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ARISTOTE par Jean BERNHARDT

Publié le 18/06/2020

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« Qu'en est-il, conjointement, de la soumission aux préjugés courants et à la perception naïve par laquelle l'aristotélisme s'opposerait fâcheusement à la hardiesse critique de la science moderne? Sans insister sur les difficultés que l'on rencontrerait à tenter de définir les préjugés courants et même la perception ordinaire d'une manière stable et anhistorique, observons d'une part qu'une philosophie n'est pas d'autant meilleure et plus vivante qu'elle s'oppose plus nettement aux intuitions, manières de sentir et besoins de tout un chacun, et d'autre part que la systématisation raffinée des connaissances « vulgaires » ne pourrait jamais s'opérer sans une véritable transmutation, comportant toutes sortes de remaniements et de corrections et l'invention de concepts nouveaux, ne serait-ce que pour préciser et ordonner la confusion et la disparate inévitables des contenus admis. Mais dans cette voie en un sens assez aristotélicienne, il est impossible de s'arrêter à des rectifications de détail et Aristote n'hésite pas à prendre le contre-pied d'évidences fondamentales du sens commun, notamment celle de la mobilité et de la chute de la Terre. En effet, on s?imagine trop souvent que les Anciens croyaient spontanément la Terre au repos alors que déjà Thalès n'envisageait un tel repos que comme le résultat d'un équilibre neutralisant une tendance à tomber : c'est, dès les origines de la philosophie de la nature, aux tenants de l'immobilité et de la stabilité de la Terre, qu'il incombait de fournir la justification de leur thèse, contre la croyance commune à une chute indéfinie de la lourde masse terrestre. Aristote, pour sa part, ne compose pas, comme Thalès, avec le sens commun, il s'oppose à lui, dans les chapitres sur la Terre du traité Du Ciel, avec force raisonnements, appuyés sur l'expérience sensible, certes, mais nullement assimilables à des données perceptives simplement et immédiatement acceptées : la décision est emportée par le faisceau rationnel des preuves empiriques, au besoin contre tout embryon vulgaire et partiel de raisonnement et contre toute perception particulière, si frappants et familiers qu'ils puissent paraître. Un exemple net de disqualification de la perception est fourni par le traitement aristotélicien du mouvement du Soleil : contrairement, là encore, à ce que l'on imagine d'ordinaire, les Anciens percevaient le soleil immobile dans le ciel et en rotation sur lui-même; il était parfaitement possible d'observer sans lunette, à travers les brumes de l'aube ou du crépuscule, le mouvement des plus grosses taches solaires. Aristote fait état de ces observations et pour les réduire à une illusion, qu'il explique par l'éloignement : « La vue, en s'étendant au loin, devient vacillante et faible. Telle est sans doute aussi la raison du scintillement apparent des étoiles fixes et de l'absence de scintillement des planètes. » Cette interprétation permet au traité Du ciel de réduire le soleil à la loi commune des astres, « transportés immobiles sur les cercles auxquels ils sont fixés ». Ainsi procédait le philosophe qu'on nous présente si souvent comme idéalisant la perception naïve : il savait bien, tout aü contraire, distinguer les données irréfutables de la sensibilité des interprétations sujettes à erreur et à discussion, il savait dissocier du sensible les significations contestables dont le recouvre un jugement discrètement habituel. Doit-on, enfin, reprocher à Aristote l'élaboration d'une logique qui n'a tendu à se compliquer formellement loin de la vie que. chez les scolastiques tardifs, plus orientés vers les subtilités de la théologie que vers l'étude de la nature dont Aristote lui-même fut un observateur passionné? Cela sans compter que les raffinements d'un formalisme ne se réduisent nullement à une gymnastique dépourvue de sens; notre époque est en position d'apprécier mieux que d'autres une dette substantielle envers cet aspect de la tradition aristotélicienne. Et ce n'est qu'un aspect : à qui se donne la peine de lire les œuvres du philosophe, ne peuvent vraiment échapper sa richesse et sa puissance, écrasantes peut-être et stérilisantes pour certains esprits trop dociles, gênantes aussi pour certains penseurs trop différents, mais visiblement fécondes, d'une manière ou d'une autre, pour les plus grands. Le logicien a inspiré Kant, le biologiste Darwin, l'économiste Marx, à ne citer que des maîtres, dont la pensée reste très vivante parmi nous et qui tous ont considéré Aristote comme un astre de première grandeur. Ceux-là même qui ont eu à combattre sévèrement sa doctrine ont souvent ressenti la force créatrice de sa pensée et ont bénéficié de ce qu'ils combattaient en lui. Ainsi Galilée : la distance est bien faible d'une tbèse à celle qui la nie et se pose immédiatement par cette simple négation; Or sans prétendre diminuer l'originalité du père de la révolution scientifique moderne, il serait aisé de montrer, si c'en était ici le lieu, que les conceptions maîtresses du mécanisme prennent à peu près directement le contrepied de celles de la physique aristotélicienne. Beaucoup des éléments théoriques de ce choix décisif pour la société de notre temps sont même présents déjà chez l'ennemi vénérable, quoique avec une moindre importance et un sens different. Les travaux que toute une armée de spécialistes consacrent de nos jours à Aristote semblent tendre de plus en plus à faire revivre, derrière la figure du Professeur dogmatique, les difficultés, les efforts, les nuances, les méthodes de travail individuel et collectif d'un grand Chercheur. L'œuvre et son élaboration progressive C'est dans cet esprit que l'on s'est essayé à reconstituer les étapes de sa pensée, qui se présente à nous dans le bloc massif du Corpus publié à Rome au temps de Cicéron. Etrange est l'aventure (romancée?) qui aboutit à cette édition : avec elle resurgit un Aristote oublié très vite, semble-t-il, dans l'école du Lycée, passé d'héritage privé en héritage privé, confiné non sans dommage à l'abri de certaines convoitises dans une cave de Skepsis, en Troade, et finalement transféré d'Athènes à Rome par les soins de Sylla. Mis à part quelques écrits connus à Athènes et à Alexandrie, cet Aristote technique et « ésotérique » — notes et ouvrages d'enseignement —, était très différent de celui que l'on pratiquait jusque-là : l'Aristote fleuri des dialogues platonisants et des morceaux d'éloquence dans la manière d'Isocrate. On se désintéressa progressivement de cette œuvre « exo-térique » qu'admirait Cicéron et il n'en reste plus que quelques maigres fragments. Le Corpus lui-même qui l'a ainsi supplantée. est loin de nous offrir la totalité des travaux techniques d'Aristote, si l'on en croit les anciens; on se rassurera toutefois si l'on considère à la fois l'importance intrinsèque de la collection et le fait que les trois catalogues qui nous sont parvenus recouvrent à peu de chose près son contenu. Cela admis, la question se pose de savoir non seulement comment s'enchaînent ces deux Aristote, mais aussi comment s'est élaboré le Corpus, ensemble vaste et non toujours exempt de contradictions ou de divergences internes, que l'on a tenté d'étaler et de dissocier dans un développement historique. Il faut reconnaître que les résultats ne sont pas à la hauteur de l'intérêt que présente cette tentative, faute de moyens analogues à ceux qu'autorise le texte de Platon, dont la rédaction développée et la présentation organique supportent l'application de critères formels, indépendants du contenu philosophique. Nous esquisserons ci-dessous les grandes lignes les plus probables, en les situant dans la biographie générale du philosophe, qui est mieux connue. Né en 384 avant Jésus-Christ à Stagire, colonie ionienne de la Chalcidique (actuelle Thessalonique), Aristote appartient à une famille grecque au service du roi de Macédoine : son père, Nicomaque, était médecin de celui de Philippe. A dix-huit ans, il arrive dans la métropole culturelle, Athènes, où il préfère à l'enseignement rhétorique d'Isocrate la formation de l'Académie; il rencontre Platon pour la première fois au retour du deuxième voyage à Syracuse, en 365, et ne quitte plus l'Académie jusqu'à la mort du maître, soit dix-sept ans plus tard. Une première période se délimite ainsi, marquée, en dépit de certains désaccords et d'une originalité grandissante, par une impressionnante fidélité. Ses premiers ouvrages importants sont sans doute l'Eudème, ...»

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