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Le désir (cours de philosophie)

Si le langage courant utilise le mot en des sens assez différents (on dira « désir » pour une velléité sans force réelle aussi bien que pour une tension de tout l'être comme dans le désir de la mort), c'est que le désir est susceptible de formes diverses et de degrés variés.

— I — Nature du désir.

Il importe de distinguer Désir et besoin, volition, motivation, demande. A première vue, il n'y a pas de désir sans besoin. Mais l'inverse ne semble pas vrai : en effet notre organisme a des besoins (en eau, en acides aminés, en glucides, en calcium, en vitamines, en sel, etc., etc.) qui ne sont pas considérés comme des désirs, et qui sont couverts par des automatismes (les fonctions physiologiques de la digestion) bardés d'une série de réflexes présidés par des centres régulateurs situés dans les noyaux du bulbe, de la protubérance et de l'hypothalamus. A l'analyse cependant, c'est seulement une question de degré de conscience qui distingue ces besoins là des désirs. Si la soif est un désir d'eau, il n'y a pas de raison que le besoin de glucides ne soit pas à l'origine d'un goût accentué pour les sucre ries, ou que le besoin d'oxygène ne motive pas le désir d'évasion vers la campagne ou la montagne. Le besoin, comme le désir, signale un manque, et, à la limite, le désir devient volition ou même Vouloir, pour combler un manque grandissant, mettant en jeu la totalité du potentiel de la conscience en quête de l'« objet satisfacteur ».

1 — Selon la conception classique, le désir n'est qu'une forme de la tendance et de la volonté. « La tendance est sous le désir et le désir sous la volonté » dit Lachelier, retrouvant là paradoxalement les opinions d'un sensualiste comme Condillac, pour qui le désir est l'énergie profonde capable de mouvoir l'individu, et donc l'essence du vouloir. Disons cependant que pour Condillac, c'est l'expérience du plaisir qui provoque le désir, alors que pour Lachelier, c'est la volonté qui serait déjà ses formes inférieures que sont le désir ou la tendance, déjà recherche active de quelque chose, orientation de la conduite.

2 — Selon Freud, le désir se réfère nécessairement à une expérience de satisfaction. C'est donc un besoin qui connaît ou qui a connu son accomplissement et qui le cherche à nouveau. Cependant cette recherche peut se satisfaire hallucinatoirement ou dans l'imaginaire. Le désir, par là, est lié au fantasme (image de la satisfaction résolvant un conflit ou une tension intérieure sans tenir compte du réel). Dans la théorie psychanalytique de Lacan, le désir s'oppose au besoin et à la demande : — le besoin est recherche d’un objet réel du monde extérieur ; la « demande » s'adresse à autrui, se formule et se discute (rôle du langage). Le désir ne tient compte ni du réel ni d’autrui comme interlocuteur, il poursuit un imaginaire (un fantasme) et cherche à s'imposer avec absolutisme à autrui.

3 — D’un point de vue purement descriptif, le désir est d’abord lié à un plaisir. Il est tension vers un plaisir, c’est à dire vers une situation de satisfaction, comblant le désir. Le Désir est orienté vers une fin ou but, et ce but est Valeur pour le moi. Des valeurs concrètes comme la chaleur, l’aliment, l’air, la sécurité, l’amour sont les buts de désir primaires ; le désir sexuel est de cet ordre. Le désir de réalisation de soi, désir d’être, est d’un autre ordre, et correspond à des aspirations humaines spécifiques, celles de la Personne. Dans cette perspective le but est un idéal et il implique l’Avenir autant que le milieu interhumain. Les désirs liés à des satisfactions primaires orientent la conduite vers la situation de comblement du désir. Cette situation est imaginée plutôt que prévue ou recherchée de manière réaliste et organisée, et cette représentation fascine la conscience désirante au point qu’elle en est entièrement captive (perte de la réflexion et du sens du réel ou d’autrui). Le désir est appropriation imaginaire de l’« objet satisfacteur » et tend à s’emparer des moyens de cette approbation. Le désir peut donc être défini comme la fascination de l'image de réalisation d'un besoin ou d'un vouloir, évoqués et attisés par cette représentation même. S’il existe des désirs inconscients, l’assouvissement est forcément de l'ordre du rêve ou du symptôme névrotique (exemple : désir de se faire reconnaître comme viril chez l’exhibitionniste masculin), avec toutes les métamorphoses que peuvent utiliser le rêve ou le symptôme. Dans la rêverie, les désirs sont conscients, et se satisfont par l’imaginaire. Dans la concupiscence, l’objet satisfacteur est à proximité, et le désir, allumé par sa présence, risque de se transformer en impulsion brutale. Dans le désir de la mort, le paradoxe apparent vient de ce que la mort n’est pas représentée comme un anéantissement ou une privation, mais fantasmée comme satisfaction absolue ou comme soulagement.

— II — La frustration.

Si la possession ou la jouissance de l’objet satisfacteur fait tomber la tension, apaise le désir, comble le besoin (au moins momentanément), tout obstacle sur la voie de la satisfaction, rendant celle ci...

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