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Traduction

La traduction désigne traditionnellement une figure microstructurale qui repose sur la réunion, dans un court segment de discours, de plusieurs formes verbales différentes du même mot, de manière à créer un effet saisissant, ce qui définit un polyptote purement verbal. Ex. : Il mentait quand il était petit enfant, il nous ment aujourd’hui, il mentira toute sa vie. La figure tient à la fois à la matière sonore elle-même et à la reprise grammaticale. Il peut y avoir traduction avec des termes différents : l’effet est alors moins fort ; mais la figure reste sensible, dans la mesure où les verbes entretiennent un rapport sémantique précis et très marqué (de parenté ou d’opposition nettes). Il est possible de remarquer que cet effet de choc par rapprochement de temps verbaux différents est également à l’œuvre dans la littérature post-rimbaldienne, avec les passages où se chevauchent plusieurs temporalités. Ainsi, chez Pierre Jean Jouve (c’est à propos d’un personnage d’Hécate - Aventure de Catherine Crachat I, Éditions Mercure de France). Elle raconte l’histoire... à son père, elle supplie qu’on la console. Son père véritable ne lui serait d’aucun secours; c’est au second père de comprendre; et la présence du cadavre ne va-t-elle pas détourner toute offense? M. de Sonnenfels écoute en pâlissant; par un mouvement nerveux il laisse tomber son monocle et le remet. Enfin il indique du doigt la porte, la renvoie dans sa chambre, et quitte lui-même la maison. Il revient accompagné d’un de ses amis avocat et le récit recommence, ininterrompu, jusque tard dans la nuit. On verrait à la fin Félicitas rentrée chez son père le Dr. Schom-berg et pauvre comme Job, quelques mois après. Très rapidement M. de Sonnenfels l’a répudiée en faisant annuler le mariage à Rome. Dans le temps d’une année j’avais été mariée, j’avais eu un amant, qui s’était tué, j’étais divorcée. Félicitas avait vingt ans et demi. C’est le début.

Ce passage assez surprenant tient justement son caractère essentiel de la figure de traduction : récit au présent de faits apparemment passés au point de la narration, puis présentation explicite de cette chronologie au passé (on verrait), puis retour à une autre niveau de temporalité (par le passé composé), puis redécalage qui repousse tout le narré dans un temps plus reculé (les plus-que-parfaits), et rupture finale avec un présent global qui semble situer l’ensemble encore à un tout autre point de vue temporel.

=> Figure, microstructurale; énallage, polyptote.

TRADUCTION nom fém. - 1. Action qui consiste à faire passer un texte dans une autre langue. 2. Texte présenté dans une langue autre que sa langue originelle. ÉTYM. : du latin traducere - « faire passer ».

La traduction, qui est l’un des outils indispensables de la communication des cultures, pose dans le cas des textes littéraires des problèmes souvent considérables. Le texte littéraire est en effet de manière indissociable fond et forme, sens et son. Or il est particulièrement difficile et souvent impossible de proposer une traduction qui respecte simultanément ces deux dimensions et l’articulation qui existe entre elles. Une traduction littérale suivra au plus près le texte original et en respectera donc au mieux le sens, mais elle court le risque de proposer un équivalent qui paraîtra artificiel dans la langue de la traduction. Une traduction plus libre - surtout lorsqu’elle est le fait d’un véritable écrivain - pourra constituer une authentique oeuvre littéraire, mais qui risque considérablement de s’éloigner du texte de départ. Toute traduction est une recréation, et il est impératif que les modalités et les enjeux de celle-ci soient exposés de manière claire par le traducteur afin que la traduction ne soit pas une complète trahison. Milan Kundera s’est ainsi élevé contre la version française de ses premiers romans qui en a défiguré totalement et le style et l’esprit. Mais, s’il y a des traductions clairement fautives, il n’en est jamais de définitive ; La Divine Comédie de Dante a connu par exemple de nombreuses traductions en français qui procèdent de partis pris opposés : dans certains cas, on rend l’italien archaïque de Dante dans un français lui-même archaïque. Dans d’autres, on en propose un équivalent dans un état moderne de la langue.

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