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Explication de texte : «Ô beaux cheveux d'argent » Les Regrets, 91

Publié le 16/05/2020

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« Explication de texte : «Ô beaux cheveux d’argent » Les Regrets, 91 Les regrets est un recueil de poèmes rédigés par Joachim Du Bellay entre 1553 et 1557 lors de sa résidence à Rome, le XVIe siècle étant alors marqué par le courant humaniste.

Fondateur de la pléiade au coté de Ronsard, Du Bellay laisse transparaître dans ce recueil l’influence des poètesgréco-latins et italiens, dont Ovide et Pétrarque, tout en s’évertuant à créer une poésie d’inspiration nouvelle et plus personnelle.

Les 191 sonnets,qui composent ce recueil, permettent à l’auteur d’exprimer sa nostalgie pour le pays natal ainsi que sa déception vis-à-vis d’une Rome biendifférente de celle qu’il s’était imaginé à travers ses lectures.

Pouvant être lu comme un « journal de voyage » (ou une compilation de « papiersjournaux »), il permet également au poète en exil d’exprimer son dégout profond pour les mœurs romaines tout en faisant l’éloge de ses amis restésen France : ainsi ces poèmes, tour à tour élégiaques, satiriques et encomiastiques, suffisent à justifier l’originalité et la richesse de ce recueil.

Lequatre-vingt-onzième sonnet, fortement inspiré du sonnet anti-pétrarquiste « Alla sua donna » du poète italien Berni, énumère successivement les parties du corps d’une femme.

[Lecture] [Composition] Ce sonnet, constitué de deux quatrains et d’un sizain en alexandrins, obéit à la disposition marotique des rimes et respecte leur alternance entre féminines et masculines.

Il présente ainsi quatre strophes qui débutent toutes de la même manière, par la reprise anaphorique del’adjectif « beau » et de son versant féminin, ce qui constitue, d’une certaine manière, un refrain.

Il est, par ailleurs, structuré par l’utilisationexcessive de l’interjection laudative « ô » et, en conséquence, de tournures exclamatives qui peuvent dors-et-déjà mettre en doute l’apparentesincérité du poète dans ce sonnet qui emprunte la forme de l’éloge et peut, à première lecture, faire penser au blason (éloge de la beauté de l’aiméeen décrivant une partie son corps ou chacun de ses appas).

En réalité, il s’agit d’un contreblason qui met en relief, non pas l’idéal de beautéféminine pétrarquiste, mais la laideur d’une vieille femme (que l’on devine être une courtisane, puisqu’il s’agit là d’un motif récurrent dans l’œuvrede Du Bellay et dont on peut citer « La vieille courtisane » ou encore « L’antérotique de la vieille et de la jeune amie »). Ce qui fait l’originalité de ce sonnet n’est donc pas tant son motif que la double tonalité qui le compose : d’un coté une tonalité laudative qui joue essentiellement sur la rhétorique de l’éloge (termes laudatifs, les hyperboles, l’amplification, etc.) ; de l’autre, une tonalité ironique voire satirique qui repose sur l’emploi d’images pétrarquistes qui ne viennent plus ici valoriser la beauté idéalisée par Pétrarque mais, au contraire, qui sont inversées, ré-exploitées afinde dévaloriser, au coté de termes dépréciatifs, une femme perçue comme vieille et laide.

D’une certaine manière, la tonalité laudative participe àmettre en valeur une subtile et raillante ironie du fait qu’elle est quelque peu exagérée. [Progression du texte] Malgré sa facture « classique », il ne témoigne pas de division qui justifierait la présence d’une comparaison ou d’une opposition entre les quatrains et les tercets.

En revanche, il y aune réelle progression orientée vers la chute finale.

Cette progression correspond à la description descendante du corps de la femme jusqu’auvers 11, marquée par l’abondance des groupes nominaux (nom + épithète).

Le dernier tercet, quant-à-lui marque alors un retour sur le corps dansson ensemble avec l’apparition concrète du « je » lyrique (déjà perceptible au vers 11) qui communique, au moyen de la chute, son opinion réellesur la femme qu’il célèbre ironiquement.

Une chute qui permet ainsi une relecture moins naïve du sonnet. [Problématique] Dans ce sonnet, Du Bellay, à travers cette double tonalité ainsi que la reprise à contre-pied d’images et métaphores pétrarquistes, tend, certes à dresser un portrait ironique de la vieille courtisane mais, a fortiori, à dénoncer le caractère figé et conventionnel des poncifs de lapoésie amoureuse de Pétrarque.

« Contre les pétrarquistes » - mêmes idées, il imite ainsi l’ « art de pétrarquiser » mais de manière « franche », et non d’une manière qui tend àembellir le portrait de la femme lorsqu’elle-même n’est que laideur dans sa fanaison.

Les trois premières strophes de ce sonnet sont le support, à l’image de la verticalité des vers, de la description descendante du corps de lafemme : c’est le mouvement du regard du poète qui est ici suggéré et qui nous donne à voir successivement chacun des appas de la femmeapostrophés dans un ordre précis : de sa chevelure jusqu’à ses jambes et ce que le poète « ne peut honnêtement nommer ! » .

Le premier vers du premier quatrain se focalise sur la chevelure : «Ô beaux cheveux d’argent mignonnement retors ! ». Ce qui peut surprendre à sa lecture c’est l’emploi «cheveux d’argent » (on songe bien sûr au poème du même auteur Les cheveux d’or). Si « argent » peut paraître, de prime abord, un mot poétique pour sublimer la chevelure de la femme, il demeure toutefois l’opposé du poncif caractérisant les cheveux blonds de labeauté idéale selon Pétrarque et possède donc un sens dépréciatif : c’est là la première indication sur la vieillesse de la femme qui a les cheveuxblancs.

De plus, on remarque que l’épithète « beaux » est mélioratif ainsi que l’adverbe « mignonnement » , alors que « retors » est sémantiquement dépréciatif puisqu’il informe sur une coiffure désordonnée qui s’oppose à une coiffure arrangée de cheveux lisses et soyeux.Ainsi s’alterne dans le premier vers des termes mélioratifs et péjoratifs.

L’adverbe « mignonnement » peut aussi, par sa longueur (quatre syllabesà lui seul), être un indice livré au lecteur de l’ironie présente dans le sonnet et masquée par le ton laudatif.

Sur la même idée, « front crêpe et serein » s’oppose au front lisse et ferme de la jeunesse et souvent rapproché au marbre dans la poésiepétrarquiste.

De même que « crêpe » et « serein » s’opposent si l’on considère que le front sans agitation présente cependant des rides.

Des ridesqui ne sont donc pas dû à une quelconque agitation d’ordre psychologique et émotionnelle mais bien au passage naturel et irrémédiable dutemps.

Le second vers s’achève sur une nouvelle apostrophe marquée par « et vous » interpellant la « face dorée ».

« Dorée » fait écho à« argent » du premier vers.

En effet, ce qui mériterait d’être « doré » est « argenté » et inversement : la peau, qui devrait être laiteuse, est ici jaune.Il ne s’agit donc pas d’une femme de nobles conditions et de qualités qui se caractérise dans la poésie pétrarquiste par une peau blanche, maisd’une femme du peuple qui est soit sale soit malade, si l’on emprunte certaines significations du jaune dans la poésie rimbaldienne, certes plustardives.

Sale, malade, non poudrée, ou tout simplement bronzée, peu importe.

Il ne s’agit pas de la teinte de peau attendue dans un poème qui sevoudrait pétrarquiste : la peau laiteuse exprime la pureté et la vertu, elle serait donc impure.

Les deux dernières vers du premier quatrain ciblent les sièges conventionnels des sentiments amoureux : les yeux et la bouche.

D’abord les yeux,qui sont dit de « cristal » et donc atteint de transparence, sans couleur ; alors que les yeux chez Pétrarque sont soit bleus soit noir.

L’ironie estsuggérée par le point d’exclamation.

Puis la bouche qui est presque caricaturée puisqu’elle est perçue comme « grande » avec de « large repli »,disgracieuse et qui s’oppose à la bouche finement dessinée d’une femme sensuelle.. »

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