fonction éducative dans le développement de l'enfant et de l'adolescent.

Tous les maîtres à venir, quelle que soit leur valeur, ne parviendront pas à égaler le prestige dont se trouve sans peine revêtu l'ange gardien de l'espace scolaire aux yeux de l'enfant qui franchit pour la première fois, avec respect, crainte et tremblement, le seuil de la maison d'école.

Le maître est ainsi l'héritier du père.

Il apparaît ç:omme le père selon l'esprit, au moment où le père selon la chair s'avère désormais incapable d'assumer les responsabilités dont le charge l'exigence enfantine.

Et, bien sûr, il sera incapable, lui aussi, de répondre pleinement à cette attente dont il est l'objet.

Il est préservé, néanmoins, par l'atmosphère de respect dont il se trouve entouré dans le vœu même de l'écolier.

La piété pour le maître exprime une affirmation quasi-religieuse; elle s'adresse à un savoir qui est ensemble sagesse et concerne les secrets mêmes de la vie.

C'est pourquoi l'enseignement a été longtemps indissociable de la prêtrise ; même laïcisé, il conserve des allures de sacerdoce.

Le maître, serviteur de la vie de l'esprit, se connaît et se veut différent de tous ceux, dans la cité, qui pour­ suivent seulement des intérêts d'argent ou des avantages personnels.

Ses concitoyens d'ailleurs lui reconnaissent volontiers les obligations et les pré­ rogatives d'une sorte de cléricature 2 .

C'est pourquoi, tout au long de sa vie, l'homme conservera à ses pre- 2 / 2. »

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