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CELAN Paul

CELAN Paul. Poète allemand. Né le 23 novembre 1920 à Cernowitz, en Roumanie, mort à Paris le 1er mai 1970. Originaire d'une famille juive parlant allemand, il fait ses études au Gymnase de Cernowitz, étudie en Roumanie la littérature et les langues romanes. En 1942, ses parents sont déportés; après la guerre il quitte son pays pour Vienne, puis Paris, où il devient lecteur à l'Ecole Normale Supérieure et traducteur. Bien que Celan ait publié ses premiers poèmes vers 1948, c'est en 1952, avec Pavot et mémoire, qu'il commence à atteindre une certaine célébrité. Ce recueil sera suivi de De Margelle margelle [ 1955], de Grille-de-langage [Sprachzitter, 1959], de La Rose de personne [1963] et de Tournant de l'haleine [1967]. Ces recueils le consacrent comme le plus grand poète de langue allemande de l'après-guerre : en 1958, il reçoit le Prix littéraire de la ville de Brême, et en 1960 le Prix Georg Buchner. L'oeuvre de Celan est difficile et resserrée. Elle est marquée, par-delà son hermétisme apparent, par l'expérience de la perte et de l'exil, par celle de la mort et de la destruction. L'extermination des juifs pendant la guerre y est présente, comme on peut voir dans le poème Todesfugue (Fugue de mort). Mais Celan, dans l'expression poétique de cette expérience, n'est pas Nelly Sachs : il s'enfonce dans le langage et le transforme, jusqu'à aboutir, comme il le dit lui-même, à un « tournant de l'haleine » (Atemwende). « Les poèmes sont solitaires et suivent leurs propres voies », mais manifestent une réalité qui est au-delà de toute perte : « au milieu de toutes les pertes, une seule chose n'est pas perdue : le langage ». Et le langage suppose un au-delà, peut-être un autre : « Le poème, étant une manifestation du langage, et donc essentiellement un dialogue, peut être un message dans une bouteille, envoyé avec la croyance pas toujours assurée qu'il pourrait parvenir quelque part, peut-être dans une terre du coeur... Un lieu ouvert, habitable, peut-être un “toi” auquel on s'adresse... » Il n'empêche que la poésie de Celan, soumise au fil des années à une pression et à une concaténation de plus en plus insoutenables, nous interpelle comme l'une des poésies du manque les plus fortes qu'ait produites notre siècle. Les mots, brisés, retournés, délivrés de tout discours, y ont un poids et une réalité propres. La rigueur même de ce cheminement poétique, peut-on supposer, a coûté fort cher au poète, qui s'est suicidé en 1970. L'oeuvre de Celan, que l'on a pu comparer à celle du dernier Rilke, constitue avec celle de son aîné l'un des sommets de la poésie allemande contemporaine. Celan appartient à cette « famille » poétique qui, avec Hölderlin, Trakl, Büchner, Rilke, a voulu aller jusqu'au bout des possibilités du langage.

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