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Les échanges (cours de philosophie)

Le premier pas dans cette direction est une réflexion sur l'échange ou les échanges parce que toute action est interaction, et parce que le monde humain est inter-humain. La vie est déjà un ensemble d’échanges entre l'organisme et son milieu de vie, même au niveau des organismes élémentaires. Au niveau humain, les échanges constituent le fait premier : ils sont à l’origine du langage et de toute société, quelle que soit sa structure. Tout est échanges, depuis l’échange de gaz carbonique contre de l’oxygène, opéré par nos globules dans les poumons, jusqu’aux problèmes économiques les plus complexes de circulation des biens à l’intérieur des frontières nationales ou entre les pays du monde. L’importance actuelle, dans tous les domaines, des communications et des moyens (et des voies) de communication traduit la nécessité croissante des échanges. Le fait paradoxal que l’on puisse échanger des injures, des coups de feu, des coups de canon, aussi bien qu’échanger des cadeaux, des caresses, des serments ou des idées, prouve bien que la relation inter humaine est le donné fondamental, quelles que soient ses modalités, ses vicissitudes et même ses maladies.

— I — Les échanges physiques et biologiques.

1 — Au niveau des atomes. Lucrèce expliquait dès le Ie siècle avant J.-C. que tant que les atomes tombent parallèlement dans le vide, aucun corps physique n’est possible. Seule leur déviation (le clinamen), en les faisant se rencontrer, crée les corps, les organismes et le monde. De nos jours, la chimie ne nous montre qu’une gigantesque et quasi infinie variation sur l’échange des particules.

2 — Au niveau physique, ce sont les échanges d’énergie qui jouent le rôle fondamental, ainsi que les rapports de forces, particulièrement en thermodynamique et en mécanique.

3 — Au niveau biologique, le phénomène est encore plus évident. Nous avons vu que tout organisme ne subsiste et ne se développe que par des échanges non-quelconques avec son milieu écologique, et par des échanges internes au niveau de ses tissus et organes. A ce niveau, l’échange montre le caractère essentiel du feed-back, c’est-à-dire de la réaction en retour, car l’échange n’est pas simplement émission ni réception, mais une relation à deux voies, un aller-retour. La théorie générale des systèmes de Bertalanffy (qui est ici un « modèle » plus sûr que la cybernétique) pose que les systèmes vivants sont ouverts sur l’extérieur, reçoivent des informations ou des impacts (imputs), se modifient, réagissent, interviennent sur le milieu, et ont connaissance de ces effets (feed-back) pour réguler leur action en vue d’un équilibre bio-écologique.

4 — L’accroissement d’être par l'échange. La biologie est là pour nous prouver que cet « équilibre bio-écologique » n'est pas statique. C’est seulement dans le monde physique que l’équilibre peut produire, dans certains cas, l’immobilité (et encore, à notre échelle, pour notre perception humaine), tel l’équilibre d’une goutte en suspension dans un liquide de densité plus faible. Le circuit de l’échange accroît l’être, de même d’ailleurs, comme nous le verrons, que la multiplication des échanges et des liens sociaux enrichit la personne humaine alors que l’isolement l’atrophie, la débilite et la rend malade. Echanger n’est donc pas du tout à comprendre selon une image de vases communiquants où les différences s’atténuent par le nivellement. L’échange est dynamique et vivifiant ; on ne perd rien en donnant. Pour bondir d’un seul coup à une forme d’échange hautement philosophique, signalons le progrès que constitue la dialectique par rapport à l’opposition bloquée entre les concepts classiques (être et non-être, la matière et l’esprit, l’âme et le corps, idéalisme et matérialisme). Hegel (1770-1831) a été le philosophe qui a le plus clairement mis l’accent sur l’importance du rapport, de la relation et sur la dynamique créatrice que recèle la relation elle-même.

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