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Faut-il limiter les désirs ?

Publié le 17/05/2020

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« INTRODUCTION : le désir, c'est une tendance, un appétit, vers un objet que l'on a pas et qu'on se représente.

A la différence du besoin naturel, qui est défini par la nature dans ses buts,dans ses moyens et dans sa quantité, le désir est conçu par l'esprit.

C'est pourquoi il est susceptible d'objets et de formes toujours renouvelés, ce qui le rendpotentiellement illimité; nous pouvons toujours désirer quelque chose d'autre.

Alors, si la nature ne limite pas les désirs, n'est-il pas nécessaire et sage de limitervolontairement nos désirs ? La sagesse ne consiste-t-elle pas à mesurer et à réduire nos désirs afin de ne pas en être esclaves et de ne pas être sans cesse dansl'insatisfaction ? Mais alors, s'il s'agit de réduire nos désirs, la vie ne consiste-t-elle pas dans le renoncement, l'austérité, l'économie ? N'est-ce pas là une vie morne,tiède, fade ? La grande âme n'est-elle pas celle qui a de grands désirs ? Et n'est-ce pas l'absence d'ambition, de rêves, de désirs qui appauvrit la vie ? Ne s'agit-il pasd'augmenter nos désirs plutôt que de les limiter ? I- Le désir comme malheur de la conscience : Le désir, on l'a vu, est sans limites.

Déjà, le besoin est indéfini, sans fin, car il renaît sans cesse.

Mais le désir ajoute à cela son incessante relance : à chaque foisqu'un objet du désir nous est donné, il nous en faut un autre, différent, nouveau, ressuscitant ainsi le désir émoussé.

Sans mesure naturelle, il est infini et insatiable.C'est pourquoi il ne permet aucune satisfaction, aucun bonheur durable et réel.

" L'homme oscille, comme un pendule, de droite à gauche entre la souffrance et l'ennui" peut dire ainsi Schopenhauer : il passe de la souffrance du manque au vide de la consommation.

On reconnaîtra là le nihilisme profond qui ronge le désir infini,celui d'un Don Juan qui doit multiplier les conquêtes pour ne pas ressentir le vide de la jouissance ( la jouissance sexuelle est appelée parfois " la petite mort " )jusqu'à rencontrer le gouffre de la Mort, de la vraie, que son nihilisme appelle ; ou celui, plus vulgaire, des sociétés de consommation, qui doivent sans cesserenouveler l'offre et sont en définitive des sociétés du déchet.C'est pourquoi la sagesse antique consiste le plus souvent à réduire le désir pour y trouver la source du bonheur.

Ainsi, le philosophe Epicure propose un hédonismeparadoxal : ce n'est pas en multipliant les désirs que l'on trouvera le plaisir, mais au contraire en le limitant.

Trouvera la satisfaction, et en particulier ce plaisirsuprême qu'est la quiétude de l'âme, l'ataraxie, celui qui aura su réduire ses désirs à ce qui est naturel, simple ; le plaisir ne se trouve pas dans la quantité, mais dans laqualité.

Apprenons à jouir de la vie, dans ses formes les plus humbles, et nous serons heureux.

De manière encore plus radicale, le stoïcisme propose de réduire ledésir à ce qui dépend de nous, voire à le supprimer.

" Supporte et abstiens-toi ".

Il faut accepter ce qui nous arrive et limiter nos désirs à ce qui est à notre portée.

Encontenant le désir, je me donne la possibilité de la satisfaction et ne me fais dépendre ni des choses ni des autres.

Apprenons à moins désirer pour mieux aimer ce quiest entre nos mains.

Carpe diem, dit le poète stoïcien Horace, profite de l'instant.

Et, plus radicalement, Epictète donnera ce conseil d'acceptation totale : " Nesouhaite pas que les choses arrivent comme tu le désires, mais désire qu'elles arrivent comme elles sont ; et tu seras heureux.

"Le désir est au contraire un tourment : comment ne pas penser à l'objet qui nous manque ? Le désir est donc une absence qui nous fait souffrir et nous obsède : l'objetdu désir est d'autant plus là que nous l'avons pas.

De là son lien avec l'imagination que la pensée classique, qui voit en cette dernière la " folle du logis ", et Descartesen particulier, ont analysé.

Plus je désire un objet et plus l'imagination en accroît la valeur ; et plus j'exagère sa valeur et plus je le désire.

Le désir ne se contente pasde nous tromper ; il nous enferme dans un monde d'illusion, d'autant plus dangereuses qu'elles sont désirées.

Cette obsession n'est donc pas une ouverture de l'esprit :le désir restreint le champ de conscience à l'objet désiré en nous empêchant de voir les autres possibilités de la vie.

Ne peuvent alors venir que " regrets, dédains etrepentirs " ( lettre à Mme Elisabeth ).le désir manque ainsi de justesse : il fantasme le réel.

Mais il manque aussi de justice.

D'une part, il est mimétique : il désire le désir d'autrui.

La chose est aimée queparce que l'autre la désire : alors, soit je possède l'objet, et je me sens valorisé parce qu'autrui ne la possède pas ; ou bien, je ne le possède pas alors que l'autre lepossède, et je suis jaloux et envieux.

Dans les deux cas, le désir me met dans la concurrence avec autrui, et me fait avoir des " passions tristes ", pour parler commeSpinoza, c'est-à-dire mesquines, marquant une dimension d'être.

Pire encore, le désir, lorsqu'il est désir d'un autre, introduit une relation d'esclavage : en voulantposséder autrui, je veux en être le maître, pour qu'il réponde et corresponde à mon désir, et en même temps, je m'en fais l'esclave, soumettant mon existence à soncaprice.

Quant aux autres personnes, elles ne sont vues que par rapport à mon propre désir, comme obstacles ou comme moyens.

Le désir doit donc être limité par lajustice et le respect que l'on doit aux autres, c'est-à-dire la reconnaissance de leur valeur propre, indépendante de mon désir.Ainsi, le désir semble-t-il être ce qu'il faut tenir par la bride pour ne pas être malheureux et injuste.

Cela signifie-t-il que la modération puisse seule nous apporter lebonheur ? N'est-ce pas avoir de la vie une conception bien terne ? II- Accroître le désir : " Malheur à qui n'a rien à désirer " rappelle Rousseau.

En effet, un individu sans désir est un être sans appétit, sans le goût, la faim de la vie.

C'est pourquoi " le désirest l'essence de l'homme " selon Spinoza : il se rattache en effet au contais, c'est-à-dire à l'effort pour persévérer dans l'être, à la puissance d'être.

C'est le désir quidonne son élan vital et son dynamisme à l'individu.

Par là, il donne de la valeur aux objets désirés.

On ne fait bien que ce que l'on désire : le désir donne le prix auxchoses.

En ce sens, " nous ne désirons pas les choses parce qu'elles sont bonnes, nous les déclarons bonnes parce que nous les désirons ".

C'est le désir qui pare l'objetaimé des plus beaux attributs, et en fait goûter tout le charme.Le désir est ce qui fait la sensibilité de l'individu.

D'une part, il montre que nous ne nous suffisons pas.

Le désir nous ouvre aux choses et aux autres.

Il montrecombien nous pouvons être touchés par le monde.

Il est passion et exprime notre humanité.

C'est l'insensibilité, la dureté d'un être enfermé en lui-même qui est signede barbarie, d'inhumanité.

Ainsi sensible au monde qui le touche, le désir est le signe de l'âme passionné, capable de grandes choses (" rien de grand ne se fait sanspassion ", dit Hegel : l'histoire est celle des grands hommes, ceux qui sont animés des grandes passions de gloire, d'amour, de pouvoir ).

C'est pourquoi le romantismefera du coeur et du tourment passionnel la marque de la grande âme, par opposition au calcul mesquin et aux petits intérêts.D'ailleurs, toute volonté de limiter le désir manque ce qui fait la valeur de l'homme.

Que l'on prenne la mesure du désir chez Epicure.

Il faut certes lui reconnaître unecertaine grandeur, car, en le limitant, Epicure veut le faire échapper à la vulgarité de la boulimie et de la consommation.

Mais cela suffit-il à reconnaître la valeur dudésir ? Epicure propose en effet de limiter celui-ci à ce qui est naturel et nécessaire.

Or n'est-ce pas exactement l'inverse qui fait du désir un désir vraiment humain.Le désir peut-il se limiter à ce qui est naturel ? Le propre du désir n'est-il pas d'être social, défini par son contexte technique et culturel : n'est-il pas légitimeaujourd'hui de désirer voyager en quelques heures à des milliers de kilomètres, si un moyen comme l'avion le permet ? N'est-il pas légitime d'avoir des enfants quandon le désire et non en fonction de la nature ? Plus encore, le véritable désir ne porte-il-pas sur ce qui échappe à la nécessité : le superflu ou le luxe ? " Un rien de troppour être " fait dire Shakespeare au Roi Lear : ce qui nous fait être, c'est ce léger trop, ce surplus inutile, qui fait que l'existence n'est pas seulement biologique etdevient humaine.

L'homme n'est vraiment humain que par l'incessant renouveau du désir, plus que par sa limitation.Le désir est à la fois ce qui nous rend malheureux et ce qui donne son prix à la vie.

Faut-il donc opposer les deux et choisir entre une vie dense mais malheureuse, etune vie sereine mais sans saveur. III- Non pas désirer moins, mais désirer mieux : Il y a effectivement un risque du désir à vouloir sans cesse plus et autre chose.

Le désir est alors boulimie de consommation , pur désir quantitatif.

A ce titre, l'idéed'une mesure du désir, chère à Epicure, est légitime ; désirer sans cesse plus n'accroît pas le plaisir , elle le diminue.

Mais limiter le désir, ce n'est pas le réduire : c'estau contraire l'accroître en lui donnant une forme plus haute.

Il s'agit d'élever le désir, en lui donnant des formes plus complexes, plus élaborées.

C'est l'oeuvre de lacivilisation qui, par exemple, transforme le besoin alimentaire en un art de la table, la sexualité en un art d'aimer.

Le désir devient ainsi plus subtil, plus diversifié, etapprend à se temporiser, en échappant à la brutalité des pulsions.

Freud, en analysant le destin des pulsions, montre que le désir ne se détruit pas : refoulé, il produitfrustration et névrose.

On ne peut pourtant accéder à tous les désirs.

Il faut donc les sublimer, c'est-à-dire leur trouver des formes complexes, socialement valables.Par ailleurs, un désir n'est ni bon ni mauvais en soi, il dépend de l'objet désiré : celui-ci est-il désirable, aimable ? Il s'agit donc de mesurer la valeur de l'objet désiréet pour cela d'aller au-delà du désir de notre désir, du plaisir dans lequel celui-ci me met, pour nous demander ce que vaut notre objet : ne pas se contenter d'aimer àaimer, mais voir si l'objet de notre amour nous grandit ou nous abaisse et, s'il en vaut la peine, l'aimer vraiment.

Ainsi, ne pas s'aveugler sur l'objet de notre amour, "afin que nous ne manquions jamais d'employer tous nos soins à tâcher de nous procurer ceux qui sont le plus désirables " écrit Descartes.Il y a ainsi une dialectique du désir bien analysée par Alain.

Le désir peut n'être qu'une émotion passagère.

Nous sommes troublés un moment, et c'est la marque del'involontaire en nous, qui n'est pas une mauvaise chose, puisqu'elle marque l'impossibilité à nous suffire.

Mais ce trouble peut ne pas durer et cela reste une émotion.Il peut au contraire engendrer la passion, et c'est ce qui arrive lorsque cette émotion, au lieu de disparaître, obnubile la vie de conscience : je ne cesse d'y penser.

Mais. »

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