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La liberté (auteurs + citations)

Antiquité : la croyance au destin
Le destin : ce qui est pré-dit
En grec, destin se dit : eïmarménè ; c’est le «lot», la «part» (gr. : méros) qui a été assigné(e) à chacun.
En latin, destin se dit : fatum et signifie littéralement : «ce qui est pré-dit» (cf. le verbe latin fateor, qui, comme le verbe grec phémi, signifie : «parler», «dire», ainsi que le latin in-fans, «l’enfant», «celui qui ne parle pas»).
Le destin, maître de tout
«Zeus très haut [...] conduit tout à sa fin» (Eschyle, Les Euménides).
Les Stoïciens : le destin comme Providence
«Quoi qu’il t’arrive, cela t’était préparé de toute éternité et la trame serrée des causes liait depuis toujours ta substance à ce qui lui arrive» (Marc-Aurèle [philosophe stoïcien], Pensées, V, 5).
Descartes : le libre arbitre
L’«évidence» de la liberté
«Il est si évident que nous avons une volonté libre, qui peut donner son consentement ou ne pas le donner quand bon lui semble, que cela peut être compté pour une de nos plus communes notions» (Descartes, Principes de la philosophie, I, § 39 - 1644).
La liberté : un pouvoir absolu de choisir
«Il n’y a que la seule volonté que j’expérimente en moi être si grande que je ne conçois point l’idée d’aucune autre plus ample et plus étendue» (Méditations métaphysiques, IV - 1641). La liberté est ou n’est pas : la posséder, c’est posséder sans restriction le pouvoir de dire oui ou non.
La liberté comme indifférence positive
La liberté d’indifférence n’est pas seulement, selon Descartes, la marque de notre ignorance. L’indifférence, ce peut être aussi, d’après une lettre tardive à Mesland (1645), «une faculté positive de se déterminer à l’un ou l’autre de deux contraires».
Spinoza, Leibniz : l'illusion de la liberté
Leibniz : la liberté d’indifférence n’existe pas
«Lorsqu’on prend un parti par caprice, pour montrer sa liberté, le plaisir ou l’avantage qu’on croit trouver dans cette affectation est une des raisons qui y portent» (Leibniz, Essais de Théodicée, § 45 - 1710). L’indifférence n’existe pas : la feindre, c’est encore confirmer que nos actions sont toujours motivées, dépendent toujours de quelque cause.
Spinoza : la liberté est connaissance de la nécessité
«Les hommes se trompent en ce qu’ils se croient libres ; et cette opinion consiste en cela seul qu’ils ont conscience de leurs actions et qu'ils sont ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés ; ce qui constitue donc leur idée de la liberté, c’est qu’ils ne connaissent aucune cause de leurs actions» (Spinoza, Éthique, II, scolie de la proposition 35 - 1677).
Marx, Nietzsche, Freud : la liberté, une fiction bien commode
Nietzsche : la liberté, une invention des prêtres
Le christianisme a cru nécessaire «l’hypothèse» de la liberté afin de «décharger l’ens perfectum [l’être parfait] de la responsabilité des modalités de ce monde, bref, pour expliquer la méchanceté et le mal» (Nietzsche, La Volonté de puissance).
Marx et Freud : «petits bénéfices» idéologiques de la croyance au libre arbitre
La psychanalyse, le marxisme, et, plus généralement, les «sciences» humaines, tendent à réduire le sentiment de la liberté à une simple ignorance de ce qui motive nos actions, voire à un maquillage plus ou moins conscient de ce qui guide notre conduite.
Ainsi, selon le marxisme, les discours généraux sur la liberté économique («libre marché», «liberté d’entreprendre», etc.) ne constituent généralement que l’expression à peine déguisée des intérêts très matériels de la classe des entrepreneurs.

 
Résumé : La liberté apparaît donc comme une idée essentiellement moderne : les Anciens croient plutôt au destin. Descartes a fait de la liberte un pouvoir absolu de dire oui ou non en toute circonstance. Ses successeurs (Spinoza, Leibniz), puis, beaucoup plus tard, Marx, Nietzsche et Freud, n’ont cessé de souligner que la certitude d’être libre se ramène bien souvent à l’ignorance des causes qui nous déterminent.
Malgré son apparente évidence, la croyance en une liberté, c’est-à-dire en une indétermination absolue, paraît singulièrement abstraite.
Il demeure que chaque individu, fût-il le produit d’une société et d'une époque déterminées, d’une famille et d’une classe sociale, semble toutefois disposer d’une certaine marge d’initiative sans quoi ni la louange ni le blâme n’auraient de sens. •

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