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Discours de Gwynplaine dans ​L’Homme qui rit​, de Victor Hugo (1869)

Publié le 07/05/2023

Extrait du document

« Discours de Gwynplaine dans ​L’Homme qui rit​, de Victor Hugo (1869) L’Homme qui rit est un roman qui raconte l’histoire de Gwynplaine dans l’Angleterre du début du XVIIIe siècle. Défiguré, les lèvres coupées et la bouche fendue jusqu’aux oreilles, son visage est un rictus perpétuel qui attire les moqueries des puissants, mais qui est aussi le symbole du peuple martyrisé par l’aristocratie.

Ici, l'extrait est un discours prononcé par Gwynplaine afin de ​dénoncer la misère des campagnes anglaises de la fin du XVIIIème siècle, devant la chambre des Lords. — Ce que je viens faire ici ? Je viens être terrible.

Je suis un monstre, dites-vous.

Non, je suis le peuple.

Je suis une exception ? Non, je suis tout le monde.

L’exception, c’est vous.

Vous êtes la chimère, et je suis la réalité.

Je suis l’Homme.

Je suis l’effrayant Homme qui Rit.

Qui rit de quoi ? De vous.

De lui. De tout.

Qu’est-ce que son rire ? Votre crime, et son supplice.

Ce crime, il vous le jette à la face ; ce supplice, il vous le crache au visage.

Je ris, cela veut dire : Je pleure. Il s’arrêta.

On se taisait.

Les rires continuaient, mais bas.

Il put croire à une certaine reprise d’attention.

Il respira, et poursuivit : ​(narration qui n’est pas à lire) — Ce rire qui est sur mon front, c’est un roi qui l’y a mis.

Ce rire exprime la désolation universelle. Ce rire veut dire haine, silence contraint, rage, désespoir.

Ce rire est un produit des tortures.

Ce rire est un rire de force.

[...] Ah ! vous me prenez pour une exception ! Je suis un symbole.

Ô tout-puissants imbéciles que vous êtes, ouvrez les yeux.

J’incarne Tout.

Je représente l’humanité telle que ses maîtres l’ont faite.

L’homme est un mutilé.

Ce qu’on m’a fait, on l’a fait au genre humain.

On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l’intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. [...] Mylords, je vous le dis, le peuple, c’est moi.

Aujourd’hui vous l’opprimez, aujourd’hui vous me huez. Mais l’avenir, c’est le dégel sombre.

Ce qui était pierre devient flot.

L’apparence solide se change en submersion.

Un craquement, et tout est dit.

Il viendra une heure où une convulsion brisera votre oppression, où un rugissement répliquera à vos huées.

Cette heure est déjà venue, — tu en étais, ô mon père ! — cette heure de Dieu est venue, et s’est appelée République, on l’a chassée, elle reviendra.

[...] Tremblez.

Les incorruptibles solutions approchent, les ongles coupés repoussent, les langues arrachées s’envolent, et deviennent des langues de feu éparses au vent des ténèbres, et hurlent dans l’infini ; ceux qui ont faim montrent leurs dents oisives, les paradis bâtis sur les enfers chancellent, on souffre, on souffre, on souffre, et ce qui est en haut penche, et ce qui est en bas s’entr’ouvre, l’ombre demande à devenir lumière, le damné discute l’élu, c’est le peuple qui vient, vous dis-je, c’est l’homme qui monte, c’est la fin qui commence, c’est la rouge aurore de la catastrophe, et voilà ce qu’il y a dans ce rire, dont vous riez ! Londres est une fête perpétuelle.

Soit.

L’Angleterre est d’un bout à l’autre une acclamation. Oui.

Mais écoutez : Tout ce que vous voyez, c’est moi.

Vous avez des fêtes, c’est mon rire.

Vous avez des joies publiques, c’est mon rire.

Vous avez des mariages, des sacres et des couronnements, c’est mon rire.

Vous avez des.

naissances de princes, c’est mon rire.

Vous avez au-dessus de vous le tonnerre, c’est mon rire. Discours sur la misère, Victor Hugo devant l’Assemblée nationale (1849) Victor Hugo a rappelé à l’Assemblée l’insurrection populaire de mai 1849, causée par les difficultés sociales. Deux mois plus tard, un certain calme est revenu mais c’est à une autre paix qu’Hugo aspire. Je ne suis pas, Messieurs, de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. (Réclamations – Violentes dénégations1 à droite.) Remarquez-le bien, Messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. (Nouveaux murmures à droite.) La misère est une maladie du corps social comme la lèpre était une maladie du corps humain ; la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu ​(Oui ! oui ! à gauche)​.

Détruire la misère ! oui, cela est possible.

​(Mouvement.

— Quelques voix : Comment ? Comment ?) Les législateurs et les gouvernants doivent y songer sans cesse ; car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas le fait, le devoir n’est pas rempli.

​(Sensation universelle.) La misère, Messieurs, j’aborde ici le vif de la question, voulez-vous savoir où elle en est, la misère ? Voulez-vous savoir jusqu’où elle peut aller, jusqu’où elle va, je ne dis pas en Irlande, je ne dis pas au moyen-âge, je dis en France, je dis à Paris, et au temps où nous vivons ? Voulez-vous des faits ? [...] Voici donc ces faits.

Il y a dans Paris, dans ces faubourgs de Paris que le vent de l’émeute soulevait naguère si aisément, il y a des rues, des maisons, des cloaques2, où des familles, des familles entières, vivent pêle-mêle, hommes, femmes, jeunes filles, enfants, n’ayant pour lits, n’ayant pour couvertures, j’ai presque dit pour vêtements, que des monceaux infects de chiffons en fermentation, ramassés dans la fange3 du coin des bornes, espèce de fumier des villes, où des créatures s’enfouissent toutes vivantes pour échapper au froid de l’hiver.

​(Mouvement.) Voilà un fait.

En voulez-vous d’autres ? Ces jours-ci, un homme, mon Dieu, un malheureux homme de lettres, car la misère n’épargne pas plus les professions libérales que les professions manuelles, un malheureux homme est mort de faim, mort de faim à la lettre, et l’on a constaté, après sa mort, qu’il n’avait pas mangé depuis six jours.

​(Longue interruption.) Voulez-vous quelque chose de plus douloureux encore ? Le mois passé, pendant la recrudescence du choléra, on a trouvé une mère et ses quatre enfants qui cherchaient leur nourriture dans les débris immondes et pestilentiels des charniers de Montfaucon4 ! ​(Sensation.) Eh bien, messieurs, je dis que ce sont là des choses qui ne doivent pas être ; je dis que la société doit dépenser toute sa force, toute sa sollicitude, toute son intelligence, toute sa volonté, pour que de telles choses ne soient pas ! Je dis que de tels faits, dans un pays civilisé, engagent la conscience de la société tout entière ; que je m’en sens, moi qui parle, complice et solidaire […] ! Je voudrais que cette assemblée, majorité et minorité, n’importe, je ne connais pas, moi de majorité et de minorité en de telles questions ; je voudrais que cette assemblée n’eût qu’une seule âme pour marcher à ce grand but, à ce but magnifique, à ce but sublime, l’abolition de la misère ! ​(Bravo ! — Applaudissements) 1 Contestations. Égouts. 3 Boue, ou pourriture. 4 Lieu d’exécution des condamnés à mort. 2 Discours de Greta Thunberg, conférence de l’ONU sur « L’urgence climatique » (2019) La militante écologiste Greta Thunberg, 16 ans, s'est exprimée au sommet sur le climat de l'ONU.

Un discours puissant, à charge contre les pays les plus pollueurs et l'inaction de leurs leaders. Ce n'est pas normal.

Je ne devrais pas être ici.

Je devrais être en classe de l'autre côté de l'océan.

Et pourtant vous venez tous nous demander d'espérer, à nous les jeunes.

Vous avez volé mes rêves et ma jeunesse avec vos mots creux.

Et encore, je fais partie des plus chanceux ! Depuis plus de 30 ans, la science est parfaitement claire.

Comment osez-vous encore regarder ailleurs? Vous venez ici pour dire que vous faites assez, alors que les politiques et les actions nécessaires sont inexistantes.

Vous dites que vous nous entendez et que vous savez que c'est urgent, mais peu importe que je sois triste ou énervée, je ne veux pas y croire.

Car si vous comprenez vraiment la situation, tout en continuant d'échouer, c'est que vous êtes mauvais, et ça, je refuse de le penser. L'idée commune qui consiste à réduire nos émissions de moitié dans dix ans ne nous donne que 50% de chances de rester en dessous des 1,5° de réchauffement, et du risque d’entraîner des réactions en chaîne irréversibles et incontrôlables.

50%, c'est peut-être acceptable à vos yeux, mais ce nombre ne comprend ni les moments de bascule, ni les réactions en chaîne, ni le réchauffement supplémentaire caché par la pollution toxique de l'air ou les notions d'égalité et de justice climatique. Ces chiffres reposent aussi sur l'idée que ma génération réussira à absorber des centaines de milliards de tonnes de CO2, avec des technologies encore balbutiantes.

Donc 50%.... »

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