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DIEU

DIEU (lat. Deus ; gr. Theos). Deux points de vue doivent être distingués avec soin. ♦ 1° La réalité. Elle nous est inaccessible en soi, dans la perfection infinie et absolue de son être. Toutes les cultures humaines et pratiquement tous les philosophes ont cru à l'existence de Dieu, ou ont démontré la nécessité d'admettre l'existence de l'Être suprême. Ce que nous connaissons de sa nature est surtout négatif : nous savons qu'il n'est ni imparfait, ni en devenir, ni composé, ni temporel, etc. ; nous posons certains attributs (perfection, éternité, infinité, toute-puissance, etc.) et nous établissons qu'il est le créateur de tout l'univers (création ex nihilo). Toutefois, ceux qui s'approchent le moins mal de cette réalité divine sont ceux qui reçoivent ses grâces d'illumination, dans la prière. — Sur la révélation de Dieu, v. « Logos ». ♦ 2° Les théories humaines. Nombreuses, du fait de la transcendance absolue de l'Etre divin : athéisme, agnosticisme, déisme, théisme, panthéisme, polythéisme, idolâtries diverses (innombrables en notre temps).

DIEU, objet de la foi et du culte des hommes.

I. Existence de Dieu. On distingue deux types de preuves théoriques en faveur de l'existence de Dieu : 1° les preuves dites cosmologiques (du gr. (cosmos, le monde), qui, ou bien remontent à l'infini la chaîne des causes (par exemple, une tuile me tombe sur la tête. La cause en est le vent; mais la cause du vent? on invoquera une dépression. Mais quelle en est la cause? etc.) pour en conclure à l'existence d'un premier terme, créateur, ou bien partent d'un spectacle de la nature, tel que la beauté d'un lever de soleil (J.-J. Rousseau, par exemple), pour en conclure à la nécessité d'un artiste suprême; 2° la preuve ontologique (du gr. ôn, onfos, l'être), qui consiste, au contraire, à raisonner à partir de l'idée de Dieu comme être parfait, et à prouver que, puisqu'il est parfait et possède toutes les qualités, il existe nécessairement. Ces preuves théoriques ne sauraient, selon Kant, emporter l'adhésion si une certitude pratique ne préexiste pas en nous. Celle-ci peut être fondée soit sur le fait de la conscience morale (Kant), soit sur la conscience de notre finitude et d'une activité originaire en nous plus profonde que nous-mêmes (Fichte).

II. Nature de Dieu. La « nature de Dieu » (en d'autres termes, la façon dont le croyant envisage Dieu) permet de distinguer, d'une part, le théisme : croyance en un Dieu personnel et vivant; et, d'autre part, le déisme, qui admet l'existence de Dieu, mais nie toute révélation à son sujet et toute représentation de Dieu (judaïsme, protestantisme). Il n'est point de philosophe, point de penseur, même athée, qui n'ait réfléchi sur le problème de Dieu et de la connaissance — ou de l'illusion de connaissance — que nous pouvons en avoir : « C'est le cœur qui sent Dieu, et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi, Dieu sensible au cœur, non à la raison » (Pascal, pensée 278) ; « Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, non des philosophes et des savants ». Pour Fichte, au contraire, comme pour Spinoza, « seule la flamme de la connaissance claire, entièrement transparente à elle-même et se possédant librement elle-même, est capable de garantir, par cette clarté même, la présence immuable de l'absolu » (Initiation à la vie bienheureuse). A défaut d'une connaissance de Dieu par le cœur ou par la raison, certains penseurs posent cependant Dieu comme une exigence : « Si Dieu n'existait pas, disait Voltaire, il faudrait l'inventer », car : « Si Dieu n'existe pas, tout est permis » (Dostoïevski). Nietzsche, au contraire, se contente de constater l'absence en nous de connaissance et même de toute conscience de Dieu : « Dieu est mort dans la conscience des hommes de l'Europe..., j'en dis simplement la nouvelle », et il prophétise : « Nous devons nous attendre à une longue suite, à une longue abondance de démolitions, de destructions, de ruines et de bouleversements » (le Gai Savoir). Feuerbach et Marx vont plus loin; ils ne constatent pas seulement l'absence de Dieu, mais critiquent toute croyance en Dieu : « Les dieux sont les vœux de l'homme réalisés » ; « L'homme pauvre possède un dieu riche » (Feuerbach). Marx dénoncera la mythologie religieuse : « La religion est l'opium du peuple; elle le berce d'une espérance dans l'au-delà pour le détourner de toute révolution sociale ici-bas. » Mais c'est au sujet de l'existence de Dieu que Pascal constatait : « Nous avons une impuissance de prouver, invincible à tout le dogmatisme. Nous avons une idée de la vérité, invincible à tout le pyrrhonisme » (pensée 395).

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