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ABBAYE (groupe de l')

ABBAYE (groupe de l'), groupe d'écrivains et d'artistes fondé en 1906. «L'Abbaye, groupe fraternel d'artistes », telle était l'enseigne (souvenir de l'abbaye de Thélème de Rabelais) affichée sur une maison des bords de la Marne, à Créteil, un jour d'automne 1906. Charles Vildrac et René Arcos avaient eu l'idée d'un havre de paix et de silence où pourrait se réunir une nouvelle thébaïde d'artistes, vivant en phalanstère (une petite imprimerie devait permettre d'échapper aux contraintes financières). Le groupe réunissait, entre autres, Georges Duhamel, le peintre Gleizes, le musicien Albert Doyen. Pendant quinze mois, tout marche à peu près bien : Georges Chennevière, Luc Durtain, Pierre Jean Jouve et Jules Romains y font de fréquentes visites ; tous recherchent, avec les « membres fondateurs », un langage nouveau. Mais, peu à peu, des déboires financiers et la mésentente ruinent cette originale coopérative poétique. L'Abbaye ferme, mais elle aura marqué une date dans l'histoire de la poésie française. Ses poètes rompent définitivement avec le symbole et l'allusion. Sans revenir aux modes discursifs d'autrefois, ils s'arrêtent à l'image, dont ils veulent utiliser à plein les deux principales qualités : l'image-raccourci et l'image-levier. Duhamel et Vildrac publieront ainsi des Notes sur la technique poétique (1910), cherchant à établir une « conscience rythmique ». Plus tard, Romains et Chennevière écriront un Petit Traité de versification (1923), lointain héritier de l'Abbaye. René Arcos fera paraître des romans [Autrui, 1926) et participera à la fondation de la revue Europe. L'œuvre de Duhamel, directement issue des idées de l'Abbaye qu'il évoquera dans le Désert de Bièvres (1937), était annoncée par les poèmes l'Homme en tête (1909), Selon ma loi (1910) et Compagnons (1912) : l'évangile de l'amitié a survécu. Doyen rêvera pour sa part de poésie chorale et sociale. En définitive, à part Jouve, c'est surtout par la prose que les hommes de l'Abbaye réaliseront le mieux leurs idéaux : de Duhamel à Durtain, de Vildrac à Jules Romains (qui entraîna l'Abbaye sur les chemins de l'unanimisme), ceux qui avaient voulu rendre la poésie au réel, loin de l'abstraction et au plus près de Tolstoï ou de Whitman, s'en éloigneront à jamais.




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