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Discussion de la phrase : « Nous avons le privilège - ou le grand malheur - d'assister à une transformation profonde, rapide, irrésistible, totale de toutes les conditions de la vie et de l'action humaines. » (VALERY.)

Publié le 30/06/2020

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Ci-dessous un extrait traitant le sujet : Discussion de la phrase : « Nous avons le privilège - ou le grand malheur - d'assister à une transformation profonde, rapide, irrésistible, totale de toutes les conditions de la vie et de l'action humaines. » (VALERY.). Ce document contient 2223 mots soit 4 pages. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous un de vos documents grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques. Cette aide totalement rédigée en format pdf sera utile aux lycéens ou étudiants ayant un devoir à réaliser ou une leçon à approfondir en Littérature.

« Tout enseignement implique une certaine idée de l'avenir et une certaine conception des êtres qui vivront ce lendemain. C'est ici que les choses s'obscurcissent. Votre situation, je vous le dis sans joie et sans ménagements, est bien plus difficile que ne le fut la nôtre. Votre destin personnel, d'une part; le destin de la culture d'autre part; sont aujourd'hui des énigmes plus obscures qu'ils ne le furent jamais. Les études, jadis, conduisaient assez régulièrement à des carrières où la plupart arrivaient à s'établir. Entreprendre ses études, c'était,.en quelque sorte, prendre un train qui menait quelque part (sauf accidents). Onfaisait ses classes; on passait, quitte à s'y reprendre, ses examens ou ses concours. On devenait notaire, médecin, artilleur, avocat ou fonctionnaire, et les perspectives offraient à qui prenait quelqu'une de ces voies, déjà bien .tracées et jalonnées, un sort à peu près sûr. Les diplômes, en ce temps-là, représentaient une manière de valeur-or. On pouvait compter sur le milieu social, dont les changements étaient lents, et s'effectuaient, d'ailleurs, dans un sens assez facile à pressentir. Il était possible, alors, de perdre un peu de temps aux dépens des études : ce n'était point toujours du temps perdu pour l'esprit, car l'esprit se nourrit de tout, et même de loisir, pourvu qu'il ait cet appétit où je vois sa vertu principale. Hélas ! Jamais l'avenir ne fut si difficile à imaginer. A peine le traitons-nous en esquisse, les traits se brouillent, les idées s'opposent aux idées et nous nous perdons dans le désordre caractéristique du monde moderne. Vous savez que les plus savants, les plus subtils ne peuvent rien en dire qu'ils ne se sentent aussitôt tentés de se rétracter; qu'il n'est de philosophe, ni de politique, ni d'économiste qui puisse se flatter d'assigner à ce chaos un terme dans la durée, et un état final dans l'ordre de la stabilité. Cette phase critique est l'effet composé de l'activité de l'esprit humain : nous avons, en effet, en quelques dizaines d'années, créé et bouleversé tant de choses aux dépens du passé - en le réfutant, en le désorganisant, en refaisant les idées, les méthodes, les institutions - que le présent nous apparaît comme une conjoncture sans précédent et sans exemple, un conflit sans issue entre les choses « qui ne savent pas mourir » et des « choses qui ne peuvent pas vivre ». C'est pourquoi il m'arrive parfois de dire sous forme de paradoxe : que la tradition et le progrès sont les deux grands ennemis du genre humain. Le monde est devenu, en quelques années, entièrement méconnaissable aux yeux de ceux qui ont assez vécu pour l'avoir vu bien différent. Songez à tous les faits nouveaux - entièrement nouveaux -, prodigieusement nouveaux qui se sont révélés à partir du commencement du siècle dernier... Songez quel effort d'adaptation s'impose à une race si longtemps enfermée dans la contemplation, l'explication et l'utilisation des MEMES PHÉNOMÈNES IMMÉDIATEMENT OBSERVABLES depuis l'origine ! En somme, nous avons le privilège - ou le grand malheur - d'assister à une transformation profonde, rapide, irrésistible, totale de toutes les conditions de la vie et de l'action humaines. Elle amorce sans doute un certain avenir, mais un avenir que nous ne pouvons absolument pas imaginer. C'est là, entre autres nouveautés, la plus grande, sans doute. Nous ne pouvons plus déduire de ce que nous savons, quelque figure du futur à laquelle nous puissions attacher la moindre créance. Nous ne voyons, de toutes parts, sur cette terre, que tentatives, expériences, pians et tâtonnements précipités dans tous les ordres. La Russie, l'Allemagne, l'Italie, les États-Unis sont comme de vastes laboratoires où se poursuivent des essais d'une ampleur jusqu'ici inconnue; où l'on tente de façonner un homme nouveau; de faire une économie, des mœurs, des lois et jusqu'àdes croyances nouvelles. On voit partout que l'action de l'esprit créant ou détruisant furieusement, multipliant des moyens matériels d'énorme puissance, a engendré des modifications d'échelle mondiale du monde humain, et ces modifications inouïes se sont imposées sans ordre, sans frein; et surtout sans égard à la nature vivante, à sa lenteur d'adaptation, à ses limites originelles. En un mot on peut dire que l'homme, s'éloignant de plus en plus, et bien plus rapidement que jamais, de ses conditions primitives d'existence, il arrive que TOUT CE QU'IL SAIT, c'est-à-dire TOUT CE QU'IL PEUT, s'oppose fortement à ce QU'IL EST. Et alors, que voit-on à présent? Que constate chacun de nous dans sa propre existence, dans les difficultés qu'il trouve à la soutenir, dans l'incertitude croissante du lendemain? Chacun de nous sent bien que les conditions se font de plus en plus étroites, de plus en plus brutales, de plus en plus instables, - tellement que, au sein de la civilisation la plus puissamment équipée, la plus riche en matière utilisable et en énergie, la plus savante en fait d'organisation et de distribution des idées et des choses, voici que la vie individuelle tend à redevenir aussi précaire, aussi inquiète, aussi harcelée, et plus anxieuse, que l'était la vie des lointains primitifs. Les nations elles-mêmes ne se comportent-elles point comme des tribus étrangement fermées, naïvement égoïstes? Tout ceci rend poignante et pleine de dangers la contradiction qui existe à présent entre les diverses activités de l'homme; la nature matérielle lui est de plus en plus soumise : il a profondément transformé ses notions du temps, de l'espace, de la matière et de l'énergie. Mais il n'a presque rien su reconstruire dans l'ordre spirituel et social. Le monde moderne, qui a prodigieusement modifié notre vie matérielle, n'a su se faire ni des lois, ni des mœurs, ni une politique, ni une économie, qui fussent en harmonie avec ces immenses changements, ses conquêtes de puissance et de précision. Le malaise actuel'me paraît donc être une crise de l'esprit, une crise des esprits et des choses de l'esprit. Paul VALERY, (Discours prononcé à l'occasion de la distribution des prix du collège de Sète, 13 juillet 1935), Variété TV. ...»

« Tout enseignement implique une certaine idée de l'avenir et une cer­ taine conception des êtres qui vivront ce lendemain.

C'est ici que les choses s'obscurcissent.

Vo{re situation, je vous le dis sans joie et sans ménagements, est bien plus difficile que ne le fut la nôtre.

Votre destin personnel, d'une part; le destin de la culture d'autre part; sont aujourd'hui des énigmes plus obscures qu'ils ne le furent jamais.

Les études, jadis, conduisaient assez régulièrement à des carrières où la plupart arrivaient à s'établir.

Entreprendre ses études, c'était,.en quel­ que sorte, prendre un train qui menait quelque part (sauf accidents).

On. »

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