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INTENTIONNALITÉ (de la conscience)

INTENTIONNALITÉ (de la conscience), n.f. ♦ 1° Sens exact et premier, chez les scolastiques. Propriété de la conscience humaine qui, quand elle connaît exactement une chose est, en acte, l'esse intentionale de cette chose : la même chose, sous un mode d’être différent. D’où l’adage, repris d’Aristote, «L’âme est d’une certaine manière, toutes choses». Rien dans l’intellect ne s’interpose entre lui-même qui reçoit et les réalités extérieures ; cela s’oppose à l’hypothèse de Kant. Dans la perception, puis dans l’acte d’intellection, la chose est présente et ce que l’homme reçoit, ce n’est pas une image représentative, ni une traduction subjective, mais c’est la chose elle-même sous son mode d’être intentionnel. ♦ 2° Chez Brentano, cette théorie est faussée par une interprétation subjectiviste. « Le phénomène psychique, dit-il, contient en lui-même quelque chose comme objet» ; cette idée d’un contenu de la conscience est contraire à la description faite par saint Thomas d’Aquin. ♦ 3° Chez Husserl, qui s’inspire de Brentano, la distance s’accroît encore du fait de la thèse de la subjectivité transcendantale. «L’objet est visé, cela signifie que l’acte de le viser est un vécu ; mais l’objet est alors seulement présumé, et, en vérité, il n’est rien...». Par exemple la représentation-du-dieu-Jupiter existe, bien que Jupiter ne soit qu’un mythe ; d’où cette thèse : «Pour la conscience, le donné est une chose essentiellement la même, que l’objet représenté existe, ou qu’il soit imaginé, et même peut-être absurde...» Husserl donne pour exemple «un carré rond» ; aussi l’intentionnalité de la conscience est-elle devenue pour Husserl une relation purement interne : «La conscience, considérée dans sa pureté, doit être tenue pour un système d’être fermé sur soi, pour un système d'être absolu» (Ideen, I, pp. 163-164). «Le mot intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette particularité générale qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose, de porter, en sa qualité de cogito, son cogitatum en elle-même» {Méditations cartésiennes, I, 14, fin. On reconnaît dans le cogito l’allusion au «je pense» de Descartes ; le cogitatum, c’est le pensé, l’objet pensé).

intentionnalité, relation active de l'esprit à un objet quelconque. — Cette notion de la philosophie scolastique se trouve aujourd'hui couramment employée, à la suite surtout de Husserl et de la phénoménologie. Selon l'interprétation philosophique que l'on donne de la relation de l'esprit au réel, elle peut prendre, en gros, trois sens : 1° celui d'une relation psychologique de la conscience à un objet existant (c'est en ce sens que Franz Brentano, maître de Husserl, employait ce terme) ; 2° celui d'une relation « transcendantale » d'une conscience qui se crée en créant le sens de son objet; par exemple, en mathématique ou en logique, la conscience ou l'« intentionnalité » d'un triangle consiste à le construire; lorsque nous traçons une droite entre deux étoiles ou deux pics de montagne, cette droite n'existe pas dans la nature, c'est l'esprit qui la crée : il en a l'« intentionnalité » (c'est en ce sens que Husserl emploie le plus souvent le terme : il insiste sur la présence de l'esprit dans toute « signification ») ; 3° celui d'une relation « ontologique » d'un esprit qui prend conscience de lui-même comme créateur du monde ou principe de la « constitution » du réel. (Cette interprétation idéaliste de l'intentionnalité a été, par ex., celle de E. Fink.) [Contr. : réceptivité.]

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