Éthiopie (1985-1986)
Publié le 15/09/2020
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Éthiopie 1985-1986
En Éthiopie, malgré une aide internationale importante - aux motiv
ations fort diverses -, le bilan de la
famine 1982-1985 s'établit entre deux et trois cent mille morts.
Une
des conséquences majeures en a été
le discrédit jeté sur la politique agraire, alors que le régime
avait largement privilégié ce secteur en
procédant à d'importantes réformes de structures.
Environ sept
millions de personnes ont connu la
famine, essentiellement dans les provinces du Wollo, Tigré, Begemder
et Semyen, c'est-à-dire dans les
hautes terres du centre Nord et les basses terres orientales.
Elle a cor
respondu, dans son ampleur et ses
localisations, à la combinaison de déficits pluviométriques cum
ulés et de crise politiques régionales.
Dans les provinces du Wollo et du Tigré, la famine a été au coe
ur d'une âpre lutte entre forces politiques
rivales dont l'enjeu principal était le contrôle des populations.
Pour l'État, il s'agissait d'étendre sa main-
mise sur les populations paysannes "rétives", mais rendues vulnéra
bles par la crise climatique.
A l'inverse,
les fronts d'opposition armée ont cherché à soustraire leur bas
e populaire aux tentatives de contrôle du
pouvoir pour sauvegarder leur capacité d'encadrement, et à limiter
les effets de la famine en organisant
le transfert de populations vers le Soudan.
Dans les régions contrô
lées par le Front populaire de libération
du Tigré (FPLT), le gouvernement éthiopien a cherché à obt
enir par l'arme alimentaire ce qu'il ne pouvait
imposer par les moyens militaires: faire affluer les populations affecté
es dans les villes contrôlées par
l'armée éthiopienne.
Ces objectifs ont été en partie réal
isés grâce, d'une part, au contrôle politique de
l'organisation du ravitaillement exercé depuis mars 1985 par le Parti
des travailleurs éthiopiens (PTE),
engendrant une distribution sélective de l'aide alimentaire à troi
s millions de personnes, notamment dans
les centres créés à cet effet - Makelé (Tigré), Korem,
Maychew, Kobbo, etc.
(Wollo) - et, d'autre part, à
des déplacements de populations vers les terres plus riches du Sud et
du Sud-Ouest.
Il semblerait qu'une
partie de l'aide alimentaire ait été affectée à la réinst
allation de ces populations.
De nombreux incidents ont marqué ces déplacements, surtout lors de
l'évacuation brutale des 57 000
personnes du camp d'Ibnet (Gondar), en avril 1985, pour des raisons de
"surpeuplement et de menace
d'épidémie".
Les protestations de Médecins sans frontières,
lors des rafles et de l'embarquement forcé
d'une partie de la population près du centre de Sekota (Wollo) en d
écembre, ont provoqué l'expulsion de
cette organisation.
Au total, entre décembre 1984 et juillet 1985, 510 000 familles - pou
r la plupart issues du Wollo, Tigré et
Begemder - ont été installées dans ces zones de peuplement à
l'ouest d'Addis-Abeda, vers Nekempt,
Jima, Bure et Bedele.
L'objectif du gouvernement est d'installer 200 000
nouvelles familles et de mettre
en culture 300 000 hectares de terre jusqu'à la fin de 1986.
Ainsi, la famine semble avoir eu comme effet d'accélérer le dép
lacement de l'activité politique et
économique de l'Éthiopie du Centre Nord vers le Sud et le Sud-Oues
t.
Le Front populaire de libération de
l'Érythrée (FPLE) et le FPLT ont été affaiblis par la sé
cheresse, et de grandes offensives militaires ont été
lancées contre eux pour dégager les axes routiers Addis-Abeba-Asma
ra-Kasala au Soudan.
Pour couper le
FPLE de ses bases soudanaises, l'armée éthiopienne, en août 198
5, à la suite de combats très meurtriers,
a repris les villes de Barentu et de Tesseney, occupées par le Front.
Après un repli stratégique de
quelques mois, le FPLE a attaqué, en janvier 1986, la base aérienn
e d'Asmara, détruisant des dizaines
d'avions militaires.
De son côté, le FPLT, en mai 1985, a coupé
la route Kobbo-Dese pendant trois
semaines et contenu la huitième offensive de l'armée éthiopienn
e dans le Tigré.
Les guerres ont provoqué un certain malaise dans l'armée, auquel l
e chef de l'État, Mengistu Haïlé
Mariam, a dû faire face: alors qu'il avait procédé, fin mars 19
85, à quatre-vingt-dix arrestations parmi les
gradés, le mois suivant, quarante-huit officiers supérieurs éta
ient promus en grade.
L'appel à la mise sur
pied d'une milice populaire régionale, lancé par Mengistu devant l
e Comité central du PTE, en mai, n'est
sans doute pas étranger à cette volonté de mieux contrôler l
'armée.
Malgré la reprise des contacts diplomatiques avec le Soudan lors du s
ommet de l'OUA à Addis-Abeba en
juillet 1985, les différends avec ce pays ont persisté, notamment
en ce qui concerne l'aide apportée de
part et d'autre aux fronts de libération.
La présence de quelque 8
00 000 réfugiés éthiopiens au Soudan
n'a fait qu'aggraver cette situation, qui semblait devoir perdurer en 19
86 en raison du déficit alimentaire
prévu dans les provinces du Wollo et du Tigré..
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