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COEUR

COEUR. n.m. (lat. cor, qui désigne toute la vie de l’esprit, intelligence et sentiment). ♦ 1° « Cœur » peut signifier « courage ». C’est le sens cornélien : «Rodrigue as-tu du cœur ?» Ce sens tend à vieillir. ♦ 2° Le mot « cœur » désigne, au contraire, couramment, dans la pensée moderne, l’ensemble de la vie affective, et la vie affective comme mode de connaissance : « On pourrait dire que c’est le cœur seul qui nous découvre la présence d’une autre personne, et que la connaissance proprement dite n’atteint que les choses » (L. Lavelle, Traité des Valeurs, II, 408). ♦ 3° Mais c’est surtout Pascal qui a donné au mot « cœur » le sens d’intelligence intuitive, apportant une évidence immédiate. « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît pas ; on le sait en mille choses. Je dis que le cœur aime l’être universel naturellement, et soi-même naturellement selon qu’il s’y adonne, et il se durcit contre l’un ou l’autre à son choix » (Pensées, éd. Brunschvicg 277). « Cœur, instinct, principes » (Br. 281). « Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison mais aussi par le cœur ; c’est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes ». (Br. 282).

CŒUR
Alors que la valorisation du cœur est un thème littéraire fréquent - « on ne voit qu’avec le cœur » (Saint- Exupéry) -, en philosophie le cœur est traditionnellement considéré comme le siège des sentiments et, en tant que tel, opposé aux facultés intellectuelles. ♦ Le cœur est ainsi, chez Platon, le dynamisme affectif qui constitue l’élément régulateur de l’âme. Dans la philosophie de Platon, la puissance du cœur coopère avec la raison pour permettre à celle-ci de contrôler efficacement l’action désordonnée des désirs tumultueux. ♦ Chez Pascal, l’opposition du cœur et de la raison est de l’ordre de la connaissance. Il distingue, d’une part, l’esprit de géométrie déductif, démonstratif et d’ordre rationnel, et d’autre part, l’esprit de finesse relevant du « cœur » et capable de saisir par intuition. Cette antithèse entre le cœur ou l’intelligence intuitive d’un côté et le raisonnement discursif de l’autre se retrouve dans la plupart des analyses de Pascal, notamment dans le domaine de la foi - le cœur fié au sentiment et permettant de saisir Dieu sans intermédiaire - et dans celui de la science, avec la connaissance par le cœur des premiers principes sans lesquels la raison serait privée de fondement. ♦ Pour certains auteurs, dans le domaine de la morale, le cœur éclaire la conscience en opérant de manière préréfléchie, loin de tout savoir rationnel. Tel est le cas chez Rousseau, qui fait état d’une expérience intime capable de discerner infailliblement le bien et le mal.

CŒUR (n m.) 1. — Courage, fierté. 2. — Intuition, opposée à raisonnement discursif ; ainsi, chez Pascal, c’est par le cœur que l’on connaît les premiers principes sur quoi s’appuient les démonstrations. 3. — Sentiment, par opposition à la raison (ce sens se trouve aussi chez Pascal), et, plus spécialement, sentiment de sympathie. COEUR nom masc. - 1. Langue classique. Courage. 2. Depuis le XVIIe siècle, ensemble des facultés affectives et des sentiments moraux par opposition à l’esprit, centre des facultés intellectuelles. ÉTYM. : du latin cor. Le sens classique (« Rodrigue as-tu du cœur » = as-tu du courage ?) se retrouve encore dans des expressions comme « avoir du cœur au ventre ». La formule de La Rochefoucauld « L'esprit est toujours la dupe du cœur » traduit bien l’opposition contenue dans le second sens. Dans l’usage actuel hérité du romantisme, le mot cœur est employé pour désigner les sentiments dans une acception positive et morale. Le cœur désigne ainsi la générosité, l’altruisme par opposition au calcul égoïste. Quelqu’un qui « n’a pas de cœur » est quelqu’un dont l’insensibilité manifeste une carence morale. Par rapport à l’usage classique, le rapport s’est inversé. Il est intéressant, à cet égard, de comparer la tragédie racinienne montrant les ravages de la passion au drame romantique qui exalte la noblesse des sentiments. À l’opposition entre la raison et la passion se substitue une opposition entre une morale du sentiment et la sécheresse de l’intelligence abstraite. Alors que, dans une perspective rationaliste, le cœur est tenu en suspicion, car ses impulsions irrésistibles risquent de priver l’individu de sa liberté de jugement, le cœur devient pour les romantiques synonyme de bonté spontanée : « Il faut toujours écouter son cœur. » Il est aussi la source de l’inspiration artistique et poétique. Musset s’écriera : « Ah ! frappe-toi le cœur, c'est là qu 'est le génie. » —► Raison - Passion