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Explication lineaire: Premiere apparition de Manon

Publié le 20/10/2025

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« 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 J’entrai avec peine, en perçant la foule, et je vis, en effet, quelque chose d’assez touchant. Parmi les douze filles qui étaient enchaînées six par six par le milieu du corps, il y en avait une dont l’air et la figure étaient si peu conformes à sa condition, qu’en tout autre état je l’eusse prise pour une personne du premier rang.

Sa tristesse et la saleté de son linge et de ses habits l’enlaidissaient si peu que sa vue m’inspira du respect et de la pitié.

Elle tâchait néanmoins de se tourner, autant que sa chaîne pouvait le permettre, pour dérober son visage aux yeux des spectateurs.

L’effort qu’elle faisait pour se cacher était si naturel, qu’il paraissait venir d’un sentiment de modestie.

Comme les six gardes qui accompagnaient cette malheureuse bande étaient aussi dans la chambre, je pris le chef en particulier et je lui demandai quelques lumières sur le sort de cette belle fille.

Il ne put m’en donner que de fort générales.

Nous l’avons tirée de l’Hôpital, me dit-il, par ordre de M.

le Lieutenant général de Police.

Il n’y a pas d’apparence qu’elle y eût été renfermée pour ses bonnes actions.

Je l’ai interrogée plusieurs fois sur la route, elle s’obstine à ne me rien répondre.

Mais, quoique je n’aie pas reçu ordre de la ménager plus que les autres, je ne laisse pas d’avoir quelques égards pour elle, parce qu’il me semble qu’elle vaut un peu mieux que ses compagnes.

Voilà un jeune homme, ajouta l’archer, qui pourrait vous instruire mieux que moi sur la cause de sa disgrâce ; il l’a suivie depuis Paris, sans cesser presque un moment de pleurer Il faut que ce soit son frère ou son amant.

Je me tournai vers le coin de la chambre où ce jeune homme était assis.

Il paraissait enseveli dans une rêverie profonde.

Je n’ai jamais vu de plus vive image de la douleur.

Il était mis fort simplement ; mais on distingue, au premier coup d’œil, un homme qui a de la naissance et de l’éducation.

Je m’approchai de lui.

Il se leva ; et je découvris dans ses yeux, dans sa figure et dans tous ses mouvements, un air si fin et si noble, que je me sentis porté naturellement à lui vouloir du bien. Introduction : L’Histoire du chevalier des Grieux et de Manon Lescaut, plus communément appelé Manon Lescaut, est un roman-mémoires de l’abbé Prévost, de son nom Antoine François Prévost, faisant partie des Mémoires et aventures d’un homme de qualité qui s’est retiré du monde (7 volumes, rédigés de 1728 à 1731). Le livre fût jugé scandaleux par deux fois en 1733 et 1735, saisi et condamné à être brûlé. L’auteur publia alors en 1753 une nouvelle édition de Manon Lescaut revue, corrigée et augmentée.

L’abbé Prévot dépeint dans son roman des personnages, Manon et le chevalier des Grieux, passant de la fortune à la misère et de la liberté à l’enfermement portés par un sentiment amoureux puissant.

Montesquieu s’exprimera ainsi sur le roman : « J'ai lu le 6 avril 1734, Manon Lescaut, roman composé par le P.

Prévost.

Je ne suis pas étonné que ce roman, dont le héros est un fripon et l'héroïne une catin qui est menée à la Salpêtrière, plaise, parce que toutes actions du héros, le chevalier des Grieux, ont pour motif l'amour, qui est toujours un motif noble, quoique la conduite soit basse ».

Le roman a depuis donné lieu à de multiples opéras, ballets et films de cinéma ou de télévision.

Situation de l’extrait : c’est l’incipit du roman. L’incipit a deux fonctions essentielles 1) Plaire au lecteur 2) Informative (personnages, lieu, époque, sujet) Dans cet incipit, l’auteur présente les personnages principaux à travers deux portraits : celui de Manon et celui de DG.

Les personnages sont introduits de manière singulière à travers le regard de Renoncour (ce qui facilite l’identification du lecteur) : Manon est présentée à travers un groupe de prostituées condamnées à l’exil, dont elle se distingue cependant.

DG quant à lui est présenté comme un jeune homme qui suit Manon, il semble extrêmement malheureux. PB : En quoi l’incipit remplit il les fonctions principales pour plaire au lecteur ? Mouvements : 1 er mouvement un portrait pathétique je vis, en effet, quelque chose d'assez touchant. Le texte débute à travers le point de vue de Renoncour, ce qui permet au lecteur, de s’identifier et « voir » à travers ses yeux la scène de présentation des personnages.

La litote « assez touchant » suscite notre curiosité de lecteur.

La construction syntaxique de la phrase, l’abondance des virgules, semble souligner la démarche hasardeuse du narrateur et sa difficulté à voir la scène à cause de la « foule » renvoyant ainsi à l’attente qui tenaille le lecteur quant à la découverte des personnages principaux.

Le connecteur « en effet » tend à ralentir la scène et a accentuer l’effet d’attente, de suspens. Parmi les douze filles qui étaient enchaînées six par six par le milieu du corps, il y en avait une dont l'air et la figure étaient si peu conformes à sa condition, qu'en tout autre état je l'eusse prise pour une personne du premier rang. Renoncour décrit la scène avec précision : un groupe de 6 prostituées « enchainées » traitées comme des esclaves, prisonnières de leurs chaines.

Au milieu de ce groupe, Manon se distingue : on voit une opposition entre les 12 filles et le déterminant « une ».

Cette jeune femme s’oppose au groupe par sa condition « si peu conforme à sa condition » le marqueur d’intensité « si » insiste sur cette différence, « une personne du 1er rang ».

Cette expression « 1er rang » est paradoxale dans une situation où les filles sont des prostituées.

Immédiatement, le lecteur s’interroge sur ce personnage mis en avant par la description de R.

« si peu que » : subordonnée concessive : Manon est incomparable aux autres. Sa tristesse et la saleté de son linge et de ses habits l'enlaidissaient si peu que sa vue m'inspira du respect et de la pitié.

Elle tâchait néanmoins de se tourner, autant que sa chaîne pouvait le permettre, pour dérober son visage aux yeux des spectateurs. Le portrait de Manon inspire la pitié : on peut observer le champ lexical du pathétique « tristesse, saleté, l’enlaidissaient, pitié » et le chiasme tristesse/pitié et respect/saleté. Cependant, Manon se détourne des regards, ce qui prouve un comportement qui dénote avec sa condition de prostituée : elle a honte et fait preuve de modestie comme le souligne l’adverbe « néanmoins ».

De par le portrait physique et son comportement, Manon se détache de la figure de la prostituée : elle semble même tout le contraire. L'effort qu'elle faisait pour se cacher était si naturel, qu'il paraissait venir d'un sentiment de modestie. Manon n’apparait pas à sa place : son « naturel », « sa modestie » font d’elle un personnage qui nous apparait comme une victime : dans notre pensée de lecteur on se dit qu’il doit y.... »

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