54H ISTOIRE D E L A L ITTÉRATUREL es G rands R hétoriqueurs.

« 1 / 2 54 HISTOIRE DE LA LITTÉRATURE Les Grands Rhétoriqueurs.

La codification de la poésie a entraîné, au xve siècle, - comme elle devait le faire au temps du Parnasse, - la multiplication des poètes; dès qu'un art révèle ses lois, les médiocres abondent.

qui y voient des recettes somme toute faciles à utiliser.

L'aboutissement normal de ce souci de la forme, ce sont les Grands Rhétoriqueurs.

II semble que Chastellain soit leur maître.

A sa suite, figés dans les formes désormais traditionnelles de la poésie : ballades, rondeaux, dans les thèmes obliga­ toires d'amour et de morale, et dans les procédés indéfiniment utilisés de l'allégorie, incapables de cher­ cher dans la qualité particulière de leur âme un renou­ vellement de l'inspiration, les poètes ne peuvent faire œuvre originale qu'en compliquant la disposition des rimes.

Certes un Eustache Deschamps s'était parfois amusé à ces acrobaties, mais ceux-ci font mieux 1 On ne saurait imaginer jeu plus vain, plus contraire à la vraie poésie que ces complications arbitraires.

Et cependant, il y a dans ces puérils exercices, la lueur au moins d'une vérité poétique, c'est que le travail de la forme est un élément essentiel de la beauté artistique.

D'ailleurs, leur effort n'a pas été vain : ce sont eux qui ont imposé l'alternance des rimes féminine et mas­ culine et l'interdiction de couper le vers par une césure après un e muet non élidé.

Quelques noms se détachent dans ce groupe des Grands Rhétoriqueurs.

Jean Molinet, dont l'ouvrage de théorie poétique l'Art et la Science de Rhétorique (1493) jouit d'un long crédit, comme Le Grand et Vrai Art de Rhétorique de Pierre Fabri (1521); Guillaume Crétin, si estimé de Marot; Jean Bouchet, analyste minutieux du cœur amoureux, et moraliste tout éclairé d'antiquité; Jean Meschinot (1415?-1491) prodigieu­ sement habile, et dont les Lunettes des Princes (1493), où sont rassemblées ses œuvres, offrent la meilleure 2 / 2. »