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AUGUSTIN Saint (354-430)

AUGUSTIN Saint (354-430)

Né à Thagaste (en Algérie actuelle) d'un père païen et d'une mère chrétienne (sainte Monique), il fit ses études à Carthage. Sa jeunesse fut, selon lui, légère et fort encline à la débauche. Devenu professeur de rhétorique, il partit enseigner à Rome, puis à Milan. Il eut un fils, mais, sur les instances de Monique. il renvoya la mère après une liaison passionnée. Après avoir adhéré au manichéisme, puis au néoplatonisme (cf. fiche 13), il se convertit au christianisme en 387. Ce parcours correspond en fait à sa recherche d'une solution au problème du mal, dont il eut toujours une vive conscience. Ordonné prêtre en 391, il devint évêque d'Hippone (Tunisie) en 395. Après la prise de Rome par les Goths en 410, les Romains païens prétendirent que c'est l'abandon de la religion romaine, qui avait conduit au désastre. Saint Augustin réfuta cette idée dans La Cité de Dieu. Il mourut alors que les Vandales déferlaient sur l'Afrique.

Théologien latin, Père de l’Église (354-430).

• L’œuvre d’Augustin, évêque d’Hippone (près de l’actuelle Annaba, en Algérie), inaugure ce qu’on appelle la « philosophie chrétienne ». Convaincu que la foi et la raison se complètent (« Crois pour connaître, connais pour croire »), Augustin saisit l’existence de Dieu, de même que sa propre existence, dans un mouvement d’exploration de son intériorité qui préfigure le cogito cartésien. • C’est à l’intérieur de lui-même, dans le rayonnement du Verbe divin qui illumine son âme, que l’homme peut saisir les vérités universelles, comme l’éternité de Dieu, créateur du monde mais aussi du temps. • Inscrit dans le temps, l’homme est comme écartelé entre le passé (qu’il rend présent grâce à sa mémoire) et l’avenir (qu’il rend présent grâce à son attente) - le présent se réduisant à la frontière perpétuellement fuyante du passé et du futur. • Dans La Cité de Dieu, saint Augustin interprète l’histoire de l’humanité comme la lutte entre deux royaumes : la cité terrestre, fondée sur « l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu », et la cité céleste, fondée sur « l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi ». Ce n’est qu’à la fin des temps (ou « fin » de l’histoire) que le royaume de Dieu vaincra et que les justes connaîtront le bonheur éternel dans l’amour et la contemplation de Dieu. Principales œuvres : Du libre arbitre (388-395), Les Confessions (vers 400), De la Trinité (400-420), De la Cité de Dieu (410-426).

Augustin, saint (Aurelius Augustinus, 354-430 apr. J.-C.). Saint Augustin d’Hippone, né en Afrique romaine à Thagaste (Souk Ahras, en Algérie) était le fils d’un père païen et d’une mère catholique, Monique, qui l’éleva en chrétien et eut une influence prépondérante sur le début de sa vie. Les deux parents étaient décidés à donner à Augustin une bonne éducation classique, mais bien qu’il se délectât avec les poètes latins il ne réussit pas à apprendre le grec, et fut le seul philosophe de langue latine de l’Antiquité à ignorer réellement cette langue. A dix-neuf ans, il lut l'Hortensius de Cicéron (maintenant perdu), exhortation à l’étude de la philosophie, et conçut un désir passionné d’acquérir la sagesse. Il chercha celle-ci dans la secte chrétienne hérétique des manichéens qui exposait une forme gnostique (voir gnose) de christianisme reposant sur un conflit supposé entre la lumière et l’obscurité, où le Christ était représenté comme le principe de la sagesse et du bien en opposition éternelle au principe du mal. Attiré par leur prétention à faire appel à la raison là où l’Église ne faisait appel qu’à l’autorité, Augustin demeura manichéen pendant neuf ans, période au cours de laquelle il enseigna la rhétorique à Carthage, Thagaste et Rome, et fut finalement choisi par Symmaque pour enseigner la rhétorique à Milan. Sa mère lui ménagea un mariage avantageux (qui n’eut jamais lieu) avec une héritière ; avec tristesse, il lui fallut renvoyer en Afrique la concubine avec laquelle il avait vécu quinze ans et qui lui avait donné un fils. Mais sous l’influence d’Ambroise, dont il respectait l’esprit, et des écrits néo-platoniciens de Plotin et de Porphyre, qu’il avait lus dans une traduction latine, Augustin se convertit au néo-platonisme et au catholicisme presque en même temps; pendant de nombreuses années, il ne rejeta pas le platonisme. En 387, après un long combat intérieur, il se fit baptiser et renonça à la vie dans le siècle. La même année sa mère mourut alors que tous deux effectuaient leur voyage de retour en Afrique. Il arriva en Afrique en 388 et n’en repartit jamais. Alors qu’il visitait le port maritime d’Hippone, en 391, le peuple s’empara de lui et l’ordonna prêtre quelque peu contre sa volonté ; en 395, il fut consacré évêque coadjuteur d’Hippone. Il passa le reste de sa vie dans son évêché et y mourut le 28 août 430, alors que les Vandales assiégeaient la ville. Le christianisme d’Augustin reposait sur sa préoccupation centrale en tant qu’évêque, l’exégèse biblique. Pendant son épiscopat, il eut à combattre les hérésies du manichéisme, de Donatus, et de Pélage : à travers ces luttes, se formula sa propre théologie. Son enseignement sur la chute d’Adam et le péché originel, dont l’humanité ne peut être sauvée que grâce à Dieu, montre qu’Augustin croyait à la prédestination ; cet aspect de son enseignement exerça une grande influence sur les théologiens occidentaux qui l’ont suivi, notamment Jean Calvin. Ses premières œuvres, écrites avant et immédiatement après son baptême, étaient des critiques des anciennes philosophies du point de vue chrétien, mais, après sa nomination à l’épiscopat, ses écrits devinrent plus polémiques et doctrinaux. Le De doctrina christiana (« Sur l’enseignement chrétien», commencé en 396-397) abordant l’éducation chrétienne, indique les grandes lignes d’une culture littéraire qui devait être subordonnée à la Bible. De Trinitate («Sur la Trinité», 399-419) constitue un compte rendu philosophique de la doctrine de la Trinité. Son autobiographie, les Confessions (v. 397-400) est un récit très sélectif de sa vie jusqu’à l’époque de sa conversion, dans lequel il analyse la recherche inquiète et inlassable du cœur qui revient à son Créateur. Il faut comprendre le titre dans son sens biblique de « louange » ; c’est l’action de grâce d’Augustin pour sa conversion. La composition de De civitate Dei (voir cité de dieu, la) en 413-426 se situe après le sac de Rome par Alaric en 410, événement qui avait consterné le monde civilisé entier. Augustin écrivit quelque quatre-vingt-treize livres ainsi que des lettres et des sermons; ses anciens biographes eurent l’impression que nul ne pourrait jamais les lire tous. Ces œuvres modelèrent la pensée théologique occidentale jusqu’au xiiie siècle, quand, avec la redécouverte d’Aristote (5), des philosophes chrétiens tels que Thomas d’Aquin échafaudèrent leur système sur une base aristotélicienne; il y eut alors une réaction contre l’augustinisme.

AUGUSTIN saint (Aurelius Augustinus). Le plus illustre des Pères de l’Église latine est né à Thagaste (aujourd’hui Souk-Ahras), petite ville de Numidie, le 13 novembre 354, il est mort à Hippone le 14 août 430. Il était fils d’un païen, Patricius, et d’une chrétienne, Monique. Il fit ses premières classes dans sa ville natale, puis alla étudier la rhétorique dans la cité de Madame. Il se passionna pour le latin et la littérature latine, mais il haïssait le grec, dont il semble qu’il n’ait assimilé que les quelques rudiments nécessaires pour comparer une traduction avec le texte original. Bien que sa mère, fort pieuse, le poussât à se faire baptiser, il resta catéchumène. Rentré à Thagaste, il y mena pendant une année (369-370) une vie dissipée, dont il se repentira amèrement, comme en témoignent les Confessions. Il put poursuivre ses études, comblant ainsi le vœu de son père, grâce à la libéralité du mécène Romanianus, ami et lointain parent de la famille. C’est ainsi qu’il partit pour Carthage, où il fréquenta l’école d’éloquence, sans oublier les plaisirs du théâtre et les jeux de cirque, dont il était avide. Il connut une jeune fille de très humble condition qui fut sa compagne pendant douze ans et à laquelle il fut fidèle « comme à une épouse légitime ». De leur union naquit un fils, Adeodat (A Deo datus) chéri sinon désiré, et à l’éducation duquel ils consacrèrent tous leurs soins. Entre-temps Augustin continuait à travailler avec acharnement, à la fois par goût, par ambition, par nécessité et par reconnaissance à l’égard de son bienfaiteur. A dix-huit ans la lecture de l'Hortensius de Cicéron lui révéla sa vocation philosophique. C’est alors qu’il s’éprit d’un amour sans égal pour la beauté incorruptible de la véritable sagesse. L’étude de la sagesse païenne l’amena à prendre connaissance de la doctrine chrétienne : il lut les Écritures. Elles le déçurent et il ne les comprit pas. Hésitant, il adhéra en tant que simple « auditeur » au manichéisme, une des innombrables sectes chrétiennes de l’époque. Deux raisons surtout guidèrent son choix : l’impossibilité d’accepter une foi imposée, non fondée sur la raison, et le problème du mal qui le préoccupera toute sa vie. Ses études une fois terminées, il rentra avec sa femme et son fils à Thagaste où, s’étant consacré à l’enseignement de la rhétorique et à la diffusion du manichéisme, il s’attacha des disciples (dont Licentius, fils de Roma nianus, Euloge, Nebridius, etc. ) qui le suivirent à Carthage. Entre 380 et 381, il écrivit son premier ouvrage, un traité en deux ou trois volumes, De pulchro et apto [Sur la beauté et la convenance], déjà perdu au moment où il écrivait les Confessions. Lorsqu’arriva de Rome à Carthage l’évêque Faustus, célèbre docteur manichéen, Augustin l’accueillit comme l’homme qui devait lever tous ses doutes. Il fut déçu : Faustus lui apparut comme un habile orateur, mais ignorant, et incapable de faire la lumière sur le moindre problème. Son ardeur manichéenne s’en trouva refroidie. Peu après il décida de se rendre à Rome, dans l’espoir d’y conquérir des lauriers et quelque aisance. Sa mère ne voulait pas le laisser partir ou du moins désirait qu’il l’emmenât (son père était mort en 379) : elle le suivit en pleurant jusqu’à la mer. Rome ne remplit pas son attente : il tomba gravement malade et l’enseignement de la rhétorique s’avéra peu lucratif. Un poste de professeur de rhétorique s’étant trouvé libre à Milan, il se présenta et fut agréé grâce à l’intervention de ses amis manichéens auprès de Symmaque, préfet de Rome. Il avait alors trente ans. L’amélioration de sa situation lui permit de faire venir sa femme et son fils, et l’année d’après sa mère et ses fidèles disciples. Bien qu’il fût désormais assuré de son avenir immédiat, l’inquiétude subsistait en Augustin mais elle était de nature spirituelle; à Rome il avait été attiré pendant un temps par le scepticisme des Académiciens, d’Archésilas plutôt que de Carnéade. Il écoutait maintenant les prédications de saint Ambroise, le grand évêque de Milan. Mais trois choses retenaient encore Augustin loin de la foi et de la discipline de l’Eglise catholique : l’impossibilité de concevoir une substance absolument immatérielle, l’impossibilité d’expliquer l’origine du mal, l’impossibilité de se passer de femmes. Les deux premiers obstacles furent les plus facilement franchis : il lut les « platoniciens » (ou plutôt les néoplatoniciens, très probablement Plotin) et il y trouva sur l’essence divine et la nature du mal des notions qui lui ouvrirent des voies nouvelles. Il comprit que Dieu est lumière, substance spirituelle dont tout dépend et qui ne dépend de rien. Quant au problème du mal, la solution lui en apparut dans le fait que les choses étant subordonnées à Dieu, elles ne possèdent ni l’être ni le non-être absolu : elles sont puisqu’elles tiennent leur existence de Dieu, elles ne sont pas absolument, puisqu’elles ne sont pas Dieu. Aussi ne sont-elles corruptibles que dans la mesure où elles participent de la bonté divine; si elles étaient dépourvues de bonté, elles ne pourraient même se corrompre. La corruption n’est donc que perte d’un bien; tout ce qui est, est bon ; le mal n’est pas substance, mais absence de bien, non-être. Dès lors il était dans l’état d’un homme convaincu de la vérité, mais cela ne put l’empêcher de vivre encore dans le péché. Sur l'instance de sa mère qui voulait le marier à une jeune fille de bonne famille, il avait renvoyé sa compagne, mais ce fut pour reprendre une autre concubine. C’est alors qu’eut lieu la crise décisive : un jour qu’il était allé chercher la solitude et le calme sous un bosquet de son jardin, il crut entendre une voix qui lui disait : « Tolle et lege » (Prends et lis). Surpris', se demandant de quel livre il s’agissait, il courut consulter un de ses amis, un livre était placé devant ses yeux, les Êpîtres de saint Paul; il les ouvrit au hasard et tomba sur ce passage : « Ne passez pas votre vie dans les festins et les plaisirs de la table ni dans la débauche et l’impiété..., mais revêtez-vous de votre Seigneur Jésus-Christ et gardez-vous de satisfaire les désirs déréglés de la chair. » Touché par la grâce, il décida de se retirer dans la maison de son ami Verecundus en Lombardie avec ses amis et disciples, sa mère Monique et son fils. Là ils passaient leur temps en prières, études et discussions. C’est là que virent le jour ses fameux dialogues philosophiques : Contre les philosophes de l’Académie, De la Vie Heureuse, De l’Ordre, Les Soliloques, les trois premiers en 386 et le dernier au début de 387. Après les vacances, il donna sa démission de professeur de rhétorique et dans la nuit du 24 au 25 avril de l’année 387 il reçut de saint Ambroise le baptême par lequel Augustin de Thagaste, futur évêque d’Hippone, docteur et saint de l’Eglise, se trouva lavé de tous ses péchés. Entièrement consacré désormais au service de Dieu, il écrivit à Milan De immortalitate animae. L’été suivant, il partit pour l’Afrique mais la mort de sa mère (octobre-novembre 387) le fit revenir en Italie; il resta à Rome jusqu’à l’été 388. Au cours de ce séjour il soutint le pape Sirice dans sa lutte contre les Manichéens en écrivant De moribus manichaeorum et De moribus Ecclesiae catholicae qui marquent le début de son immense œuvre apologétique. C’est à Rome encore qu’il écrivit De la grandeur de l’âme, œuvre mystique où éclatent ses dons de psychologue, et le premier livre (il devait composer les autres en Afrique, en 395) du Libre Arbitre , où il aborde le problème du mal. Après un très court séjour à Carthage, l’automne 388 le trouve de nouveau à Thagaste. Il y vendit le peu de biens qu’il possédait et en distribua le produit aux pauvres; et comme il le raconte lui-même, il exigea de ceux qui désiraient le suivre qu’ils en fissent autant. Au cours de ces deux années environ de retraite à Thagaste, il termina Contre les manichéens et écrivit Le maître, De la musique et en 390 De la vraie religion, où à la veille de son ordination à Hippone (391), il reprend et développe les arguments du Contre les philosophes de l'Académie. A Hippone il fonda l’ordre religieux qui porte son nom et rédigea la Régula ad servos Dei. Nommé coadjuteur du vieux et pieux évêque Valerius, il se vit confier la mission de prêcher qu’il remplit avec ardeur et succès presque jusqu’à sa mort. Les hérétiques, donatistes (à la tête desquels se trouvait l’énergique Proculeianus) et manichéens, (dont un certain Fortunatus), étaient nombreux dans la ville. Ayant eu le dessous dans une controverse publique (28-29 août 392) avec les catholiques, Fortunatus quitta Hippone. Le récit de la controverse fait l’objet du Contra Fortunatum manichaeum liber unus. Ce n’est là qu’un des épisodes du combat acharné qu’Augustin mena sur tous les fronts contre les hérésies et les schismes qui menaçaient l’orthodoxie catholique; les Manichéens qui niaient l’unité et la mission de l’Eglise; les Pélagiens qui niaient l’efficacité de la grâce et le péché originel ; les Païens qui blasphémaient encore contre le Christ. Il écrit De Futilité de croire , suivi des deux livres De duabus animabus (392-393), De genesi ad litteram liber imperfectus (393) — v. Genèse, Contra Adimantum (394) et l’admirable De sermone Domini in monte (394). Au concile des évêques catholiques d’Afrique, à Hippone, convoqué par Aurelius, évêque de Carthage, il prononça contre les Donatistes le sermon De fide et symbolo et tout de suite après écrivit Contra epistolam Donati haeretici, qui a été perdu. Entre la fin de l’année 395 et le début de 396, après la mort de Valerius, il fut acclamé evêque d’Hippone. Il s’acquitta de tous les devoirs de sa charge avec un zèle exemplaire : il fut à la fois pasteur, administrateur, orateur sacré et juge. Les quelque trois cents sermons qui sont parvenus jusqu’à nous ne représentent qu’une faible partie de ceux qu’il a prononcés. Certains d’entre eux — v. Sermons — sont parmi les plus belles exégèses que possède l’Êglise, comme les Enarrationes in psalmos et les deux traités de 416 In Johannis Evangelium et In Epistolam Johannis. La masse de Lettres adressées à des adversaires, à des amis, à des étrangers, à des religieux, à des laïcs, n’est pas moins imposante. En 396 il compléta le recueil De diversis questionibus et dès son accession à l’épiscolat il écrivit De agone christiano; il poursuivit la polémique antimanichéenne avec le Contra epistulam Fundamenti (inachevé) où il réfutait un traité de Manès et rédigea une partie de la Doctrine chrétienne. En 400 il publia le De catechizandis rudibus; en 401 les treize livres de ses Confessions. Quelques années auparavant avaient paru les trente-trois livres du Contra Faustum Manichaeum (inspiré par un écrit de Faustus contre l’Ancien Testament qui lui était tombé par hasard entre les mains) et le De Fide rerum quae non videntur. En 404, après la controverse avec le manichéen Félix qui s’était terminée par l’abjuration de ce dernier (De actibus cum Felice Manichaeo), il dirigea ses derniers traits contre cette secte dans deux ouvrages : De natura boni et Contra Secundinum manichaeum. Vers 400, il avait entrepris la rédaction de son grand traité philosophique et théologique Sur la Trinité auquel il travailla quinze années durant. Une fois le danger manichéen écarté, il se jeta plus ardemment dans la lutte contre le péril plus menaçant encore que constituaient pour l’unité de l’Eglise les Donatistes. Il participa aux conciles antidonatistes de Carthage en 403 et 411, où il soutint presque à lui seul le poids de la discussion. A cette lutte qui s’achèvera par la défaite des hérétiques, il consacra un grand nombre d’écrits, dont les plus importants parmi ceux qui nous restent sont: De baptismo contra donatistas (401); Contra litteras Petiliani donatistae (401-405); Contra donatistae epistola ou De unitate Ecclesiae (405); Liber contra donatistas post collationem (413). Entre-temps, le 2 août 410, les Goths d’Alaric étaient entrés à Rome où pendant trois jours ils s’adonnèrent au pillage. Les réfugiés affluèrent en masse en Afrique, semant la panique et colportant des bruits qui rendaient le christianisme responsable des malheurs de Rome. C’est contre ces accusations que s’insurge Augustin dans la Cité de Dieu, mais cette œuvre qui reste la plus vaste conception de l’histoire humaine vue par un chrétien, déborde largement les cadres de l’événement qui l’a tait naître. Parmi les réfugiés se trouvait Pélage, un moine d’origine britannique qui répandait «es doctrines rationalistes et subversives sur la liberté humaine et la grâce divine. Il devait passer peu après en Orient, mais il laissa à Carthage son compagnon et disciple Celestius qu’Augustin déjà vieux combattit avec acharnement par la prédication, les conciles (de Carthage et de Milevis en 416 et de Carthage en 418) et la plume. Ce sont de ces circonstances que naquirent les grands ouvrages antipélagiens : De natura et gratia contra Pelagium (413-415); Liber de perfectione justitiae hominis contra Celesti definitiones seu ratiocinationes (415-416); De gestis Pelagii (417); Contra Julianum haeresis pelagianae defensorem (423); Opus imperfectum contra Julianum (429-430), que la mort empêcha Augustin d’achever. Il écrivit aussi dans un esprit plus théorique et moins polémique le De gratia et de libero arbitrio et le De corruptione et gratia (426). Contre les semi-pélagiens de la Gaule il lance le De praedestinatione sanc-torum (?) et le De dono perseverantiae (429). Les Ariens n’échappèrent pas non plus à ses foudres : en 419 il écrivit contre eux Contra sermonem quemdam arianorum liber, et dix ans plus tard il soutint avec l’évêque arien Maximin une controverse publique qui fait l’objet de Contra Maximinum arianorum episcopum. En 429 il composa encore les deux livres De haeresibus et entreprit une vaste révision de tous ses écrits, révision dont les Rétractations nous apportent le témoignage malheureusement incomplet. Le fléau des invasions barbares n’épargne pas l’Afrique romaine et chrétienne : en 429 les Vandales de Genséric franchissent le détroit de Gibraltar. Bientôt les églises de Carthage, de Cirta et d’Hippone restent seules debout au milieu des ruines : au cours du troisième mois du siège de sa ville épiscopale, Augustin tombe malade et meurt le 14 août 430. A la raison qui lui demande (dans les Soliloques) : « Que veux-tu connaître ? » Augustin répond : « Dieu et l’âme. » — « Rien d’autre ?» — « Rien d’autre. » Pour Augustin, poser le problème de l’homme c’est poser le problème de Dieu. Le monde trouve bien une place dans sa spéculation, mais il centre celle-ci sur Dieu et sur l’homme; le monde extérieur ne l’intéresse que par rapport à l’homme qui joue en quel-que sorte le rôle de médiateur entre lui et Dieu. D’où le caractère essentiellement spiritualiste (et par là vraiment chrétien) de sa pensée, en opposition avec la tendance, constamment cosmologique de la philosophie grecque. Le problème de la personne humaine, inséparable de celui de Dieu et de ses rapports avec la création, voilà ce qui fait l’unité d’une pensée que seuls des observateurs superficiels ont pu juger fragmentaire. La philosophie de saint Augustin est un dialogue ardent et ininterrompu entre la créature et le créateur, entre l’homme qui cherche Dieu et Dieu qui vient à sa rencontre, un voyage spirituel de l’être fini vers l’être infini. Se connaître soi-même dans la véritable essence de son être, c’est savoir que Dieu existe et le rencontrer sur le terrain fécond et fécondateur de la charitas. Itinéraire d’amour donc, mais qu’on ne s’y trompe pas : l’homme est pour Augustin un être pensant puisqu’il participe de la vérité; Dieu est vérité, il est la Vérité. C’est pourquoi intellectus valdeamat : faire de saint Augustin un « anti-intellectualiste », au sens qu’a de nos jours cette expression, serait trahir sa pensée, aller contre la lettre et l’esprit d’une philosophie qui est rigoureusement dans la ligne de l’idéalisme platonicien dont elle est la transposition chrétienne. Mais qu’on se garde également de l’erreur opposée, celle de faire d Augustin un logicien abstrait et formaliste : la vérité n’est pas pour lui une vision de l’esprit, mais sa vie même; la vérité n’est pas un objet sur lequel on spécule de l’exterieur, comme autour d’une chose distincte de nous, mais qui se pense et se vit intérieurement, qui ne fait plus qu’un avec l’homme. «Philosopher», pour Augustin, c’est rentrer en soi-même pour se trouver et y trouver une vérité qui nous transcende : noli foras ire, in te ipsum redi, in interiore homine habitat veritas, et si tuam naturam mutabilem inveneris, trascende et te ipsum. Saint Augustin est des Pères de l’Eglise celui autour duquel le monde chrétien a le plus âprement disputé : Catholiques et Protestants, Jansénistes et Jésuites se sont également abrités derrière son autorité pour faire triompher leurs doctrines. La pensée même de saint Augustin qui malgré son unité fondamentale affectait, du fait des luttes dans lesquelles il se trouva engagé et de la diversité des adversaires qu’il avait à combattre, un caractère souvent contradictoire (il se rétracta plus d ’une fois au cours de sa longue carrière), se prêtait d’ailleurs à d’inépuisables interprétations : il n’est jusqu’à l’inquisition qui ne se soit réclamée de lui, en raison de sa définition détaillée du dogme des supplices en matière religieuse. Mais le point de sa doctrine qui a alimenté de tous temps les polémiques les plus véhémentes est celui de la prédestination et de la grâce. Avant saint Augustin, tous les Pères de l’Eglise s’accordaient à penser que Dieu a prédestiné les hommes à la félicité ou à la damnation, en ce sens qu’il avait prévu les récompenses et les châtiments que leur vaudraient les actions qu’ils accompliraient par leur volonté propre, là prescience divine n’étant en aucun cas la cause de ces actions. L’Eglise grecque qui n’a jamais accepté le dogme du péché originel imposé à l’Eglise d’Occident par saint Augustin (condamnation du pélagianisme par le concile d’Éphèse en 431) reste fidèle à cette doctrine. En effet si, lorsqu’il combat les Manichéens qui insistent sur la nature essentiellement mauvaise de l’homme, saint Augustin fait encore une part à la liberté humaine, dans sa controverse avec les Pélagiens et suivant en cela peut-être une préférence secrète, il réduit l’homme à une impuissance qui l’asservit entièrement à la grâce divine. La solution qu’il propose au problème du péché d’Adam et de la déchéance de sa postérité, ainsi que de la grâce qui doit la sauver, implique la prédestination. L’humanité est à ses yeux si radicalement enfoncée dans le péché que sa nature, devenue massa peccati, massa corruptionis, massa perditionis, lui interdit toute aspiration vers le bien. Le salut ne peut donc être que l’œuvre de Dieu seul. Ainsi Dieu refuse aux uns ce qu’il accorde gratuitement aux autres : il manifeste sa miséricorde en ceux qu’il élit pour le salut et sa justice en ceux qu’il abandonne à la damnation. En fait cette doctrine, qui poussée à ses extrêmes conséquences réduit à néant la valeur des œuvres — un des plus riches trésors de l'Eglise — n’a jamais été intégralement admise par le catholicisme qui, s’il n’ose point y toucher chez saint Augustin, tente de l’inter-préter et de l’atténuer, comme l’ont fait les Jésuites lorsqu’ils cherchent avec Molina à concilier le libre arbitre et la grâce. Parmi les réformés, Luther soutint la prédestination et Mélanchthon sur ce point se sépara de lui, voyant dans le salut l’effet d’une coopération entre l’homme et Dieu; Calvin, lui, formula le dogme avec une impitoyable logique et c’est là la source d’innombrables conflits entre les différentes sectes réformées. Au XVIIe siècle, Jansénius entreprit lui aussi d’exposer la doctrine de saint Augustin qu’il estimait avoir été altérée par les jésuites u en avait lu toutes les œuvres dix fois, et trente fois celles contre les Pélagiens. L'Augustinus , tentative de résurrection du baianisme, parut en 1640, deux ans après la mort de son auteur; en 1655, le Jansénisme est condamné par deux papes : Urbain VIII et Innocent X. Les Jansénistes, dans la personne d’Arnauld, s’étant abrités derrière la distinction entre le fait et le droit (les passages incriminés de l’œuvre de Jansénius étant censés avoir fait l’objet d’une interprétation erronée), la Faculté de théologie de Paris condamna Arnauld. C’est alors que sur la prière de celui-ci Pascal entreprend la tâche difficile d’amener l’affaire du petit cercle de théologiens qui s’intéressaient à elle, à la connaissance du public. Ainsi sont nées les Provinciales qui eurent un effet foudroyant, et ne contribuèrent pas peu à discréditer les jésuites. C’est en se réclamant de saint Augustin que Pascal s’efforce de dissiper « toutes les contradictions imaginaires que les ennemis de la grâce efficace se figurent entre le pouvoir souverain de la grâce sur le libre arbitre, et la puissance qu’a le libre arbitre de résister à la grâce » ; car, « selon ce grand saint que les papes de l'Eglise ont donné pour réglé en cette matière...Dieu dispose de la volonté libre de l’homme sans lui imposer de nécessité, et... le libre arbitre qui peut toujours résister à la grâce, mais ne le veut pas toujours, se porte aussi librement qu’infailliblement à Dieu, lorsqu’il veut l’attirer par la douceur de ses inspirations efficaces ». Aussi est-il vrai que « nous pouvons résister à la grâce », contre l’opinion de Calvin; faux « que nous ne coopérons en aucune sorte à notre salut, non plus que des choses inanimées », comme le prétendait Luther; mais nous devons reconnaître que, comme dit saint Augustin, « nos actions sont nôtres, à cause du libre arbitre gui les produit, et qu’elles sont aussi de Dieu, à cause de sa grâce qui fait que notre arbitre les produit ». (Prov., Lettre XVIII.).




XIIe siècle ♦ « Le plus grand magistère après les apôtres de l'Eglise. » Pierre le Vénérable. XVIe siècle ♦ « Parmi les Pères, Augustin a, sans contredit, la première place... Augustin me plaît plus que tous les autres. Il a enseigné une pure doctrine, et soumis ses livres, avec l’humilité chrétienne, à la sainte Écriture... Il est le premier Père de l'Église qui ait traité du péché originel... Tout Augustin est avec moi. » Luther. XVIIe siècle ♦ «L’incomparable Augustin, ce maître si intelligent et, pour ainsi dire, si maître... cet Aigle des Pères... ce Docteur des Docteurs... Il n’y eut jamais aucune dispute sur [son] autorité. Elle est demeurée inviolable à toute l’Ecole. » Bossuet. Saint Augustin est le premier des Pères latins. Toutes ses paroles sont des effusions de sa vertu. Ce sont des livres qui sortent de sa chaleur. Unde ardet inde lucet. » Saint-Cyran. ♦ « Celui des Pères de l’Église qui a le plus contribué à... rendre les théologiens sectateurs de M. Descartes, a été saint Augustin, qui avance en cent endroits comme incontestable le principe de notre philosophie, par lequel il fait consister l’essence de la matière dans l’étendue. Il parle toujours conformément à l’idée du corps qu’ont les Cartésiens et jamais selon l’idée qu’en ont les nouveaux Aristotéliciens... Je reconnais et je proteste que c’est à saint Augustin que je dois le sentiment que j’ai avancé sur la nature des idées... Je soutiens que suivant les principes de saint Augustin, on est obligé de dire que c’est en Dieu qu’on voit les corps. » Malebranche. ♦ « Saint Augustin parle quelquefois d’une manière qu’il semble ou qu'il ait emprunté ses paroles de M. Descartes, ou M. Descartes de lui-même. » Le P. Poisson, 1670. ♦ « Il est vrai que saint Augustin a écrit dans un mauvais temps pour le goût. Sa manière d’écrire s’en ressent. Il a écrit sans ordre, à la hâte, et avec un excès de fertilité d'esprit, à mesurequeles besoins d'instruire ou de réfuter le pressaient. Platon et Descartes n 'ont eu qu 'à méditer tranquillement, et qu 'à écrire à loisir pour perfectionner leurs ouvrages; cependant ces deux auteurs ont leurs défauts... Si on rassemblait tous les morceaux épars dans les ouvrages de saint Augustin, on y trouverait plus de métaphysique que dans ces deux philosophes. Je ne saurais trop admirer ce génie vaste, lumineux, fertile et sublime. » Fénelon. XVIIIe siècle. ♦ « Il avait beaucoup d'esprit mais il avait encore plus de zèle et autant il donnait à ce zèle (car il lui donnait beaucoup), autant ôtait-il au solide raisonnement et aux pures lumières de la vraie philosophie. » Bayle. ♦« Saint Augustin accrédita le premier cette étrange idée [le péché originel] digne de la tête chaude et romanesque d’un Africain débauché et repentant, manichéen et chrétien, indulgent et persécuteur, qui passa sa vie à se contredire lui-même. » Voltaire. XIXe siècle. ♦ « Le saint évêque Augustin se montre sous les traits d'un Cicéron chrétien, parlant, il est vrai, un autre langage, mais mêlant aussi la rhétorique à une philosophie encore plus inquiète et plus ardente à la poursuite de la vérité; possédant pareillement de vastes connaissances historiques, auxquelles se joignent des vues profondes et de grandes idées sur la politique; penseur, en outre, plus profond, et génie plus surprenant que le vieux citoyen de la république expirante. » Friedrich Schlegel, 1829. ♦ « Puissant génie, dont les paroles, vénérées des siècles et consacrées par l'approbation de l’Église sont comme la voix de la Tradition. » Lamennais. ♦ « Le style de saint Augustin n’est autre que du style bas-empire. Mais quand on en est là, le pur style romain est à jamais perdu, et le retrouvât-on par hasard en écrivant, il paraîtrait désormais trop nu et trop simple. » Sainte-Beuve. XXe siècle. ♦ « Augustin, quel que soit l'apport de ses devanciers, demeure l’initiateur et l’animateur de la pensée catholique et de la philosophie chrétienne. » Maurice Blondel. ♦ « Nul ne s'est assujetti plus résolument, plus humblement que lui aux données de sa foi; nul cependant n'a eu plus que lui la volonté de ne pas subir sa foi, mais de la penser et d'en inventorier tout le contenu. » P. de Labriolle. ♦ « Saint Augustin ne cesse jamais de faire leçon. En paradis, devant Dieu, il ouvrira un cours sur le larmoiement. Il fera bâiller le Père. Il est tendu et mou; il rabâche à perte de vue... Il trempe de pleurs la guimauve filandreuse de l’argument... Ce Tunisien de Rome ou, si l'on veut, cet Italien de Tunis, est le moins grec des hommes. » André Suarès. ▼ « Le secret de sa grandeur comme écrivain, et aussi comme penseur, réside en ceci qu'il vit ce qu'il médite et sent profondément ce qu'il dit... Les problèmes les plus élevés, il les a rapportés à son propre moi, il a intériorisé la théologie, il a fait fondre la pensée abstraite dans le creuset de son cœur, il a volé jusqu'au firmament de l’idéologie, mais avec des ailes de feu... Par cet appel à l'expérience intérieure de l'individu, autant que par son inquiétude passionnée, on peut dire, avec les réserves voulues, qu’il est le premier romantique de l’Occident, le premier homme moderne. » Giovanni Papini.



Évêque d'Hippone (396), docteur de l'Église et l'un des quatre grands Pères latins de l'Église. Il a laissé une œuvre théologique et spirituelle immense qui a fait de lui le « Docteur de la Grâce ». En 1528/29, Érasme publia à Bâle, chez Froben, ses œuvres complètes qui furent une des sources de la culture européenne jusqu'à la fin du XVIIe s. L'augustinisme fut en effet la doctrine de référence pour toutes les questions relatives au péché, à la justification et à la grâce. Les protagonistes de toutes les querelles religieuses (luthériens, calvinistes, jansénistes, molinistes) ont prétendu avoir découvert dans son œuvre les éléments pour étayer leur propre pensée.

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