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La connaissance du vivant (cours de philosophie)

Les sciences biologiques font partie des sciences expérimentales. La question qui se pose d'abord est donc celle de savoir si la vie constitue un domaine distinct où agissent des forces non réductibles aux forces physicochimiques, et si les méthodes des sciences physiques peuvent être utilisées en biologie.

— I — Les caractères distinctifs des êtres vivants.

Le problème semble avoir été renouvelé ces dernières années par la découverte d'"intermédiaires" entre matière inanimée et organismes, ce qui rétablirait la continuité entre les deux grands champs d'application de la science expérimentale. Quels sont ces intermédiaires ?

1 — Le problème de la continuité entre la matière et la vie. La vieille distinction entre formes "inanimées" et formes "animées" est battue en brèche.

A — Déjà la synthèse des corps chimiques organiques avait porté un premier coup. La synthèse de l'urée, réaliste pour la première fois en 1828 par Woehler et le renouvellement complet de la biochimie opéré par Berthelot dans la deuxième moitié du xixe siècle, avaient rejoint les instructions données par Claude Bernard. "Les manifestations des corps vivants, aussi bien que celles des corps bruts, sont dominées par un déterminisme nécessaire qui les enchaîne à des conditions d'ordre purement physico chimique". Plus rien ne distingue de nos jours, sinon une complexité particulière, la chimie organique et la chimie minérale.

B — Puis la découverte des nucléo protéines renouvela le panorama biologique et philosophique. Des corps chimiques, les molécules de nucléo protéines, semblent se comporter en organismes vivants : — La mosaïque du tabac est une maladie du tabac (taches sur les feuilles) due à un corps chimique ; ce corps chimique est cristallisable, et ces cristaux sont des virus. Stanley a montré que le filtrat obtenu en dissolvant les cristaux de la mosaïque du tabac, reproduisaient la maladie par inoculation. Il existe une "mosaïque" de la tomate, de la pomme de terre, etc... C'est un corps mono moléculaire.

— D’Herelle 1917 corps chimiques, ou des germes, capables de déclencher la dissolution et la mort des bactéries au contact desquelles on les met. Il y aurait un « bactériophage » particulier pour chaque type de germe. — Les corps cancérigènes. De simples injections de filtrats de substances cancérigènes (carbures d’hydrogène par exemple) suffisent pour transmettre le cancer ; la leucose des poules (proche de nos leucémies) est transmissible par filtrat, de même que les papillomes du lapin. Il n’y a que des différences bénignes de structure stéréo chimique entre des composés organiques comme les stérols et les substances cancérigènes. Les ultra virus, responsables de maladies connues comme la fièvre aphteuse, la fièvre jaune, la vaccine, la poliomyélite, l’herpès ou la grippe sont des molécules composées, qu’on a pu observer à l’ultra microscope, dont on a mesuré les dimensions, et dont on a constaté la reproduction dans les cellules vivantes, où on les cultive. Le chauffage à 60° « tue » ces molécules chimiques, les antibiotiques n’ont aucun effet.

C — Enfin l’embryologie expérimentale a montré que certaines substances chimiques pouvaient être substituées aux centres « inducteurs » du développement embryologique. On appelle « centres inducteurs » en embryologie (science du développement de l’œuf puis de l’embryon) des parties déterminées de l’embryon où règne une activité génératrice intense. Telle est particulièrement la lèvre dorsale du canal de Hensen sur l’embryon humain de quelques jours. Du centre inducteur principal naissent des groupes de cellules qui à leur tour « induisent » des sous centres inducteurs et ainsi de suite jusqu’à la formation orchestrée des différents systèmes organiques fonctionnels du nouveau né. Les embryologistes ont d’abord fait des prélèvements de cellules dans les « centres inducteurs » et les ont « greffés » en d’autres points (expériences de Jean Rostand en France) où ils continuent à « induire » les organes qu’ils devaient engendrer à leur place naturelle. Les embryologistes ont ensuite analysé la structure bio chimique de ces cellules, ont extrait des filtrats ou reconstitué les substances ainsi obtenues, par synthèse chimique. Or ces corps chimiques seraient capables de provoquer l’induction génératrice lorsqu’ils sont « inoculés » en un point quel conque de l’embryon.

D — Ces découvertes n’ont pas permis de résoudre le problème. Les ultra virus par exemple et les autres molécules pathogènes ne se développent que sur des tissus vivants et même tout spécialement dans des tissus jeunes où la division cellulaire est active. On n’a pas encore pu discriminer exactement si les phénomènes constatés, et même la multiplication des ultra virus ne proviennent pas de la cellule elle même réagissant contre la protéine étrangère inoculée. Le métabolisme cellulaire est bouleversé par la présence de la nucléoprotéine et l’observateur est en face d’un phénomène complexe où les réactions biologiques et physico-chimiques sont pour l’instant indiscernables.

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