Explication linéaire de Venus Anadyomène de Rimbaud
Publié le 07/05/2025
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«
Rimbaud, Cahier de Douai
Émancipations créatrices
Vénus anadyomène
Éléments pour une introduction :
Sujet mythologique de la naissance de Vénus, souvent illustrée par les peintres.
Récit
mythologique = généralement sujet noble, à traiter de manière adéquate, càd sur un ton
élevé.
Forme : sonnet.
Peu importe ici que Rimbaud respecte ou non la disposition canonique
des rimes dans le sonnet.
Cette forme poétique est synonyme de lyrisme.
Cependant : Rimbaud parodie le sujet traité : la déesse est devenue une prostituée et,
alors que l’on s’attendait, d’après le titre, à un poème dans le registre élevé, on lit la
description d’un corps abîmé qui n’a rien de divin ni de digne de la déesse de la beauté.
Pour la forme : Rimbaud se souvient ici de la nature épigrammatique du sonnet, qui
repose sur une pointe ou une chute.
Plus loin cette pointe est repoussée dans le poème,
mieux réussi il est.
Par ailleurs, Rimbaud adopte ici un genre ancien, illustré au XVIe siècle, le blason, qui
consistait en une description élogieuse, et plus particulièrement une description d’une
partie du corps féminin.
On identifie déjà au XVIe siècle des parodies de ce genre
mineur, qu’on appelle contreblasons.
C’est à cette dernière catégorie qu’appartient le
poème de Rimbaud, dans lequel il procède à la description du corps repoussant d’une
créature anonyme qu’on peut identifier à une prostituée.
La description s’organisant de manière verticale, de la tête aux fesses, il convient de lire
le sonnet strophe par strophe.
1er quatrain
Apparition progressive du corps de la femme décrite.
Effet de surprise : alors que Vénus sort
des eaux, la créature ici mentionnée sort d’une baignoire.
Alors que Vénus est la déesse de la
beauté, on comprend progressivement que cette femme est d’une grande laideur physique et
morale.
L’intérêt du poème va consister à accumuler les laideurs jusqu’à la fin : jeu sur la
variété.
Dans ce premier quatrain, c’est la tête qui est décrite.
Une seule phrase, allure progressive et nombreux replis : nombreux enjambements.
V.
1&2 : contre-rejet qui met en valeur « une tête » en fin de vers, créant un effet d’attente,
renforcé par l’emploi d’un article indéfini.
Aspect mystérieux, fantasmagorique.
Syntaxe qui soutient la curiosité : v.1 : complément de comparaison, sujet ; v.
2 : long
complément du nom « tête » ; v.
3 : complément circonstanciel de lieu, verbe principal,
apposition à « une tête » ; v.
4 : complément du nom « une tête ».
La syntaxe ne permet
qu’un dévoilement progressif du sens, souvent entravé par l’entremêlement et la
confusion concertée des compléments de natures diverses.
Atmosphère macabre.
« Cercueil » : comparant de la baignoire (qui est le comparé),
mais l’antéposition du comparant laisse persister l’image plus longtemps, laquelle prend
le pas sur la réalité triviale du comparé.
Le sujet du verbe « émerge », « une tête »,
confère un sens étrange au poème : il faut attendre le second vers pour que la tête se voit
attribuer un possesseur.
La lenteur, « lente », confère une allure étrange à la scène.
Enfin, les défauts de la tête, « déficits assez mal ravaudés », lui donnent une connotation
macabre eux aussi.
La scène de la naissance de Vénus est alors revue dans un registre trivial et familier.
Le
cercueil s’oppose burlesquement à la naissance.
Quant à la mer d’où la déesse est censée
sortir, elle est ici évoquée par la présence d’une « baignoire » : le décor est pauvre et
miteux, comme le suggère l’hypallage « vert en fer blanc », qu’il faut attribuer à la
baignoire et qui désigne un objet bon marché de l’époque.
On a donc ici une scène qui exclut toute dimension érotique.
L’attribut féminin par
excellence qu’est la chevelure est évoqué à deux vers de distance, d’abord sur un mode
descriptif où les « cheveux bruns » s’opposent à l’idéal poétique féminin traditionnel de
la blondeur, où l’adjectif « pommadés » est assorti de l’adverbe « fortement » pour
constituer un superlatif qui attire l’attention sur le gras de cheveux, avant d’insister au
v.
4 sur l’alopécie de la femme décrite à l’aide de deux mots qui semblent s’exclure :
« déficits », qui appartient, par sa racine latine, à un registre élevé, et « ravaudés », en
fin de vers, à la rime, qui appartient à un registre plus familier de l’économie.
2e quatrain
Le portrait de la femme se poursuit avec pour fils conducteurs : 1°) l’énumération verticale
(syntaxe : le verbe « [émerger] » est sans doute sous-entendu) ; 2°) l’alliance d’éléments
hétéroclites qui forment une laideur difficile à qualifier car dépourvue de toute unité.
La
créature décrite n’est ni grosse ni maigre : elle est tout à la fois.
Adverbe de coordination « puis » répété qui suggère le mouvement et l’apparition
successive des différentes parties du corps vu de dos.
V.
5 : 1er hémistiche constitué de
6 mots monosyllabiques, semblant ainsi davantage mettre en avant l’apparition
progressive.
« gras et gris » : jeu sur la paronymie qui met en valeur les deux épithètes
évoquant les disgrâces de la femme.
Enjambement / rejet de la relative « qui saillent » :
mise en valeur d’un élément qui forme antithèse entre le caractère saillant des os et le
gras du cou.
De même, antithèse entre la « [largeur] » des omoplates et le « dos court ».
Le dos est lui-même qualifié par deux brèves propositions relatives coordonnées, au
présent de l’indicatif, dont les verbes forment un oxymore rendu d’autant plus expressif
que la coordination « et » suggère deux mouvements contraires qui se produisent en
même temps.
Est-ce une difficulté à sortir de la baignoire ? S’agit-il d’une disgrâce
physique supplémentaire affectant la colonne vertébrale ? On peut penser que les sens
ne s’excluent pas mais s’additionnent.
Les vers 7-8, si nous avions affaire à un véritable blason, constitueraient un passage
attendu puisque c’est une partie anatomique de la femme qui est associée à la tonalité
érotique.
Or, ici, la description tourne au désastre physique.
L’expression « rondeurs
des reins » occupe tout le premier hémistiche du v.
7,....
»
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