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TEMPOREL / TEMPS

TEMPOREL, adj. (lat. tempus «moment», «temps»). ♦ 1° Par opposition à «éternel», qui se situe dans le temps (l'existence temporelle). ♦ 2° Par opposition à «spirituel», qui concerne les choses de la vie présente, l'homme vivant sur la terre et dans le temps, la vie politique, économique et sociale (pouvoir temporel). — Ce temporel n'est nullement méprisable, ni d'importance seconde. Il ne faut pas l'accabler de l'adjectif matériel. Il représente tout ce qui fait notre vie actuelle, notre champ d'action, nos responsabilités. ♦ 3° Employé substantivement, «le temporel» désigne les affaires de ce monde. ♦ 4° Le fait d'être temporel, la temporalité, chez Heidegger, est un existential, une manière humaine d'être. (V. «Heidegger».). L'existence fonde le temps et ses trois dimensions inséparables. Le présent est ma présence au monde, et celle-ci ne peut se réaliser sans référence à ce que je suis devenu comme à ce que je projette d'être.


TEMPS. n.m. (lat. tempus «température», «temps», «moment»). «Il y a des mots incapables d'être définis, et si la nature n'avait pas suppléé à ce défaut par une idée pareille qu’elle a donnée à tous les hommes, toutes nos expressions seraient confuses. (...) Le temps est de cette sorte. Qui le pourra définir ? Et pourquoi l'entreprendre, puisque tous les hommes conçoivent ce qu'on veut dire en parlant du temps, sans qu'on le désigne davantage ? Cependant, il y a bien de différentes opinions touchant l'essence du temps. Les uns disent que c'est le mouvement d'une chose créée ; les autres la mesure du mouvement etc. (...) Aussi ce n'est pas la nature de ces choses que je dis qui est connue de tous : ce n'est simplement que le rapport entre le nom et la chose ; en sorte qu'à cette expression temps, tous portent la pensée vers le même objet, ce qui suffit pour que ce terme n'ait pas besoin d'être défini, quoi qu'ensuite, en examinant ce que c'est que le temps, on en vienne à différer de sentiment après s'être mis à y penser ; car les définitions ne sont faites que pour désigner les choses que l'on nomme, et non pas pour en montrer la nature» (PASCAL, Opuscules : De l'esprit géométrique). ♦ 1° Un des sens de tempus en latin est «température» ; d'où le sens de temps dans «le temps qu'il fait» : c'est l'état de l'atmosphère. ♦ 2° En tant que donnée intuitive, le temps nous apparaît comme le nunc fluans de saint Augustin, un écoulement continuel, d'où il résulte que le présent devient passé, le futur présent. C'est l'opposition de ce qui passe à ce qui demeure. C'est l'expérience du changement continu, traduite depuis Héraclite dans l'image de la rivière et du courant. Ses caractéristiques sont la continuité, la succession, l'irréversibilité. Bergson a analysé la durée comme donnée immédiate de la conscience, comme une «succession sans extériorité», aux caractères qualitatifs. Il y a un temps existentiel, celui du projet, de l'attente, de l'espérance, de l'angoisse, du souci auquel la phénoménologie a attaché beaucoup d'importance. La conscience ne fait pas du temps une chose, mais elle lui reconnaît une réalité. Elle désire avoir du temps, elle lui attache du prix, elle veut le bien employer, ne pas le perdre, l'économiser, en gagner. Parfois, elle veut le tuer. Elle le conçoit comme une condition absolue, à laquelle toute existence est soumise, comme une force qui lui échappe, comme une puissance contradictoire, tantôt créatrice, tantôt destructrice. ♦ 3° Conçu abstraitement, le temps est un milieu homogène et indéfini, analogue à l'espace, dans lequel se déroulent les événements, soit qu'il existe en lui-même comme l'ont pensé Newton et Clarke, soit qu'il n'existe que dans la pensée (Leibniz) et représente une condition de la perception interne (Kant). ♦ 4° Il y a un temps opératoire (G. Berger), celui de l'action sur les choses, temps objectif, quantitatif, mesurable, que nous exprimons en jours, heures, minutes, secondes. Il se mesure par projection dans l'espace, par le mouvement des aiguilles sur le cadran des horloges. Il n’est cependant pas totalement abstrait, puisqu'il se réfère à des phénomènes naturels (mouvement de la terre autour du soleil). Envisagé comme division régulière, le temps joue un rôle en musique : ce sont les mesures. ♦ 5° Le principe de relativité a éliminé de la science la notion de temps absolu. Il est impossible d'instituer une mesure unique du temps. Deux événements simultanés pour les uns ne le sont pas pour les autres (P. Langevin). ♦ 6° Langage courant. Temps signifie le moment où se situe un événement, un phénomène naturel (le temps de la Réforme, le temps des cerises). — Au pluriel, il désigne une période mal définie (les Temps modernes). ♦ 7° Grammaire. Le temps (verbal) est le moyen de situer une action, dans le présent, le passé ou le futur.

TEMPS
Qu’il soit appréhendé comme une période qui s’écoule entre deux événements, ou comme un changement continuel et irréversible selon une dimension linéaire en vertu de laquelle le présent devient passé et l’avenir présent, le temps reste paradoxalement insaisissable alors que nous y sommes plongés sans jamais pouvoir nous en abstraire.
Kant fait du temps, milieu homogène à la manière de l’espace, le cadre a priori de notre perception et la condition universelle de la connaissance. Cette thèse se justifie par sa visée utilitaire, car la mesure du temps passe par celle de l’espace parcouru par un mobile dont le mouvement est uniforme, comme le veut la physique classique, selon la référence au temps astronomique. Mais l’évolution des sciences et la logique contemporaine obligent à penser qu’en fait, la conception du temps - et donc la façon dont il est vécu -est toujours historique ou culturelle, de même que la façon dont on le mesure : au temps (et à l’espace) kantien a succédé celui de la relativité...
♦ Bergson observait d’ailleurs que ce temps, qui repose sur un « concept bâtard dû à l’intrusion de l’espace », n’est pas le « temps vrai », lequel se confond avec la durée vécue, immédiatement donnée à la conscience avec des caractères qualitatifs, à la manière d’une mélodie ininterrompue qu’il serait artificiel de découper en instants séparés.
♦ La continuité, mais aussi la succession constituent la nature du temps ainsi que l’avait remarqué Leibniz : « Le temps est l’ordre des successifs mais qui ont entre eux de la connexion. » La connaissance du temps selon une succession d’instants privilégiés autorise quelques auteurs à concevoir, à la suite de Descartes, une discontinuité essentielle du temps. La phénoménologie contemporaine associe volontiers le temps à l’activité de la conscience, soit pour en faire le fondement de la liberté grâce au pro-jet (Sartre) qu’il permet de mettre en œuvre, soit pour justifier l’inquiétude de l’homme « être-pour-la-mort » (Heidegger, citant Nietzsche).


temps, mesure de la durée. — Le temps (intervalle objectif, mesuré par les horloges) se distingue de la durée vécue (Bergson) ou de la temporalité, ou conscience du temps (Husserl). Alors que la philosophie antique (grecque) opposait le monde du devenir au monde de la vérité en soi (immuable, intemporel), la philosophie moderne, depuis Kant, cherche à comprendre le monde, l'être, Dieu lui-même à partir de la conscience humaine temporelle (« l'être à partir du temps », dit Heidegger dans Etre et Temps). Cette nouvelle méthode, qui est critique, vise à déterminer les frontières, ou « limites », de l'univers de notre conscience et à comprendre à partir du temps de notre vie — c'est-à-dire de notre conscience réelle — toutes les données de l'univers (c'est le principe de toute philosophie réflexive; il a été pratiqué par Kant, Fichte, Hegel et Heidegger).

temps, durée marquée par la succession des événements. La notion de temps est une construction psychologique de l’homme, qui lui permet de s’adapter aux modifications de son milieu. Elle est fondée sur des facteurs sociaux aussi bien que sensori-moteurs. Il existe un temps objectif, socialisé, mesurable (montre, calendrier), un temps biologique, qui se modifie sous l’influence de différents facteurs tels que la température, une intoxication par le hachisch ou par d’autres drogues, et un temps subjectif, variable selon les individus et les intérêts personnels du moment (quand notre activité est intense, difficile, passionnante, la densité des impressions nous fait paraître le temps court ; quand, au contraire, nous restons oisifs, il nous paraît interminable). La perception et la valeur du temps varient aussi avec les cultures. Dans notre société, il paraît très précieux car il est organisé linéairement (orientés, captivés par un but, nous supportons mal d'être interrompus dans notre action). Mais il existe d'autres groupes culturels où cette structure temporelle est absente : le Balinais adulte vit le moment présent ; il n’attend rien et peut supporter indéfiniment d’être dérangé dans ses activités ; pour lui, la vie n’est qu’un présent indéfini qui ne mène à rien. En philosophie, le temps vécu, dit « temporalité », est l’espace essentiel de la conscience (M. Heidegger).

TEMPOREL, adj. 1° Qui se rapporte au temps. On oppose souvent ce qui est temporel à ce qui est spatial. Dans un début de récit, il est important de relever les indices spatio-temporels qui permettent au lecteur d’entrer dans l’atmosphère du livre. L’adjectif temporel s’emploie aussi en grammaire : une subordonnée temporelle. 2° Qui est de l’ordre du temps par opposition à ce qui est immuable ou éternel. Est temporel tout ce qui passe, tout ce qui «n’a qu’un temps». Et donc, tout ce qui est relatif au monde, à l’époque présente, à la société des hommes, aux réalités matérielles (périssables), par opposition au monde spirituel, au monde des âmes, au monde de la vie éternelle. Le temporel devient alors l’antonyme du spirituel. On oppose le «pouvoir temporel» de l’État au «pouvoir spirituel» de l’Église (qui a eu aussi un large pouvoir temporel !).

Temps
Ressenti dans son inéluctable écoulement, il constitue un thème lié :
1 à la conscience de la fragilité de l’homme et à la pensée de la mort : Ronsard, Odes, Amours; Du Bellay, Les Antiquités de Rome, Les Regrets; Lamartine, Méditations poétiques; Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe ; Hugo, Les Feuilles d’automne, Les Contemplations; Baudelaire, Les Fleurs du Mal; Apollinaire, Alcools; Proust, À la recherche du temps perdu; Supervielle, Gravitations; Aragon, Le Roman inachevé; Modiano, Rue des Boutiques obscures;
2 à la quête des souvenirs;
3 au culte de l’instant.

TEMPS (n. m.) 1. — Forme de l’expérience, du rapport de l’homme au monde : « Le temps est une représentation nécessaire qui s’étend à la base de toutes les intuitions » (Kant). 2. — Période qui sépare deux événements dont l’un est antérieur ; par ext., époque. 3. — Durée, changement continuel par lequel le présent devient le passé : « Nous ne pensons pas le temps réel, mais nous le vivons parce que la vie déborde l’intelligence » (Bergson). 4. — (Phys.) Variable entrant dans les équations du mouvement, et mesurable par la comparaison de différents mouvements : dans la mécanique newtonienne, la variable "t" est indépendante des coordonnées spatiales ; dans la mécanique einsteinienne, elle en dépend (cf. simultanéité); c’est pourquoi l’on parle, dans le premier cas, de temps absolu, dans le second, de temps local. 5. — Problème de la réalité du temps : problème philosophique tradit. consistant à savoir non seulement ce qu’est le temps, mais quel type d’être il est ; les class. y voient soit l’idée d’une relation entre les substances (Leibniz), soit (à partir de Newton) un milieu indéfini dans lequel se dérouleraient les événements ; Kant, en faisant du temps une forme de l’intuition, prépare les analyses modernes qui donnent à la conscience un rôle actif dans la constitution de la temporalité (Heidegger, Merleau-Ponty, Sartre). 6. — Temporaire : qui ne dure ou n’est fait que pour durer un temps limité. 7. — Temporalité : a) Caractère de ce qui est dans le temps ; opposée à éternité, b) Auj., souv., caractère de la conscience humaine qui est à la fois dans le temps et déploie le temps. 8. — Temporel : a) Qui est dans le temps ; qui concerne le temps ; opposé à éternel, b) Qui concerne les choses qui sont dans le temps, c.-à-d. matérielles ; opposé à spirituel.


TEMPS 1. Sens courant : période qui s’écoule entre deux événements (le temps de venir ici) et, par suite, époque (les temps modernes). 2. Changement continuel qui transforme le présent en passé. On dit aussi «durée» ou «devenir», c’est-à-dire temps qui passe. 3. Par abstraction, milieu indéfini, analogue à l’espace, dans lequel se déroulent tous les événements. E. Kant (1) analyse le temps comme existant seulement dans la pensée : c’est un cadre nécessaire de notre expérience, puisque toute chose est pour nous située en un lieu et à un moment donnés. Mais on peut imaginer une pensée qui ne saisirait pas les choses dans le temps (celle de Dieu, par exemple). Le temps est donc, avec l’espace, ce que Kant appelle les «formes a priori de la sensibilité ». Les philosophes phénoménologues insistent sur le rôle actif de la conscience dans la constitution du temps : le temps n’existe que pour les consciences qui l’éprouvent ou le pensent. Et pour l’homme avoir conscience de soi c’est aussi avoir conscience du temps (chacun se pense dans le temps) 1. E. Kant (1724-1804) : La raison pure, textes choisis, P.U.F., p. 69-70.

Du latin tempus, « temps » et « division du temps », « époque ». - Milieu indéfini et homogène, analogue à l’espace, dans lequel se déroulent les événements. - Mouvement continu et irréversible (« flèche du temps ») par lequel le présent rejoint le passé. - Sentiment intérieur de la temporalité, telle qu’elle est vécue par le sujet (synonyme : durée). • Aristote fait du temps une propriété du mouvement ; il le définit en effet comme « le nombre du mouvement selon l'antérieur et le postérieur ». • Pour saint Augustin, le temps est fondamentalement privation d'être, puisqu'il est constitué de trois néants : le passé qui n'est plus, l'évanescent présent (dès qu'il est, il cesse d'être) et l'avenir qui n'est pas encore. • D'après Kant, le temps n'est pas un concept tiré de l'expérience, mais la forme a priori par laquelle notre sensibilité organise et coordonne les phénomènes ; c'est en quelque sorte le prisme à travers lequel tout homme appréhende le monde. • Bergson oppose le temps spatialisé de l'horloge, quantifiable et universel, aux divers temps qualitatifs et subjectifs que vit la conscience au gré de son humeur.


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