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LE COMMENTAIRE LITTÉRAIRE (séries générales)

1 Qu’attend-on de vous?

1- LES INSTRUCTIONS OFFICIELLES

Les Instructions officielles, après avoir rappelé I'objectif de l'enseignement du français au lycée, apportent des précisions importantes relatives au commentaire littéraire. En les lisant attentivement, vous apprendrez quelles sont les caractéristiques de l'exercice.

A - LE TEXTE DE LA NOTE

(B.O. spécial N° 10, 28 juillet 1994; note du 17 janvier 1996) «L’épreuve porte sur un texte, relevant des divers genres littéraires (poésie, théâtre, récit, littérature d’idées...). La dimension du texte est d’une vingtaine de lignes ou de vers (sans exclure pourtant le sonnet ni, le cas échéant, un extrait d une quarantaine de lignes d'une pièce de théâtre). Le texte ne doit comporter aucune coupure. Il est accompagné de toutes les références et indications indispensables (titre de l'œuvre, date de publication, notes éventuelles et, si besoin est, indications sur le contexte précis dans lequel le passage prend sens). »

L’épreuve comporte deux parties, la première notée sur 4 points, la seconde sur 16 points.

1 - Première partie : deux ou trois questions d’observation du texte.

Ces questions sont avant tout de l’ordre du repérage et de l’examen méthodique. Elles ont pour fin de guider l’investigation et d’ouvrir des perspectives sur le fonctionnement et l’interprétation du texte, qui seront pris en compte dans la seconde partie de l’épreuve. Les réponses à ces questions doivent être entièrement rédigées.

2 - Deuxième partie : un commentaire composé du texte.

Ce commentaire ne fait pas l’objet d’un libellé particulier. Il doit répondre aux principes généraux de l’exercice, c’est-à-dire présenter avec ordre un bilan de lecture organisé de façon à donner force au jugement personnel qu’il prépare et qu’il justifie. Les opérations de repérage préalable et d’examen méthodique n’épuisent évidemment pas le travail d’observation nécessaire à l’élaboration du commentaire. Plusieurs types de présentation sont possibles selon la nature du texte. Le candidat peut par exemple s’attacher à caractériser le texte en allant de l’observation à l’interprétation. Il peut reconstruire les étapes successives de la lecture et de la découverte. Il peut encore s’inspirer des structures mêmes du texte et de sa composition ou organiser son commentaire d’après les effets qui s’y développent. Seule est exclue une présentation qui distinguerait artificiellement entre le fond et la forme, ou bien encore qui ferait se succéder au fil du texte, sans lien entre elles et sans perspective, des remarques ponctuelles et discontinues. Un commentaire ne saurait consister en une poussière de remarques.

B - L’ÉVALUATION

Elle apprécie les copies selon trois critères essentiels : une lecture littéraire pertinente ; une composition efficace et une formulation nuancée; l’expression d’une sensibilité personnelle. L'unité du fond et de la forme doit être respectée.

3. Les critères d'évaluation

Savoir lire... ... composer... ... exprimer une sensibilité littéraire.

2 - LES PRINCIPALES CARACTÉRISTIQUES DE L'EXERCICE

Pour comprendre la finalité du deuxième sujet, il est indispensable que vous réfléchissiez au préalable sur la nature des textes proposés et sur la démarche que l’on attend de vous. Les sujets proposés sont le plus souvent tirés d’œuvres majeures, des XIXe et XXe siècles ; cela n’interdit pas le choix de textes moins célèbres afin d’éviter les idées toutes faites et de mieux évaluer les réactions personnelles des candidats : ainsi, un poème de Claude Roy, extrait du recueil "Clair comme le jour" (1943) et proposé en 1996, est peu connu mais développe, à travers l’évocation lyrique d’une baigneuse endormie, des thèmes poétiques importants (l’amour, la sensualité, la mort) qui inscrivent l’extrait dans un mythe fondateur en poésie, celui d’Orphée.

A - L’EXERCICE PORTE SUR UN TEXTE LITTÉRAIRE

Tout processus de communication orale ou écrite comporte quatre éléments : le destinateur qui en est la source, le destinataire qui en est le récepteur, le message qui constitue l’objet de la communication et le référent, c’est-à-dire le contexte, la situation, les objets auxquels renvoie le message. C’est ainsi que le texte littéraire est écrit par un auteur à l’intention de lecteurs et qu’il se réfère à un certain type de réalité. Mais, à la différence d’un message écrit ordinaire qui peut faire par exemple l’objet du premier sujet au Baccalauréat, il dépasse la seule fonction utilitaire dans la mesure où il intéresse, émeut et plaît à la fois, et de façon indissociable, par sa signification et par la forme (entendue au sens large d’organisation d’ensemble et de style) qui la constitue et la propose. Il a certes un sens, car la littérature, contrairement aux autres arts, ne peut échapper, à quelques rares exceptions près, à cette contrainte, dans la mesure où elle utilise le code de la langue, commun à l’écrivain et à ses lecteurs ; mais sa visée se situe au niveau artistique. Il signifie plus parce que différemment. Ainsi le poème bien connu de Du Bellay, « Las, où est maintenant... » {"Regrets", VI), ne saurait se réduire à la confidence poignante d’un exilé qui doute de son propre génie ; pour s’en tenir à un seul aspect, toute une étude pourrait être consacrée à la technique du sonnet, forme littéraire qui, dans ses limites étroites, enferme ici une pensée et un sentiment. Tous les dictionnaires s’accordent précisément pour définir la littérature comme l’ensemble des œuvres écrites marquées par des préoccupations esthétiques, c’est-à-dire ayant un certain caractère de beauté. La littérature, en effet, superpose au code de la langue un code esthétique complexe et, à une époque donnée, un texte est considéré comme littéraire quand il échappe aux usages de la pratique courante et suscite chez ses lecteurs un plaisir tout aussi complexe en s’adressant à leur intelligence, à leur sensibilité et à leur goût. Ainsi « Le Dormeur du val » de Rimbaud, publié en 1870, n’est pas seulement une « chose vue » au cours de la guerre franco-prussienne, où les Ardennes, pays natal du poète, venaient d’être un champ de bataille (la défaite de Napoléon III à Sedan date du 2 septembre), mais il témoigne avant tout par ses qualités d’écriture (habileté de la composition, science du vocabulaire et du rythme, impressionnisme des couleurs) de la précocité d’un jeune écrivain. À une époque donnée avons-nous dit, mais encore au-delà, car l’œuvre littéraire tend à l’universel et à l’intemporel par sa perfection et par les échos qu’elle éveille dans la sensibilité des hommes ; elle franchit les barrières de l’espace et du temps, qu’il s’agisse de romans comme "La Chartreuse de Parme" de Stendhal, de recueils poétiques comme Les Contemplations de Hugo, de pièces de théâtre comme Dom Juan de Molière. Dernière caractéristique enfin : le contenu d’un texte littéraire, en apparence fixe, varie avec les lecteurs et avec le temps, en fonction de l’évolution des sociétés et de leurs systèmes de valeurs. Une partie du message se trouve modifiée et reconstruite, et c’est à ce prix que l’œuvre parle à de nouveaux admirateurs et se prête a une multiplicité de significations, témoin les interprétations critiques nombreuses auxquelles le théâtre racinien a donné lieu, notamment au cours des dernières décennies. Une lecture digne de ce nom ne saurait être passive, car le sens est toujours à construire. À ce type de communication que nous venons de définir correspond un langage, dont vous devez avoir présente à l’esprit la spécificité quand vous abordez l’étude d’une page littéraire. En voici les principales caractéristiques : • La primauté du texte. Même si le monde représenté est donné comme identique à celui existant en dehors de l’œuvre, il reste un effet du texte : le Paris de "La Comédie humaine" (voir par exemple dans l'Histoire des Treize, au début de "Ferragus" : « Paris est le plus délicieux des monstres... ») nous renseigne beaucoup plus sur un certain traitement de l’image littéraire de la capitale au xixe siècle que sur ce qu’elle était réellement sous la Restauration. • La création à partir du langage commun de sens seconds, les connotations qui donnent au texte son véritable sens et imposent une lecture à plusieurs niveaux. Par exemple les connotations esthétiques et historiques de la course des mineurs à travers la plaine de Montsou dans "Germinal" (5e partie, chap. 5) assimilent les manifestants à une meute de loups et le tableau réaliste, voire expressionniste, qui en résulte renvoie en même temps à une certaine image de la Révolution française. • La prédominance de la fonction poétique qui met en évidence les structures et la forme de l’œuvre pour lui apporter par les rythmes, les sonorités et les images, un effet de sens supplémentaire, plus perceptible généralement en poésie qu’en prose.

B - LES QUESTIONS D’OBSERVATION DU TEXTE

Après les lectures initiales, suivies de l’examen minutieux du texte, vous êtes en mesure de répondre aux deux ou trois questions d’observation qui constituent la première partie de l’épreuve. Celles-ci consistent, selon le genre littéraire, en des relevés et des identifications sur l’organisation logique des paragraphes, des strophes, sur la valeur des temps, des modes, sur le système d'énonciation, la typologie du texte, les champs lexicaux, les points de vue narratifs, le récit, le discours, les formes poétiques, le mètre du vers, les figures de style, la tonalité. Il s'agit donc pour vous d'utiliser votre connaissance des outils d'analyse littéraire, que vous pratiquez depuis la classe de seconde, et qui concernent précisément le texte romanesque, le texte poétique et le texte théâtral, même si ce dernier, pour diverses raisons, se rencontre peu dans ce type d'exercice. Ces questions représentent un premier champ d'investigation et vous aident à mettre en place des hypothèses de lecture pour le commentaire composé qui suivra. Il importe que vos réponses soient entièrement rédigées et révèlent une pensée structurée. Par exemple, si l'on vous demande de relever les indications spatiales qui entrent en jeu dans un texte, il convient bien sûr de citer les différentes occurrences en les intégrant, si possible, à votre propre discours, mais aussi de les présenter de telle manière qu’elles montrent que vous avez saisi leur fonction dans l'économie du texte. Ces questions n'appellent pas de longs développements ; cependant rien ne vous interdit, bien au contraire, de conclure votre réponse par une brève phrase d'analyse qui indique que vous avez saisi l’enjeu de la question. D'une manière générale, prenez garde à ne pas passer trop de temps sur cette première partie de l'épreuve ; elle réclame un traitement précis et rapide. La répartition des points de ces questions peut d'ailleurs vous donner des indications utiles sur F ampleur de la réponse attendue. Sachez enfin que vous pouvez utiliser à l'intérieur de votre commentaire composé les observations faites en répondant aux questions de cette première partie; cependant, veillez à reformuler vos propositions et bien sûr à ne pas limiter votre commentaire composé à ces seules observations.

C - LE COMMENTAIRE COMPOSÉ EST UNE EXPLICATION SYNTHÉTIQUE

À la différence du commentaire analytique et suivi, qui consiste à étudier le texte ligne à ligne, vers à vers, dans son déroulement, le commentaire composé ordonne avec méthode les principaux centres d’intérêt découverts à la lecture. Il présente un choix de points de vue permettant de rendre compte le mieux possible, dans un ordre logique et d’intérêt croissant, de la facture du texte dans ses diverses composantes. Il en résulte une organisation particulière du devoir qui fait songer à une dissertation qui se limiterait à une page de prose ou de poésie. Vous ne vous étonnerez pas d’y retrouver par conséquent : - une introduction, qui présente le texte tout en annonçant la problématique et la démarche adoptées ; - un développement obéissant à une orientation d’ensemble et à une progression dans l’intérêt, dont chaque partie constitue l'énonce et la justification d’un jugement porté sur la page ; - une conclusion sous forme de synthèse susceptible d’élargir les perspectives en suggérant à partir des thèmes étudiés une réflexion nouvelle. Il va de soi, cependant, qu’il n’existe, pas plus qu’en dissertation, de plan passe-partout puisque les textes sont d’une diversité infinie et que chacun d'eux parle de façon différente à chacun de ses lecteurs.

3 - COMMENT VOUS PRÉPARER ?

A - LA PRÉPARATION AU COURS DE L’ ANNÉE

Un exercice de ce genre exige un minimum de culture, et d’abord dans le domaine linguistique. Quelques connaissances phonétiques (entre autres l’Alphabet phonétique international) peuvent vous aider quand vous abordez les problèmes prosodiques. De même il est important que vous enrichissiez votre vocabulaire pour réduire les difficultés que n élucident pas les notes fournies ou le libellé du sujet et pour lire une page de n’importe quelle époque, depuis le XVIIe siècle jusqu’à nos jours ; un commentaire compose ne peut s'élaborer qu’a partir d’une attention scrupuleuse à la lettre du texte et à ses mots clés. Vous consulterez donc fréquemment un dictionnaire. Par ailleurs une culture littéraire est indispensable à la compréhension et à l’appréciation des textes. L’histoire littéraire permet de connaître les grands courants et les doctrines marquantes d’une époque: comment apprécier par exemple l’originalité de certains poèmes du XVIe siècle sans vous référer au pétrarquisme, à l’humanisme, aux théories de la Pléiade ? De plus, le plaisir du texte s’accroît quand on perçoit dans les pages étudiées la réécriture volontaire ou involontaire, explicite ou implicite, d’œuvres antérieures, s’il est vrai, comme on l’a dit, que tout livre « pousse sur d’autres livres » (Julien Gracq). Vous aurez donc intérêt à lire avec attention les chefs-d’œuvre de notre littérature, à commencer par ceux que vous étudiez traditionnellement dans vos classes, comme "Le Père Goriot" de Balzac, "Le Rouge et le Noir" de Stendhal, "Madame Bovary" de Flaubert ou "Les Fleurs du mal" de Baudelaire. Il faut par la même occasion vous donner les moyens d’une exploration méthodique en acquérant des instruments adéquats : un: vocabulaire critique élémentaire (lyrisme, satire, élégie... ; pathétique, dramatique, tragique, etc.), la technique des grands! genres (récit, romanesque ou non, poésie, théâtre, textes discursifs) et les procédés stylistiques. On ne peut, en effet, définir le statut littéraire d’un texte sans étude préalable de son écriture. La meilleure façon d’acquérir les outils d’analyse indispensables consiste à suivre une démarche à trois temps : lecture des œuvres marquantes, assimilation de la documentation théorique, et retour aux textes. Enfin, pour commenter une page littéraire, notamment dans certaines œuvres qui s’inspirent fortement, de la réalité comme les "Mémoires d’outre-tombe" de Chateaubriand ou "L'Éducation sentimentale" de Flaubert, il vous est nécessaire de bien connaître l’arrière-plan historique, politique et culturel, tant celui qu’évoquent le récit ou la fiction que celui de la création de l’œuvre.

B - LA PRÉPARATION LE JOUR DE L’ÉPREUVE

L’élaboration d’un commentaire composé, quelles que soient les habitudes de travail de chacun, s’effectue en quatre temps: 1. une analyse d'ensemble du texte à l’aide de trois lectures, qui, si elles sont bien faites, fournissent des éléments pour la suite; 2. une recherche analytique des centres d’intérêt, un peu analogue à celle à laquelle vous procédez dans une explication linéaire; 3. l'élaboration des grandes lignes d'un plan qui, peu à peu, deviendra plus complexe et plus détaillé ; 4. la rédaction définitive du commentaire. Ces étapes constitueront tout naturellement les quatre parties selon lesquelles s’ordonneront nos conseils de méthode. Au préalable, toutefois, deux commentaires entièrement rédigés vous montreront le travail que l’on attend de vous.

 

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